Brèves de comptoir


Genève, République laïque, 8 dé-cembre : des prédicateurs barbus encadrés d'hommes en armes dé-filent, avec un bourreau, suivis de femmes têtes couvertes, et finissent par chanter un cantique homicide en langue morte devant un feu de joie allumé devant un temple...
- Dis Tonton, comment tu traduirais « Cé qu'è lâino no » en arabe ?
- Ben... « Allahou Akbar »...

Après le refus en votation populaire, le 24 novembre, du projet d'utiliser un terrain agricole au Grand-Saconnex pour y installer un centre d'entraînement de footballeux et une palanquée de bureaux inutiles (mais rentables pour leur promoteur privé, faut croire), les responsables et anciens responsables du FC Servette étaient tellement fâchés qu'ils en étaient devenus muets. Mais il se sont repris, et avec l'aide du mi-nistre municipal genevois des sports, Sami Kanaan, ils envisagent d'ins-taller leur centre d'entraînement là où il est  le plus logique de l'instal-ler: dans un centre sportif. Celui des Evaux, à Onex, en l'occurrence. Le FC Servette s'y est déjà entraîné, l'équipe des moins de 21 ans l'utilise, d'autres formations aussi, les infrastructures sont existantes et trois terrains supplémentaires sont prévus au voisinage immédiat. On n'aurait pas pu commencer par là, plutôt que de bricoler une usine à gaz pour complaire à un promoteur privé qui rêvait d'augmenter encore le stock de bureaux vides à Genève ?

Donc, Luc Barthassat est candidat au Conseil administratif de la Ville de Genève, après s'être fait lourder (par les électeurs) du Conseil d'Etat de la République. Faut savoir se recon-vertir. Et il explique ses thèmes primordiaux : les transports, l'en-vironnement, la lutte contre la pollution, le rééquilibrage des sub-ventions dans les domaines sportifs et culturels. On traduit ? On traduit : les transports à moto, l'envi-ronnement des motos, le rééquilibrage des subventions en faveur des sports motorisés et la lutte contre la pollution par les motos... euh, non, pas ça... Bon, cela dit, vu le résultat de Lulu à l'élection du Conseil d'Etat il y a deux ans, en Ville de Genève, ses chances d'être élu sont... comment dire ? impalpables ?

On peut-être en même temps un remarquable cinéaste et un obsédé sexuel minable. C'est Polanski. On peut être en même temps un écrivain de génie et un salaud politique. C'est Céline. On peut être en même temps un excellent syndicaliste et un gros con. Plusieurs femmes ont dénoncé les agissements d'un syndicaliste genevois à l'encontre de collègues, de subordonnées et de travailleuses : invitations insistantes, contacts physiques non désirés, relances incessantes par courriels ou sms, gestes déplacés. Certaines d'entre elles ont eu recours à des conduites d'évitement pour ne plus avoir à le rencontrer. D'autres ont changé d'emploi. Plusieurs ont été atteintes dans leur santé. Et ça a duré une dizaine d'années, malgré les témoignages. Aucune procédure, aucune enquête, aucune dénon-ciation, jusqu'à un article de la «Tribune» de samedi. Autrement dit, dans un milieu supposé être particulièrement attentif aux droits et à la dignité des femmes, un gros con peut sévir sans que personne ne l'en empêche. Va falloir qu'on apprenne à mieux balayer devant notre porte, camarades...

Faut se rafraîchir la mémoire, de temps en temps. Tenez, par exemple, l'« Affaire Maudet », on se souvient plus très bien de quoi elle est tissée, vu le nombre de fils, de pelotes, de noeuds... Christhihan Lüscher l'avait hautement proclamé en septembre: l'« affaire » est « réglée ». Tellement « réglée » que deux mois plus tard il rendait Maudet responsable de la défaite du PLR aux élections fédérales et le suppliait : «Pour l’amour du PLR, Pierre, s’il te plaît, démissionne du parti !». L'amour du PLR ne semble pas suffire... Et puis, les fuites de l'enquête ont été si nombreuses que régulièrement, la presse réchauffe le couvert... ou agrémente le dossier de quelques révélations nouvelles et croustillantes... comme celles de « Die Zeit », qui « dispose des comptes de l'association des supporters de Maudet. Une association qui a détourné les règles de transparence du financement des partis et a caché ses revenus aux autorités fiscales ». Les premiers sur la liste des donateurs privés aux campagnes de Maudet sont l'agence de lobbying CPC avec 2500 francs, le groupe hôtelier Manotel avec une première tranche de 30'000 francs, la Fondation Genève Place Financière (préaidée par le banquier Mirabaud) avec un total de 50'000 francs. Les dons répétés de Manotel. s'inscrivent dans le cadre de la procédure pénale engagée contre Maudet pour en avoir profité. Quant à la Fondation Genève place financière, son président, le banquier Yves Mirabaud, a morigéné le président du PDC genevois, Bertrand Buchs, pour les « critiques agressives » du PDC envers Pierre Maudet. Or la banque soutient financièrement le PDC. Mais après que le PDC genevois ait critiqué Maudet, il n'a plus reçu ce soutien, qui a été directement viré au PDC suisse. Une erreur, assure la banque. On se marre. Autre sponsor de SuperMaudet, l'agence de lobbying CPC dont l’un des associés, Eric Benjamin, est membre du conseil d'administration de la société régionale SSR, et est intervenu auprès du directeur de la Radio Télévision Suisse pour freiner les recherches de la journaliste Laetitia Guinand sur l'« affaire ». Le rédacteur en chef de la « Tribune de Genève«» à l'époque, Pierre Ruetschi, confirme la surveillance exercée par Maudet sur ceux qui écrivent sur lui et ce qu'ils écrivent.
Enfin, il y a l'intérêt porté par Maudet au travail des services de renseignement genevois et suisses. Un intérêt un peu exorbitant de l'habitude pour un ministre cantonal -même quand il se rêve ministre fédéral : non seulement il se faisait informer régulièrement personnellement sur le travail du service de renseignement à Genève, mais « il voulait savoir. Tout savoir » selon « Die Zeit », qui s'appuie sur le témoignage de deux membres de la Brigade de sûreté intérieure (BSI) de la police genevoise, la branche cantonale du Service fédéral de renseignement, qui se sentaient sous surveillance :  le chef du Service était un intime de Pierre Maudet.  Les deux membres de la BSI affirment qu'ils devaient faire trois copies de chaque rapport : une pour le siège à Berne, une pour leur patron, la troisième pour Pierre Maudet, qui recevait ainsi des informations sur des politiciens élus, des conseillers nationaux et même un conseiller d'État...
Mais faut pas croire : il est désintéressé, Maudet : bon, d'accord, il n'a pas démis-sionné avant que soit passée la date en-deçà de laquelle il n'aurait pas droit à une rente à vie, mais il assurait début juillet qu'il est favorable à l'abolition de ladite rente à vie des conseillers d'Etat. Et laisse entendre qu’il pourrait se représenter en 2023. Pourquoi pas, après tout ? il nous manquerait, sinon.Et il manquerait même au PLR : comme bouc-émissaire, il est parfait. Irremplaçable même.

Commentaires

Articles les plus consultés