Elections, pièges à budgets


Rites budgétaires de fin d'année

Le Grand Conseil genevois examine depuis hier le budget du canton, Samedi et lundi, le Conseil municipal examinera celui de la commune. Des milliards sont en jeu, au total -les budgets de la Ville et du canton de Genève dépassent ceux de dizaines d'Etats membres de l'ONU...  C'est un rite de fin d'année, mais aussi le moment où les parlements jouent le rôle qui, avant tous les autres, avant même celui de législateur, les justifie et les légitime. Voter les impôts, les dépenses, les budgets, c'est le rôle historique, fondateur, des parlements : même quand ils ne sont pas des législatifs (ce que les conseils municipaux ne sont pas), ce sont eux qui accordent (ou non) à la collectivité publique les moyens qu'elle estime nécessaires à son action. Hélas, les parlements genevois ne sont élus que tous les cinq ans. Le seraient-ils chaque année, trois mois après le vote du budget du canton ou de la commune (c'est d'ailleurs le cas cette année des budgets municipaux votés en décembre par des conseils soumis à élection en mars), on verrait sur les populations humaines (et animales) de la ville et du canton pleuvoir comme vache qui pisse subventions, prestations, aménagements.


Une question si politique, et si peu politicienne

Le déficit au budget cantonal (dans la version proposée par la commission des finances) approche les 600 millions de francs. "Ensemble à Gauche" propose de le combler par toute une série de mesures fiscales augmentant la pression (ou annulant partiellement des baisses précédentes) sur les hauts revenus et les grosses fortunes. Des propositions qui n'ont aucune chance d'être acceptées par le parlement (à majorité de droite), et dont au moins une (une imposition plus forte des personnes physiques) a déjà été refusée par le peuple. Là, c'est moins le budget qui compte que la posture politique que l'on prend. Mais "Ensemble à Gauche" ne joue pas seule à ce jeu de masques : Le Conseil d'Etat propose de supprimer les annuités de la fonction publique pour pouvoir créer des postes, la commission des finances du Grand Conseil propose de supprimer la création de 412 nouveaux postes pour pouvoir payer les annuités, les Verts proposent de re-supprimer les annuités pour pouvoir rétablir une partie de la création de nouveaux postes.

Et puis, au Conseil Municipal, on va beaucoup parler du budget culturel. L'actualité s'y prête sans doute, avec les déboires ndu Grand Théâtre, mais indépendamment d'elle, il y a le poids de ce budget municipal sur la politique culturelle de tout le canton. En résumant à gros traits, le poids du budget de la culture sur le budget de la Ville de Genève est passé en une génération de 25 à 20 % (chaque pourcent pèse plus de dix millions, quand même), et le poids du Grand Théâtre sur le budget de la culture a été réduit dans les mêmes proportions. A quoi tient cette double réduction ? au renforcement de l'action sociale de la commune et au renforcement de son engagement dans le domaine sportif, ce qui réduit mécaniquement le poids du budget culturel dans le budget général, et à l'élargissement du champ des acteurs culturels subventionnés, ce qui réduit tout aussi mécaniquement le poids du Grand Théâtre dans le budget culturel. Cet élargissement du nombre d'acteurs culturels subventionnés, c'est cela, précisément, la "politique de l'arrosoir" -et c'est à cela que nous tenons. Le choix entre cet "arrosage" que la droite feint de détester (tout en le pratiquant quand elle le peut) et la "priorisation", c'est le choix entre accorder des moyens au plus grand nombre d'acteurs possibles, ou les concentrer sur quelques-uns. Mais sur lesquels ? il y a très gros à parier que les heureux gagnants seront ceux qui déjà bénéficient du plus fort soutien : le Grand Théâtre, l'OSR, la Nouvelle Comédie. Et que seraient donc perdants tous les acteurs culturels nouveaux, expérimentaux, ceux qui n'ont pas ou pas encore de public constitué, pas de lobby, pas de sponsors ni de mécènes mais qui produisent, ou reproduisent à leur manière, ce qui constitue le champ culturel d'une ville, d'un canton, d'une région...

De cela, ici, on ne doute pas. On doute seulement que le moment d'un débat budgétaire à trois mois d'élections municipales soit le meilleur moment pour poser une question si politique, et si peu politicienne que celle du soutien public à la culture vivante.

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