Donald, Greta, Davos...


Ouef ouef ouef !


Il y a eu deux vedettes à Davos : un Donald et une Greta. Trump et Thunberg. Un déni d'urgence climatique, un appel à la relever. Dans une station de sports d'hiver transformée en camp retranché, que les heureux participants d'un pince-fesse mondialisé (le ouef ) auquel on ne peut participer qu'en claquant 70'000 dollars (ou euros, ou francs suisses, comme vous voudrez). En s'y rendant si possible en jet privé ou en hélicoptère (et pas à pied, comme des centaines de manifestants vont le tenter -eux seront sans doute refoulés). Le tout étant protégé par les F/A-18 de l'aviation militaire suisse -qui prouve ainsi que ses appareils actuels font très bien l'affaire et qu'on n'a pas besoin d'en acheter de nouveaux. Le Ouef a mauvaise réputation, on se demande pourquoi. Et il veut s'en donner une nouvelle, plus présentable. D'où l'invitation à Greta Thunberg. Sans pour autant renoncer aux potentats égocentriques que le Ouef a coutume d'accueillir. D'où Donald Trump. Le plus infantile des deux n'étant évidemment pas celle qu'on pourrait croire. Un cinquième du Ouef devrait être consacré au climat. Et quatre cinquième à caresser dans le sens du poil et de l'amour-propre ceux qui le salopent. Donald y a donc toute sa place. Onc'Picsou aussi. Et Greta qui n'est ni une starlette, ni l'objet d'une tocade des foules, mais peut-être un symbole de tout ce que Davos n'est pas, ni ne peut être.


"Vous n'avez encore rien vu"
Que voulons-nous dire de notre programme lorsque nous le qualifions et nous qualifions nous-mêmes)d'"écosocialiste(s)" ? Nous voulons dire que l'urgence climatique est aussi une urgence sociale. Qu'on ne répondra pas à l'une sans répondre à l'autre. Qu'on ne peut préserver les équilibres écologiques sans préserver les droits sociaux et les libertés fondamentales. Que libérer les humains des chaînes économiques et sociales qu'ils ont eux-mêmes forgées (ou que quelques uns d'entre eux ont forgées pour toutes et tous) est un projet écologiste en même temps qu'il est le vieux projet socialiste. Et donc, un projet écosocialiste. Une porte ouverte est ainsi enfoncée : nous ne sommes pas des "verts libéraux"... Mais s'accorder à soi-même et au programme qu'on défend un qualificatif proclamatoire ne suffit évidemment pas : encore faut-il confronter ce programme à la réalité du tgemps où on le présente. Et cette réalité est une réalité de désastre environnemental en même temps que d'une profonde injustice sociale : Les 10 % les plus riches de habitants (humains) de la planète produisent 60 fois plus de gaz à effet de serre que les 10 % les plus pauvres. Et même la Deutsche Bank reconnaît que "le fardeau de la lutte contre le changement climatique pèse de manière disproportionnéle sur les pauvres". 
 


A l'ouverture de la COP25, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Gutierres, implorait (en vain) les Etats les plus riches et les plus puissants : "Nous attendons un mouvement profond de la part de la plupart des pays du G20, qui représente trois quarts des émissions mondiales. Ce ne sont pas ces Etats qui ont pris les engagements nécessaires, mais 73 pays (dont le Mexique, l'Argentine, le Pakistan), qui se sont engagés à rehausser leurs ambitions de réductions d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 - ils ne pèsent cependant, ensemble, que 8 % des émissions mondiales. Sept autres pays, dont l'Afrique du Sud, pourraient les rejoindre et en ont exprimé l'intention, mais leur adhésion ne porterait qu'à 10,5 % des émissions mondiales de CO2 le poids de cet engagement collectif plus audacieux que celui de l'accord de Paris. Toutefois, outre les Etats, des régions (14), des villes (398) et des entreprises (786) se sont engagées à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Reste que les Etats les plus responsables, aujourd'hui, du dérèglement climatique (la Chine, les USA, l'Inde) refusent tout engagement plus fort que ceux pris à Paris. Et qui sont eux-mêmes en deçà de l'indispensable : si l'on s'en tient aux objectifs de l'accord , il faudrait ne pas dépasser une hausse de la température mondiale de 2°C d'ici 2100, mais les engagements pris dessinent une hausse de 3,2°C.
 
La Commission Européenne a l'ambition d'un "Green deal" ("notre stratégie de croissance", selon la présidente Ursula von der Leyden, pour qui il doit devenir un élément "essentiel comme le sont aujourd'hui les droits de l'homme") -mais en a-t-elle les moyens ? Ambitieux, le projet présenté à la mi-décembre l'est : il touche à tous les domaines possibles : l'industrie, les transports, les sols, l'eau, la construction, le commerce, la biodiversité, la recherche, l'agriculture. En effet, la transition écologique ne peut qu'être globale. Le programme européen qui est supposé la porter, avec comme objectif celui de "zéro pollution" et la neutralité carbone en 2050 (mais la Hongrie, la République tchèque et la Pologne n'adhèrent pas à cet objectif) , impliquerait non seulement de grandes mesures d'ensemble, mais aussi, plus concrètement, des mesures spécifiques : abaissement des normes d'émission des véhicules, investissements dans les transports publics ferroviaires, mise à disposition de millions de points de recharge de batteries... La commission prévoit que 25 % du budget de l'Union devra être consacré à la transition écologique, et 40 % du budget de la politique agricole, pour des investissements (publics et privés) de 260 à 300 milliards d'euros par an. Au parlement européen, seule l'extrême-droite s'oppose clairement à ces objectifs -que les Verts voudraient encore plus ambitieux. Mais la commission sait que pour les atteindre, il faudra accompagner la transition écologique de mesures sociales, sauf à lancer dans la rue des c"gilets jaunes" dans toute l'Europe : on ne peut en effet fermer les mines de charbon en ignorant ce que deviendront ceux qui y travaillent. 100 milliards d'euros devraient être consacrés entre 2021 et 2027 à l'aide aux régions dépendante du carbone. En somme, la commission identifie bien les enjeux, et une bonne partie des chantiers à ouvrir. Mais elle ne se donne pas -elle ne le peut d'ailleurs pas, compte tenu de l'architecture institutionnelle de l'Union Européenne- les moyens de réaliser le programme qu'elle présente, et qui, pour pouvoir être réalisé, devrait être adopté par tous les pays de l'Union. Et même, au-delà de l'Union. Par la Suisse, par exemple. 


Lors de la signature de l'Accord de Paris, en 2015, la Suisse s'était avec les autres signataires engagée à réduire de moitié d'ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990). Cet engagement était basé sur les estimations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui considérait qu'une limitation du réchauffement de la planète à moins de 2° C d'ici 2100 suffisait pour éviter de graves conséquences. Mais depuis, les experts du GIEC ont révisé leurs estimations : c'est à moins de 1,5° C qu'il faut plafonner le réchauffement. Dès lors, le Conseil fédéral a lui aussi révisé les objectifs de la Suisse et veut réviser la loi pour atteindre de nouveaux engagements : les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer beaucoup plus rapidement, et la Suisse, dont les températures augmentent deux fois plus vite que la moyenne mondiale (la fonte des glaciers en témoigne) doit atteindre la "neutralité carbone" dans une génération (d'ici 2050) -un engagement que La France, le Royaume-Uni, la Suède, le Japon et le Chili ont déjà pris.

Les marches, les grèves, les manifestations pour le climat qui ont mobilisé des millions de personnes l'année dernière ? "C'est juste le début, vous n'avez encore rien vu", proclamait Greta Thunberg à Lausanne vendredi dernier, face à 10'000 personnes. Le collectif vaudois de la grève du climat présente une candidature à l'élection partielle au Conseil d'Etat (il s'agit de remplacer Jacqueline de Quattro)) : Juliette Vernier, dont la candidature a été tirée au sort pour ne pas personnaliser la démarche et ne la faire reposer que sur un programme. Cette candidature repose en effet sur un programme ambitieux : un plan climat comportant la taxation des instituts financiers pour financer la transition écologique et la réinsertion des personnes qui y perdraient , semaine de travail de 24 heures sur quatre jours, congé paternité "à la scandinave". A Genève, où la Ville a proclamé l'"urgence climatique" (comme, entre autres, Berne et Bâle), Sami Kanaan propose l'objectif la réduction de 60 % des gaz à effet de serre d'ici à dix ans et la neutralité carbone d'ici à vingt ans. Et de coordonner entre villes suisses les démarches pour atteindre ces objectifs. Et tout cela nous fait de bons programmes, précisément pour une transition, pas pour une révolution (on n'est pas dans le patrimoine trotskiste).  Mais plus on tardera à prendre les décisions qu'impose l 'urgence climatique -et l'urgence sociale qui lui est indissolublement liée, moins on aura le choix de la transition et plus s'imposera celui de la rupture.

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