Avions de combat : NON à un chèque en blanc

Le jeu de l'avion lasse

Le Parti socialiste, les Verts et le Groupe pour une suisse sans armée, soutenus par Greenpace et d'autres organisations,  ont lancé mercredi le référendum contre l'achat dispendieux de nouveaux avions de combat dont on ne connaît même pas le type, seulement le coût : six milliards, à multiplier par quatre pour tenir compte de la maintenance, de l'exploitation, des accidents possibles et des mises à niveau inévitables... Ce jeu de l'avion, dont le dernier épisode fut le rejet de la proposition d'achat de Gripen suédois pour un coût moitié moins élevé que la proposition actuelle, et qui a débuté en 1964 avec l'"Affaire des Mirage", commence à lasser sérieusement.  Nous avons cent jours (pas de ceux qui ne mène qu'à Waterloo) pour récolter 50'000 signatures valables, pour provoquer un vote populaire qui pourrait avoir lieu le 27 septembre. Commençons donc dès maintenant à signer et faire signer le référendum : on peut télécharger le formulaire de signatures sur https://www.fichier-pdf.fr/2020/01/09/referendum-avions-de-combat/


"lorsqu'on veut doter la police de nouvelles voitures, on n'achète pas des Lamborghini"

Accepter de claquer six milliards dans un premier temps, vingt-quatre en tout, pour acheter des avions de combat dernier cri, ou même avant-dernier cri afin d'en équiper l'armée suisse, cela a-t-il un sens -ou du moins, un autre sens que celui de regonfler l'industrie helvétique grâce aux "compensations" ? La Suisse est-t-elle menacée par quelque voisin particulièrement belliqueux ? et lequel ? Le Liechtenstein ? la Haute-Savoie ? Des avions de combat peuvent-ils combattre le dérèglement climatique (il semble plutôt qu'ils y contribuent) ? Sont-ils de quelque utilité contre des groupes terroristes manipulant des frappadingues attaquant des passants au couteau ? Ou contre des hackers menant une cyberguerre ? Ou contre des missiles de croisière ? Et n'a-t-on dans ce pays rien de mieux à faire avec les milliards qu'on propose de claquer pour des avions de combat (dont on ne sait même pas de quel modèle ils seront) ? la politique de la santé, la politique sociale, la lutte contre la crise climatique, n'ont pas besoin de ces ressources ? A toutes ces questions posées ici innocemment, les réponses paraissent évidentes. Et peuvent être concentrée en un seul NON -celui que le référendum lancé avant-hier permettra au peuple suisse d'opposer à l'achat d'armement le plus coûteux de l'histoire suisse. Et qui n'est pas la seule dépense militaire proposée, voire déjà décidée, car l'armée suisse ne veut pas seulement plus d'avions, d'armes et de matériel, elle veut aussi plus de locaux et d'espace : elle a des projets immobiliers de près de 2 milliards pour la construction, la transformation ou la rénovation de bâtiments et de places d'armes. Ce qui s'ajoute à un programme d'armement et de matériel de 9 milliards (bateaux de patrouille, mortiers, bazookas, camions, remorques, matériel de remplacement pour les avions de combat. Pas de nouveaux vélos ?)

On peut se passer pendant encore dix ans de nouveaux avions de combat, en utilisant plus longtemps que jusqu'en 2030 les F/A-18 dont notre glorieuse Luftwaffe dispose déjà. Et ensuite, on peut acheter des avions de surveillance à un coût bien moindre que celui que demande le Conseil fédéral pour des joujoux tout beaux, tout neufs et surtout à la pointe de la technologie pour des armées de l'air de grandes puissances militaires. Ce que la Suisse n'est pas ni n'a à être. Comme le relève la socialiste zurichoise Priska Seller Graf, "lorsqu'on veut doter la police de nouvelles voitures, on n'achète pas des Lamborghini"... or c'est pour faire de la "police de l'air" que la Suisse aura besoin de nouveaux avions -dans vingt ans... Et pour cette fonction-là, une douzaine d'avions plus légers et moins coûteux que ceux qui sont actuellement en concurrence et à l'examen (avec tout ce que cela suppose de pressions discrètes, de lobbysme intensif et de promesses de "compensations") suffisent. Or cette option là, celle d'un équipement plus adéquat aux missions qu'il aura à emplir, n'a pas été étudiée : pour la police aérienne, on veut des Lamborghini... et on veut en choisir le modèle après avoir avoir obtenu le pognon, pas avant.

En 1964, lors de l'"Affaire des Mirages", la Suisse entretenait l'armée la plus nombreuse d'Europe relativement à sa superficie et sa population du pays. "La Suisse est une armée", proclamait-on fièrement alors (proclamation redoublée quelques temps après par la publication d'un petit chef d'oeuvre d'humour vert-de-gris involontaire, le fameux petit livre rouge de la "Défense civile"). Cette apologie militariste est certes passée de mode, du moins sous cette forme, mais pas la conviction des chefs de l'armée et de la majorité du Conseil fédéral qu'il faut à la Suisse des forces aériennes au moins comparables, voire supérieures,
à celles de ses voisins, proportionnellement à sa taille et à la leur. Et l'échec en 2014 du projet d'achat d'avions Saab "Gripen" ne semble pas leur avoir appris grand chose, sauf se garder de proposer un modèle précis d'avion à acheter, pour éviter qu'à la critique de l'achat en soit s'ajoute la critique du modèle choisi... Raison pour laquelle on propose d'acheter pour six milliards (et d'entretenir pour 18 milliards) des avions de combat dont on ne sait rien. 



En 2014, les Suisses avaient refusé d'acheter des Saab Gripen pour 3,1 milliards. Aujourd'hui, on leur propose d'acheter on ne sait pas quels avions, pour le double de cette manne. L'UDC, le PLR, le PDC, l'armée, les organisations d'officiers et l'industrie suisse d'armement  vont tout faire pour que cette consumation de ressources soit avalisée par le peuple. Après quoi, les mêmes, ou la plupart d'entre eux, feront campagne pour le convaincre qu'un congé parental coûte trop cher, que loger les sdf est hors de prix, qu'on n'a pas les moyens d'assurer l'égalité salariale et qu'il faut modérer les exigences de soutien financier aux mesures de lutte contre le dérèglement climatique.

Choisis ton camp, camarade.


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