Deux référendums contre la loi fédérale sur le CO2 : Tout ou rien ?


 
Un référendum est donc lancé contre la loi CO2. Deux référendums, en fait : un annoncé par l'UDC et ses satellites, un autre par la grève climatique romande et la gauche de la gauche. Ces deux référendums ne se concurrencent pas, ils s’additionnent. Et si, comme probable, ils aboutissent ensemble, on votera donc sur la loi. Et là encore, les "non" de l'UDC et les "non" de la grève climatique et de la gauche de la gauche s'additionneront : on est dans une pure logique majoritaire, où les motivations des votes ne pèsent, arithmétiquement, en rien sur le résultat et où voter "non" parce que la loi ne va pas assez loin (et en effet, elle est loin de répondre aux exigences de l'urgence climatique)  équivaut à un "non" parce que la loi va trop loin... Le dilemme est le même que celui auquel nous faisions face avec le projet de congé-paternité au rabais, accepté le 27 septembre :  loin de ce pourquoi nous nous battons, mais un premier pas (même un tout petit premier pas) vers cet objectif : un véritable congé parental. Un premier pas, ou un socle sur lequel appuyer un projet plus ambitieux. Fallait-il alors refuser de le faire, ce tout petit premier pas ? Va-t-on plus loin en refusant d'avancer un peu ? Nous avons toutes et tous, de la droite la moins à droite à la grève féministe en passant par toute la gauche accepté de le faire. Le même choix se pose face à la loi CO2 votée par les Chambres : elle est bien en deçà de ce qu'elle devrait être, mais elle est aussi un premier pas vers là où nous voulons aller. Plusieurs organisations et mouvements qui avaient appelé à voter pour le premier pas d'un congé paternité appellent à un référendum contre le premier pas vers une véritable loi climatique. Cette logique du "tout ou rien" n'a guère d'effet positif : l'unité de position de SolidaritéS et du Parti du Travail. C'est bien, mais un peu insuffisant pour que nous nous y rallions. Ou alors, pour prendre, à peu de frais, une posture de radicalisme intransigeant.

On ne se contente pas de peu -on prend le peu, et on s'appuie dessus pour exiger beaucoup plus

La loi sur le CO2 adoptée par les Chambres fédérales, contre les votes de la droite de la droite, sera donc vraisemblablement soumise au peuple. Qu'adviendra-t-il si la loi est refusée ? Eh bien, on en restera au statu quo. C'est-à-dire à l'absence à peu près totale de politique climatique digne de ce nom, et de toute politique environnementale anticyclique -le cycle étant celui de la dégradation climatique et environnementale. Avec le référendum, on est dans le "tout ou rien". Aussi compréhensible face à la médiocrité du résultat des débats parlementaires (pouvait-on en attendre qu'ils accouchent d'un projet de changement radical ?) qu'illusoire quant au résultat d'un éventuel refus de la loi : il ne poussera pas la Suisse a accélérer de vingt ans la marche vers la neutralité carbone, il effacera taxe sur les avions et augmentation de celles sur les carburants fossiles.

La loi CO2 a certes des conséquences socialement injustes, qu'elle ne compense pas : augmenter la taxation de l'essence est légitime (de douze centimes au maximum par litre), mais devrait imposer que l'on permette à celles et ceux qui ne peuvent se déplacer qu'en voiture traditionnelle de se déplacer autrement (cela suppose un renforcement des transports publics) ou en substituant des véhicules électriques à leur bagnole à carburant fossile (et cela suppose des subventions rendant les seconds accessibles à tous...). La loi taxe (de 30 à 120 francs) les billets d'avions ? c'est légitime. A condition que le prix des billets de train soit massivement réduit -et que l'on restaure les lignes de trains de nuit (ce que la loi CO2 permet d'ailleurs ded financer). La loi laisse impunies les banques, les assurances, les multinationales et les fonds de pension qui investissent dans des activités polluantes, les énergies fossiles, ou prêtent aux entreprises (ou aux Etats) qui s'y livrent? c'est en effet l'une des grosses insuffisances de la loi, en effet. Mais y remédie-t-on en restant au statu quo ou, une fois la loi adoptée, en la complétant par des mesures ciblant précisément le secteur financier?

La Suisse doit, aux termes de l'accord de Paris qu'elle a signé, tout faire pour freiner le réchauffement climatique à 1,5 °. La loi ne lui en donne pas les moyens et le Conseil fédéral ne propose la neutralité carbone qu'à l'horizon 2050-c'est vingt ans de trop. Il nous faut donc aller plus loin qu'elle, plus loin même que les accords de Paris, déjà dépassés par la dégradation climatique -mais ira-t-on plus loin qu'elle en revenant en arrière ? Parce que c'est à cela qu'aboutirait un refus de la loi. Et c'est pour éviter ce faux-pas que toutes les grandes organisations écologistes et environnementales soutiennent la loi : elle est insuffisante, "mais c'est mieux que rien", pour Greenpeace, elle "comble de grandes lacunes" pour l'ATE, et Actif.trafic salue la taxation des billets d'avion et le soutien aux trains de nuit -mais toutes, comme nous, considèrent qu'il faut aller plus loin, et plus fort. Mais en s'appuyant sur le peu, ou le pas assez, que la loi propose.

Nous n'avons pas renoncé au suffrage universel masculin parce qu'il excluait les femmes. Nous ne renonçons pas au suffrage universel indigène parce qu'il exclut les étrangers, ni au suffrage universel adulte parce qu'il exclut les moins de 18 ans. On ne se contente pas de peu -on prend le peu, et on s'appuie dessus pour exiger beaucoup plus. Par exemple, ce qu'exige l'initiative pour la protection des glaciers, qu'il s'agira de soutenir lorsqu'elle sera soumise au vote, et dont le comité désavoue le lancement du référendum.

Le refus de la loi ne poussera pas la Suisse a accélérer de vingt ans la marche vers la neutralité carbone, il effacera taxe sur les avions et augmentation de celles sur les carburants fossiles. Il atteindra, en fait, l'objectif de l'UDC : en rester là où on est. C'est-à-dire loin en deçà de ce que l'urgence climatique impose. On ne signera pas le référendum, et s'il aboutit, on votera pour la loi. Pour ensuite, aller plus loin qu'elle. Beaucoup plus loin...

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