Fonds de tiroir

Ce fut l'un des grands, héroïques, indispensables, combats de la droite municipale genevoise : restaurer le nom de « promotions » pour la Fête des écoles. Au nom de la tradition. Une décision avait même été prise par le Conseil municipal -mais manque de pot, ça ne relevait pas de sa compétence et la décision avait été cassée. Et, flèche du Parthe, survint le coronavirus, le confinement, tout ça. Et cette année, promotions et fêtes des écoles sont supprimées pour raisons sanitaires. Un complot, on vous dit. De gauche il est, ce virus chinois...

Ben ouala, c'est fait, le procès du siècle contre les magouilles financières du foot international, un « dossier phare de la justice suisse », le procès des tripatouillages autour de l'attribution de la Coupe du monde de foot 2006 à l'Allemagne a tourné en eau de boudin : les enquêteurs du Ministère public fédéral (MPC) ont mis trop de temps à constituer le dossier, le Tribunal fédéral a mis trop de temps à organiser le procès, le coronavirus à sévi... et les liens douteux entre le Procureur général de la Confédération Michael Lauber et le président de la FIFA Gianni Infantino menaçaient de toute façon de rendre tout jugement impossible. Un grand succès du foot pognon. Comme quoi, même si la pandémie a eu raison de toutes les compétitions sportives, elle a sauvegardé l'essentiel : la possibilité de traficoter, de magouiller et de corrompre, indissociable du sport-spectacle... 


Hier soir, les actionnaires d'UBS et ce soir ceux du Crédit Suisse, à moins que ce soit l'inverse,  se sont sans doute accordés des dividendes. Une pétition signée par plus de 10'000 personnes leur demandait pourtant d'y renoncer tant que la crise liée à la pandémie n'a pas été résorbée, surtout si ces deux banques devaient appeler l'Etat à leur secours. Mais les deux banques n'ont accepté que de verser les dividendes en deux tranches. C'est vrai que ça serait dommage de priver les gros actionnaires genre Black Rock ou le fonds souverain du Qatar de quelques pépites supplémentaires sous le futile prétexte que quelques centaines de millions de personnes dans le monde sont privées de travail et de revenu, et que des centaines de petites entreprises suisses craignent la faillite. Racket as Usual. 


Bon, ouala, c'est fait (bis), l'«Affaire des Notes de frais du Conseil administratif de la Ville», qui avait secoué le marigot politique genevois, est classée -du moins en ce qui con-cerne son volet judiciaire : le Parquet a en effet clôs la procédure qu'il avait ouverte pour gestion déloyale des intérêts publics contre deux Con-seillers administratifs, Guillaume Barazzone (PDC) et Rémy Pagani (Ensemble à  Gauche). Il avait ouvert une enquête à la suite d'un rapport de la Cour des Comptes sur les frais professionnels des membres du Conseil administratif, avait constaté des confusions entre dépenses per-sonnelles (courses en taxi, frais de repas, achats) et professionnelles de trois magistrats : les deux contre qui une procédure avait été ouverte, et Esther Alder (Verte), rien n'étant reproché aux deux socialistes Sami Kanaan et Sandrine Salerno. Les trois autres ayant remboursé la totalité (Guillaume Barazzone, Esther Alder) ou une partie (Rémy Pagani) des sommes litigieuses, on tire un trait, on solde les comptes et on repart d'un bon pied avec un nouveau Conseil administratif et un nouveau réglement (édicté par l'ancien CA) encadrant les frais professionnels de l'Exécutif. Comme c'est triste, une affaire qui promettait beaucoup et qui se dégonfle comme une vieille baudruche...
Les syndicats SIT, SYNA et UNIA annoncent le dépôt à Genève d'une pétition exigeant «des contrôles efficaces et des sanctions fermes» pour protéger la santé des travailleurs. Des centaines de chantiers ont en effet rouvert à Genève, ou s'apprête à rouvrir, alors que la coronapandémie n'a pas disparu. « La santé de milliers de travailleurs est désormais en danger, malgré les belles promesses faites par les conseillers d'Etat Dal Busco et Hodgers », dénoncent les syndicats. Qui dénoncent aussi le renoncement au dispositif de contrôle des chantiers négocié avec les partenaires sociaux, et exigent «le renforcement des contrôles et des sanctions à l'encontre des maîtres d'ouvrages et des entreprises privilégiant leurs intérêts économiques au détriment des mesures de protection de l'OFSP». Et concluent : « Stop à l'inertie politique, plus de courage, de volonté et de moyens ! Il est grand temps pour le Conseil d'Etat de prendre des décisions responsables pour garantir, enfin, le respect des normes OFSP et la santé des ouvriers du bâtiment ». Doutent de rien, les syndicats genevois... Mais bon, d'accord, on déconfine, mais on peut déconfiner sans déconner, quand même. 


A Genève, 279 bâtiments ont été classés depuis 1921 et des centaines d'autres inscrits à l'inventaire (une mesure moins protectrice) depuis 1976. Huit bâtiments ont été inscrits à l'inventaire en 2019, un seul a été classé : le Plaza. On vous dira pas grâce à qui, parce qu'on est modestes (le pluriel s'impose : outre le petit groupe d’irréductibles, il y avait quand même des milliers de Genevoises et de Genevois qui ont signé une initiative et une pétition, et des dizaines d'élues et d'élus municipaux et cantonaux pour déposer ou voter des propositions parlementaires pour sauver le plus beau cinéma genevois). On vous dira seulement grâce pas à qui : le Conseil d'Etat, qui a attendu pour classer ce bijou de salle que le propriétaire démolisseur pose les pioches, lassé de notre obstination à contrecarrer ses pulsions, et vende le bâtiment à « une-fondation-privée-dont-on-ne-donne-pas-le-nom-mais- que-tout-le-monde-connaît». Après cette bonne nouvelle, on en apprend une autre dans la « Tribune de Genève » de mardi : le programme pour la restauration de la salle est en voie d'achèvement, le jury est constitué, la mise au concours interviendra après le retour de la situation sanitaire à la normale, et il y aura au moins deux ans de travaux. Ouala. Comme l'écrit la «Tribune», «des mobilisations di-verses, passionnées et têtues» peuvent aboutir. On a été divers, mobilisés et têtus, et on entend bien le rester...

Il y a trente ans, le 24 avril, un intellectuel et militant iranien était assassiné près de Coppet par des tueurs au service du régime iranien. Il s'appelait Kazem Radjavi. Opposant au régime du Shah, il l'était devenu à celui des mollahs, et était le représentant du Comité national de la résistance iranienne. Treize hommes ont participé à son assassinat. Tous sont connus de la police et de la justice suisse. Aucun n'a jamais été arrêté, ni jugé, ni condamné. Quelques uns réapparaissent à Genève, intou-chables : ils ont des passeports diplo-matiques. Une rue porte son nom : elle mène à la salle où se tiennent les séances du Conseil municipal de Genève. Il faudra le lui rappeler...



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