De la politique en temps de pandémieDe la politique en temps de pandémie



Que confiner ?
 
Le parlement fédéral, le Grand Conseil, le Conseil municipal ne se réunissent plus jusqu'à nouvel ordre, les partis ne tiennent plus ni réunions internes, ni manifestations externes (le congrès du PS suisse a été reporté), on ne peut plus récolter dans la rue de signatures pour des référendums ou des initiatives... et le deuxième tour des Municipales françaises a été reporté de trois mois...  le COVID-19 a-t-il tué la démocratie ? alité la politique ?   La présidente du gouvernement vaudois, résumant les discours d'à peu près toutes et tous les responsables politiques, de Berset à Macron, explique : "aujourd'hui, nous devons limiter les interactions sociales". S'il s'agissait d'autre chose que de limiter les contacts physiques entre individus, il y aurait de quoi s'inquiéter : la société étant faite d'interactions (sociales par définition), il ne s'agirait plus alors que de "gérer" des individus isolés les uns des autres comme un gérant de supermarché gère le réapprovisionnement de ses rayons de boîtes de raviolis ou de papier de chiotte après qu'ils aient été dévalisés par des clients dont seule la part reptilienne du cerveau semble encore en état de fonctionner. Tout, cependant, ne peut être confiné. Et toutes celles et ceux qui sont confinés n'y survivent pas : http://www.bibebook.com/files/ebook/libre/V2/poe_edgar_allan_-_le_masque_de_la_mort_rouge.pdf?fbclid=IwAR2trYmBny_OchAOfa9MZvPUQLvh0UuE_YRl9gf4JpmBedakcrbFyhwWKrI


Les citoyennes et les citoyens  ne sont confinés ni au silence, ni à l'inaction
 
L'épidémie elle-même n'est pas politique mais sa propagation a sans doute été facilitée par des décisions (ou des non-décisions) politique, et surtout, la lutte menée contre elle relève de choix politiques -qu'ils soient pertinents ou non. En effet, les décisions prises pour contenir le COVID-19 sont prises par des acteurs politiques (même s'ils s'appuient sur des expertises scientifiques) et portant les unes sur l'urgence sanitaire, les autres sur la gestion des effets de ces décisions d'urgence, elles ont effet sur l'ensemble de la société et sont par là-même des décisions politiques; elles sont même la quintessence d'une décision politique, au plein sens du terme : qui organise la cité, la société. Politique est la décision de fermer les écoles et celle de dégager des ressources pour soutenir les secteurs, les entreprises, les activités, et celles et ceux qui en vivent, que les mesures contrépidémiques fragilisent. Politique, ainsi, la décision  de Sami Kanaan de maintenir les subventions accordées à des événements ou des spectacles qui ont dû être annulés. Politique aussi, évidemment, la décision de fermer les frontières de l'espace Schengen aux ressortissants d'Etats n'en faisant pas partie, et celle, exception à la précédente, de ne pas les fermer plus encore qu'elles ne le sont déjà aux requérants d'asile. Politique encore est la décision de donner au gouvernement central des pouvoirs de décision exorbitant de ceux que le fédéralisme lui accorde. Et politiques déjà furent les décisions de créer un Office fédéral de la santé publique, d'instituer des médecins cantonaux... et de faire de la lutte contre la grippe espagnole en 1918 un moyen de lutter contre la grève générale. Et politiques toujours, mais pour le pire, l’omerta imposées par les autorités locales chinoises sur l'apparition du coronavirus, et les errements de Trumnp et de Johnson face à la pandémie. 


Si on devait donner quelque exemple d'un comportement foncièrement a-politique, a contrario du sens que nous donnons au mot "politique", ce pourrait être celui des voyageurs s'agglutinant à Cointrin quand de toute part résonnent les appels à ne pas se rassembler. A quoi répondent les actions de solidarité, non organisées par l'Etat, naissant de la société elle-même, d'en bas : faire les courses de ses vieux voisins, ça n'a peut-être l'air de rien, ou relever de l'évidence, ou de devoir mais c'est sans doute bien plus politique que bien des actes qui se revendiquent tels. Et n'était-ce pas un acte politique du mouvement ouvrier du XIXe siècle que de créer des fonds de solidarité et des mutuelles d'assurance-maladie, bien avant que les premières bases d'un Etat social aient été posées ? 


Car ce n'est pas parce qu'en temps de crise les exécutifs prennent toujours le pas sur les législatifs et les délibératifs que la vie politique s'arrête : ce sont ces étages intermédiaires de la politique que sont les parlements, entre les gouvernements et le peuple, qui cèdent le pas : la préséance qu'ils cèdent, ils la cèdent certes vers le haut, vers les exécutifs, mais aussi vers le bas, vers les citoyennes et les citoyens. Elles et eux ne sont condamnés ni au silence, ni à l'inaction -s'ils sont invités à s'exprimer et à agir autrement que par les moyens dont nous avons pris l'habitude depuis, pour les plus anciens, depuis quelques siècles : les réseaux sociaux peuvent retrouver dans les contraintes qui nous sont aujourd'hui imposées une légitimité nouvelle : ils peuvent véhiculer autre chose que des miasmes. 


Si le télétravail va sans doute s'imposer partout où c'est possible, la télémilitance aussi peut suppléer à la désertification des espaces physiques de l'action politique. Du moins pour un temps : celui qui sera nécessaire pour que ce ne soient plus les gens qui soient confinés, mais le coronavirus.

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