Exportations suisse de matériel de guerre : Business as usual


L'année dernière, le Conseil fédéral, qui voulait assouplir l'ordonnance sur le matériel de guerre pour pouvoir en faciliter l'exportation dans des pays en guerre civile, y avait finalement renoncé  (en même temps qu'il renonçait à autoriser la livraison de pièces de rechange d'armes à l'Arabie saoudite, engagée dans la guerre du Yemen). Parce qu'une large alliance de mouvements pacifistes, solidaires, et même d'églises, avaient dénoncé cette tentative d'affaiblissement des contraintes faites aux exportateurs de matériel militaire, en contradiction absolue avec les promesses faites par le même Conseil fédéral en 2010 pour convaincre les citoyennes et les citoyens de rejeter l'initiative populaire pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre,  ce qu'ils avaient fait, convaincus par le Conseil fédéral, la droite et l'industrie de l'armement que cette exportation ne posait pas de problèmes, que les contrôles étaient stricts et que l'ordonnance sur le matériel de guerre garantissait le respect des principes de la politique humanitaire de notre humanitaire pays. Business as usual : depuis ce rejet, la Suisse a exporté pour 5 milliards de francs de matériel de guerre. Y compris vers des pays en guerre, violant les droits humains, voire soutenant le terrorisme.

RUAG, Pilatus ou la Croix-Rouge...

Au coeur des exportations suisses de matériel de guerre, il y a RUAG -une entreprise publique, à 100 % en mains de la pacifique, neutre et humanitaire Confédération  Helvétique. Et RUAG fabrique des armes et toutes sortes de matériels militaires. Qu'elle exporte. Par exemple au Yemen, le pays le plus pauvre de la péninsule arabique. Et au Yemen, où des millions de personnes ne mangent pas à leur faim, une guerre « civile » a déjà fait des milliers de morts. Une guerre « civile » à laquelle participent activement et directement l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Or RUAG, a implanté une filiale aux Emirats Arabes Unis. Qui fournissent aussi des armes à des protagonistes du conflit syrien. Des armes achetées à RUAG.  Dont la filiale aux Emirats développe de nouveaux équipements et a participé à Abu Dhabi à l'une des plus grosses foires aux armes du monde, l'IDEX, en y présentant sa toute belle nouveauté, un mortier bourré de technologie qui peut en quelques secondes être déployé et être prêt à tirer. A la foire à la boucherie d'Abu Dhabi, RUAG s'est proclamée « dévouée » à ses «chers clients du Moyen Orient», où elle veut se « développer » et « renforcer ses services» à sa fidèle clientèle de la région. En fournissant par exemple des systèmes de simulation permettant aux militaires du coin d'apprendre à tirer sur ce qu'ils veulent. Les civils yéménites (et d'ailleurs) n'ont qu'à bien se tenir. Ou bien se planquer. Une autre entreprise suisse, Pilatus, assure un soutien logistique aux forces aériennes saoudiennes pour ses avions d'entraînement PC-21, le Département des Affaires étrangères niant avoir donné à Pilatus l'autorisation de le faire. Pilatus serait aussi prestataire aux Emirats arabes unis et au Qatar, également engagés dans la guerre yéménite.

Et puis, il y a le marché noir et les réexportations douteuses : L'institut australien ARES révélait en octobre 2018 que des fusils d'assaut suisses SG 552-2 se vendaient au marché noir à Sanaa. Et pouvaient provenir d'un lot vendu à l'Arabie saoudite. En Syrie, ce sont des grenades à main de fabrication suisse qui ont été repérées.

Au Yemen, en Syrie, la Suisse c'est quoi ? RUAG, Pilatus, la Croix-Rouge ? Il doit bien y avoir une morale à cette histoire. Il ne peut pas ne pas y en avoir une. On l'a cherchée. Mais on ne l'a pas trouvée. Un manque d'imagination, sans doute.

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