Après le sauvetage du "Plaza"
On
est de plus en plus contents d'avoir
contribué à sauver le Plaza de la
démolition, et à inciter le Conseil
d'Etat à le re-classer au patrimoine,
après l'en avoir déclassé. Le
président de la Fondation Plaza, créée
par la Fondation Wilsdorf quand elle a
racheté le bâtiment abritant le cinéma,
a annoncé que des événements culturels y
seraient organisés avant que les travaux
de réhabilitation de la salle aient
réellement commencé. Le Plaza va
devenir, comme on le proposait depuis
des années, un centre culturel voué au
bâti (manière de rendre hommage à son
architecte, Marc-Joseph Saugey) et au
cinéma. La première manifestation prévue
pourrait se tenir en novembre, en lien
avec le GIFF (Festival international du
film de Genève), et avec la présence de
Stefan Eicher. La deuxième pourrait se
tenir au printemps 2021, avec des
projections de films du vendredi soir au
dimanche, dont un film reprenant la
programmation du cinéma avant de son
ouverture en 1952 à sa fermeture en
2004... Quinze bureaux d'architectes,
choisis par le Conseil de fondation, ont
été invités à travailler sur une
rénovation des lieux en respectant leur
état initial mais en les équipant des
dernières technologies et en respectant
des normes sécuritaires et
environnementales qui ne sont plus
celles de 1952. Deux à quatre bureaux
seront retenus au terme du premier acte
du concours, et un sera finalement
retenu au deuxième acte, en juin 2021.
Les travaux devraient démarrer en
janvier 2022 pour une inauguration à
l'automne 2023 de ce qui sera, à
nouveau, le plus grand cinéma de Genève,
avec une grande salle de 750 places
assises en parterre et balcon, et un
centre culturel, un bar glacier, une
boutique, un restaurant, des arcades,
une librairie, une bibliothèque, un
centre de documentation, une espace
d'exposition...
"Les seuls combats perdus d'avance sont ceux
qu'on renonce à livrer"
Il y avait deux enjeux dans le
combat pour sauver le Plaza : un enjeu patrimonial (sauver la
salle) et un enjeu culturel : en faire un lieu culturel
spécifique, pas seulement une salle de projection, mais une
"maison du cinéma" capable, par exemple, d'accueillir tous les
festivals de cinéma et d'image qui sont organisés à Genève (et
financés par la Ville). Le
projet de la Fondation Plaza, crée par la Fondation Wilsdorf et
qui bénéficiera d'un droit de superficie, est celui que nous
défendions depuis des années : faire de la salle de cinéma le
coeur d'un centre culturel voué au cinéma. La salle que le
Conseil d'Etat avait déclassée en 2013 au motif, ou au prétexte,
avancé par le propriétaire de l'époque, qu'il était impossible
d'en rentabiliser l'exploitation, comme si la rentabilité était
un critère de défense du patrimoine... il est rentable", le
Grand Théâtre, qui a besoin pour pouvoir tourner que la Ville y
injecte plus de 40 millions de francs chaque année ? Il est
rentable, l'Hôtel-de-Ville ? Il est rentable le Victoria Hall ?
Lorsque le propriétaire de l'époque a présenté son projet de démolition de la salle et de construction à sa place d'un centre commercial, auquel s'ajoutera ensuite un parking (pour 73 bagnoles et 18 motos, sur cinq niveaux) , l'Etat a autorisé le projet -autrement dit, a autorisé la démolition de la salle. On se bat depuis 2015 contre cette démolition -autrement dit, on s'est battu pendant plus de quatre ans contre l'Etat, pour sauver une salle dont l'Etat aujourd'hui voudrait bien s'attribuer une partie du mérite de l'avoir sauvée. "Le Plaza est une salle unique, c'est la cathédrale du cinéma" proclame l'architecte Patrick Devanthéry. Sa destruction aurait été "la perte d'une oeuvre d'art unique et irremplaçable pour tout le patrimoine architectural européen du XXe siècle", ponctue le professeur Bruno Reichlin, dans une lettre ouverte au Conseil d'Etat. Si Le Plaza est "la cathédrale du cinéma", que sont ceux qui voulaient le détruire, ceux qui les soutenaient (la droite municipale, par exemple) et ceux qui leur en avaient délivré l'autorisation ? des Talibans ?
"Les seuls combats perdus
d'avance sont ceux qu'on renonce à livrer"... Le Plaza
a donc été sauvé. Encore fallait-il qu'il soit sauvable
-c'est-à-dire qu'il ne soit pas détruit, comme le Conseil d'Etat
l'avait autorisé. Et c'est bien "la mobilisation pour le sauver"
qui a permis à la Fondation Wilsdorf de racheter autre chose
qu'un tas de gravats... "Cette transaction a été conclue quand
bien même elle représente le renoncement à un projet porteur",
n'en ont pas mois communiqué, au moment de la vente, les anciens
propriétaires. Un projet "porteur de quoi" ? S'ils y ont
renoncé, c'est sans doute que le combat mené pour qu'ils y
renoncent commençait à leur coûter fort cher, qu'ils se sont
aperçus qu'un centre commercial et un parking aujourd'hui
n'étaient plus "porteurs" que de pertes financières, comme
d'ailleurs les logements étudiants ajoutés au projet pour tenter
de le faire accepter : ou bien ces logements devaient être loués
à des prix accessibles à la majorité des étudiants, et le
propriétaire n'aurait pu en tirer aucun profit, ou bien ils
étaient destinés aux seuls étudiants qui ont (ou dont les
parents ont) les moyens de les payer au "prix du marché", ce qui
les destinait à un public qui n'en avait pas besoin. Pour comble
d'hypocrisie, les anciens propriétaires se disaient "heureux
d'annoncer que le cinéma Plaza va remplir une nouvelle fonction
pour Genève" alors qu'ils n'avaient eu de cesse de vouloir le
détruire...
Il aura fallu que la Fondation Wilsdorf (la
"bienfaitrice de Genève", proclamait l'hagiographe du "Temps")
rachète tout le bâtiment (classé) abritant la salle de cinéma
(alors déclassée) pour éviter qu'à sa place Genève soit
gratifiée d'un centre commercial et d'un parking de plus, dans
un quartier qui compte déjà au moins trois centres commerciaux
et autant de parkings. Un "scénario inouï débouchant sur un
happy end incroyable", se pinçait "La Tribune du 8 août. Un
scénario espéré s'agissant du sauvetage de la salle, et le seul
scénario possible s'agissant de son rachat, dès lors que l'Etat
et la Commune avaient renoncé à y investir autre chose que de
beaux discours. La Fondation, plus élégante que nombre de
commentateurs (et de magistrats...) a reconnu que "c'est
"l'attachement des Genevois pour ce lieu" et "la mobilisation
pour le sauver" l'ont convaincu qu'"il méritait d'être sauvé"...
Evidemment, une initiative signée par plus de 11'000 personnes,
ça pèse, même si les juristes de la couronne avaient trouvé
moyen de la faire invalider par le Conseil d'Etat. Ce contre
quoi on avait recouru au Tribunal Fédéral, qui a attendu que la
salle soit sauvée pour nous répondre que le recours n'avait plus
d'objet...
Pas de doute, on est bien contents d'avoir contribué, avec le soutien de milliers de Genevois, au sauvetage de la plus belle salle de cinéma de Genève.
Commentaires
Enregistrer un commentaire