Blague Friday



"incontournable" vendredi d'aliénation consumériste

"Nous vous proposons le plus gros rabais de l'année pour le Black Friday" nous aguiche un magasin, un autre nous annonce des "offres de folie", un autre encore des "réductions énormes", Manor promet 30 % de réductions, un magasin de godasses et Conforama s'en tiennent à 20 %, la Coop nous invite à nous faire "plaisir" en achetant des trucs dont on n'a pas forcément besoin, Media Markt nous fait 180 offres en nous tutoyant (on n'a pourtant pas gardé les moltons de Panurge ensemble) et un sex-shop nous propose un calendrier de l'Avent érotique à prix réduit...  C'était vendredi dernier. Mais qu'était-ce donc? Mais le "Black Friday", pardi. Un truc importé des Etats-Unis (forcément) et dont nous assure qu'il est devenu "incontournable" pour les commerçants. Admettons. Pour autant, il n'est pas devenu "incontournable" pour tout le monde -surtout ceux pour qui la fin du moins est arrivée autour du 15 du mois,et qui le 29 novembre n'ont aucune difficulté à ne rien acheter de plus que le strict nécessaire, puisque leur porte-monnaie et leurs cartes de débit et de débit sont à sec...


Qui ne se conçoit plus que comme consommateur est lui-même consommé

Le totalitarisme marchand, qui comme tout totalitarisme rêve d'un « homme nouveau » façonné par lui, à sa convenance et pour en faire l'usage qui lui convient, se construit et se développe par l'exploitation du désir -et toute prétention à le combattre qui ne se fonderait que sur une analyse purement matérialiste, et n'en ferait qu'une modalité d'un mode de production, se condamnerait à l'impuissance.

"Incontournable" pour les commerçants, le "Black Friday" ? Disons que s'ils le promeuvent, c'est que ça marche. Et que si ça marche, c'est que les consommateurs marchent. Courent, même. Au vrai, ce sont eux qui le font marcher. En n'ayant aucun début de petite pensée pour les travailleuses et travailleurs de la vente, galériens de ce jour d'aliénation collective. Un vrai "Black Friday" serait un jour de larçin, de vol à l'étalage, de pillage... Car il n’est qu’un moyen de se délivrer de la marchandise : la détruire -la détruire en tant que marchandise, c’est-à-dire détruire sa valeur d’échange. Celui qui détruit la marchandise s’en rend maître.
Or rien n’empêche le pillage, que la menace de la sanction légale. Mais cette menace n’est crédible qu’en l’absence de pillage massif : aucun tribunal ne pourra sanctionner l’ensemble des habitants d’un quartier s’ils décident de passer à l’acte et de s’approprier les marchandises disponibles -abolissant par la même la marchandise en tant que telle, dans le temps du pillage ou du vol, qui détruisent en effet ce qui, dans la marchandise, contient la valeur de l’exploitation du temps de travail qui l’a produite. Reste sans doute ensuite, l’exploitation ainsi niée, à nier aussi l’aliénation : c’est la pratique de la consumation, contre la consommation, qui devrait y pourvoir. Nous rêvons d’un gigantesque autodafé de tout ce qui symbolise et manifeste le désir de posséder une marchandise, ce désir attestant de l’adhésion absolue de son sujet aux normes sociales de comportement.
« Jouir sans entraves » fut dans les années '68 un mot d'ordre révolutionnaire; qu'il soit devenu le maître mot de l'appel à consommer tout ce que l'on désire, tous ceux et toutes celles que l'on désire, et tout de suite, dit mieux que des milliers de pages, à la fois la force du capitalisme, la faiblesse de ses adversaires et la réduction du librtaire au libéral. Aux désirs mobilisé par et pour la marchandise, nous avons à opposer d'autres désirs, plus forts, plus radicaux, plus libérateurs -non à prôner un ascétisme que nous serions les premiers à transgresser, mais à en inventer un qui réduise la marchandise à ce qu'elle est, au lieu que de faire de nos désirs de nouvelles marchandises. Car qui ne se conçoit plus que comme consommateur est lui-même consommé.

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