PS genevois : du bon usage d'une crise(tte)

Pour toutes et tous, sans états d'âmes

Il y a un bon usage possible des crises (le capitalisme nous l'enseigne avec suffisamment d'éloquence). Même les petites crisettes du genre de celle que traverse le PS genevois en ce moment peuvent être utiles. D'autant que depuis bientôt 140 ans qu'il existe, il devrait être accoutumé à la fois à ses crises internes et au bon usage qu'il peut en faire -non pour régler des comptes personnels, mais pour définir une ligne politique claire, à laquelle on puisse tout aussi clairement s'opposer. Car il vaut certainement mieux une ligne politique durable avec laquelle on est en désaccord mais à laquelle on puisse s'opposer durablement qu'une ligne politique imperceptible, social-démocrate le vendredi, social-libérale le samedi et (rhétoriquement, qu'on se rassure...) socialiste révolutionnaire le dimanche.
Et avec tout ça, Bonnes fêtes de fin d'année à toutes et tous. Sans états d'âmes.


Un parti politique n'est ni une église, ni une armée, ni un groupe thérapeutique, ni un office de placement

On est un peu contrit de devoir rappeler à des militants et des élus socialistes adultes que le PS est un parti politique et qu'un parti politique n'est ni une église, ni une armée, ni un groupe thérapeutique, ni un office de placement. On est un peu contrit aussi de leur rappeler que, même si le PS genevois a, en créant une sorte de bureau politique qui ne dit pas son nom, dépossédé (au profit de ce bureau) son comité directeur de sa capacité d'être réellement la direction du parti, ce bureau, ce comité, les députés, la présidence (ci-dessous, la lettre du président du parti aux membres du parti), ne sont pas le parti -seulement ses porte-paroles. Et que le parti n'étant pas une église, il ne détient aucune vérité révélée -il n'exprime que des choix politiques, arbitraires comme le sont tous les choix politiques, et ces choix ne s'imposent qu'à ses porte-paroles -pas à ses membres.
Dès lors, les conflits internes de ces derniers temps (comme ceux qui les ont précédés, et ceux qui, inévitablement, suivront), et dont on peine à savoir s'ils sont conflits de lignes ou querelles d'égos et d'amours propres (chacun sachant qu'il n'y a pas d'amour propre heureux), ne peuvent être attribués à la seule direction du parti. Et moins encore à un complot des uns pour museler les autres ou des autres pour museler les uns. D'autant qu'il est assez vraisemblable que les mêmes qui reprochent aujourd'hui à la présidence ou à la direction du parti une "absence de leadership" seraient les premiers et les premières à dénoncer toute prétention à ce leadership dont ils feignent de regretter l'absence.

Ni églises, ni armées, ni groupes thérapeutiques, ni offices de placement, les partis politiques ne sont que les instruments d'un projet politique. Et un parti politique, s’il veut être autre chose qu’un appareil gérant des plans de carrière personnels, doit reposer sur un mouvement social qui lui préexiste et lui donne naissance : le mouvement socialiste préexiste aux partis socialistes, et c’est la disparition de ce mouvement qui condamne ces partis. Notre tâche est bien de faire renaître ce mouvement. Or les partis socialiste et sociaux-démocrates (mais leurs concurrents ne sont pas en meilleur état : voyez le PLR genevois...) sont de moins en moins des partis de militants, et de plus en plus clairement et ouvertement des partis de cadres, des machines à élire, à placer, à former des « professionnels de la politique » dépossédant progressivement les citoyens, et finalement leur propre base, de tout pouvoir citoyen réel.

Pour parfaire leur impuissance politique, les partis politiques tendent de plus en plus ouvertement à être, volontairement, de simples « caisses de résonance » de l’opinion publique telle qu’elle est, c’est-à-dire telle qu’elle est façonnée par la société qui la produit, quand ils ne se veulent pas le « relais des mouvements sociaux », voire le « parti du mouvement social », comme ils se voulurent à gauche le relais des syndicats, et parfois en furent le « bras politique ».
Cette ambition, cependant, est aujourd'hui hors de leur atteinte  : d’abord parce qu’elle n’a de sens que si le pouvoir politique empêche le mouvement social d’occuper le champ qui est le sien (dans une société « démocratique » et « pluraliste », le mouvement social n’a pas besoin de se doter d’un parti politique, et lorsqu’il tente de le faire, il se nie en tant que mouvement social) ; ensuite parce que la fonction même du parti politique est contradictoire de celle du mouvement social. Le parti politique tend à l’exercice du pouvoir politique, qu’il s’agisse de le prendre ou d’y participer -il s’agit en tous cas d’y accéder, et une fois qu’on y a accédé, d’y rester. Un parti politique qui se voudrait mouvement social se nierait en tant que parti politique, aussi sûrement qu’un mouvement social se nierait comme tel s’il se constituait en parti politique.

Du rôle d’instruments fondamentaux du débat politique, les partis politiques sont passés à celui d’école du pouvoir politique. Ils sont aujourd’hui, dans le meilleur des cas, même lorsqu'ils ne se l'avouent pas à eux-mêmes (ou qu'ils refusent de se considérer comme des partis et se plaisent à se qualifier de "mouvements") des appareils idéologiques d’Etat. Ce qui vaut sans doute un peu mieux que d'être le champ clos d'affrontements tribaux, mais ce qui ne correspond tout de même à aucune des ambitions qui présidèrent à la création des partis socialistes, et que les partis socialistes, leurs militants et leurs élus feraient bien de retrouver rapidement, sauf à se satisfaire de ne plus être que des objets de nostalgies. Une sorte de Compagnie de 1932 ou des Vieux Grenadés.

Commentaires

  1. La lettre (17 décembre) du président du PS genevois aux membres du parti

    Chère Camarade, cher Camarade,

    Depuis quelques jours, des conflits internes au PSG ont fait les titres de la presse, donnant l’image regrettable d’un parti qui se déchire.

    En tant que président du PS genevois, guidé par une volonté de ne pas alimenter des polémiques et querelles stériles sur la place publique, j’ai décidé de ne pas apporter de réponse immédiate, mais de prendre le temps de la concertation et de la réflexion avant de m’adresser aux militantes et militants.

    Ce temps est venu et ce présent message envoyé à l’ensemble des membres de notre parti a pour but d’apporter des clarifications nécessaires. Beaucoup de propos erronés ont été livrés à la presse ou sur les réseaux sociaux, et je souhaite, en mon nom et au nom de la direction du parti, rétablir les faits principaux.

    Depuis un peu plus d’une année, le comité directeur a été amené à gérer plusieurs conflits, parfois mineurs, parfois graves et prenant des proportions difficilement contrôlables. Le Bureau, le CD et moi-même avons considéré tous ces conflits avec le plus grand sérieux, tentant à chaque fois de les régler de la manière la plus juste et impartiale possible.

    (...)

    Chère Camarade, cher Camarade, je souhaite que l’on sorte de ces conflits qui nuisent à tout le parti. La perte d’un siège au Conseil national en est probablement l’une des premières conséquences. Pour sortir de l’impasse, nous avons mis en place plusieurs groupes de travail, chargés notamment de réfléchir à notre organisation interne et au positionnement politique du parti.

    Chère Camarade, cher Camarade, la présidence veut relancer non seulement le débat à l’interne, un débat qui devra porter sur notre identité et nos spécificités, mais aussi sur nos engagements et objectifs politiques, de façon à renforcer notre ligne, notre message, notre action.

    Ce travail de réflexion aboutira à redéfinir notre mode de fonctionnement et, espérons-le, sortir de ces querelles qui ne font qu’entraver la dynamique de travail au sein de notre parti.

    Plusieurs rendez-vous sont déjà fixés, une assemblée thématique avec pour objet les migrations, une autre prévue avant les élections municipales portera sur le service public au sein des communes ; une assemblée générale sera convoquée pour présenter le bilan en cours (selon quatre axes) des élections nationales. Et cette liste des engagements en cours de la direction du parti n’est pas exhaustive.

    Le comité directeur poursuivra donc son travail avec assiduité et dans un esprit constructif. Car la seule chose qui m’importe, chère Camarade, cher Camarade, c’est que nous puissions, ensemble, continuer à nous battre pour la cause socialiste. Que nous puissions défendre les valeurs qui nous sont chères : la justice sociale et la solidarité. C’est ce à quoi je m’engage, toujours et encore, résolument et sans concession, et je l’espère, avec toi, chère Camarade, cher Camarade, à tes côtés, toutes et tous ensemble.



    Gérard Deshusses

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