La fonction publique genevoise, variable d'ajustement budgétaire
Ponctions publiques
Le projet de budget 2021 du canton de Genève est lourdement déficitaire. Et encore pourrait-il l'être plus lourdement encore, si le Conseil d'Etat ne proposait un paquet de mesures touchant directement la fonction publique, au sens large : baisse linéaire de 1 % du traitement, suspension de l'annuité, alourdissement de la cotisation à la caisse de pension, non-indexation du salaire -et tout cela, en ne faisant aucune différence entre les hautes et les basses classes des échelles de traitement : on tape aussi fort (autrement dit : plus fort encore) sur les plus bas salaires que sur les plus hauts. Bref, la fonction publique n'est plus le moyen pour la République d'agir dans tous les domaines où le peuple lui demande d'agir, elle n'est plus qu'une variable d'ajustement budgétaire. Ce qui présage, pour les années à venir, d'une succession de mesures du genre de celles proposées pour 2021, d'une détérioration des conditions de travail de celles et ceux qu'on ne s'était pas privé d'applaudir ce printemps précisément pour leur travail face à la pandémie, et d'un report massif de charges cantonales sur les communes -sans évidemment donner aux communes la compétences de définir ces charges. La gauche et les syndicats appellent à manifester contre les projets gouvernementaux cet après-midi de jeudi, dès 15h30 à la Place Neuve (départ du cortège à 16h30), le Cartel syndical de la fonction publique appelant à un débrayage cet-après-midi et le 29 octobre, à moins que le Conseil d'Etat retire son projet.
Des gouvernants gouvernés par le tabou des déficits et de la dette
"C'est la première fois que nous gagnons sur une
initiative fiscale", se réjouissait le président de la
Communauté genevoise d'action syndicale, Davide De Filippo après
l'acceptation par le peuple, de peu (50,03 % d'acceptation, 70
voix d'écart, et grâce au vote des villes) de l'initiative
populaire "Zéro Pertes"... qui exige, en résumé, de calibrer les
rentrées fiscales aux besoins, et au maintien des prestations. Il ne s'agit pas de
préserver les rentrées fiscales pour le plaisir de leur
thésaurisation, il s'agit de préserver les ressources
nécessaires au financement des services publics, à
l'engagement du personnel nécessaires aux secteurs les plus
essentiels (la santé, l'action sociale, l'éducation), à la
réinternalisation des services qu'on a sous-traités à un
secteur privé qui sous-paie et sous-protège ses employés. Il
s'agit aussi mettre fin au cycle pervers de réformes
fiscales qui vont toutes dans le même sens : celui de la
distribution de cadeaux aux grosses fortunes, hauts revenus,
entreprises multinationales -et celui de la concurrence et
de la sous-enchère fiscales entre cantons voisins... La
cible de l'initiative, c'est bien le budget de l'Etat (et
celui des communes), puisque c'est à le financer que sert
l'impôt.
Le budget
cantonal genevois, tel que proposé pour 2021 par le Conseil
d'Etat, aboutit à un déficit d'un demi-milliard, celui de la
Ville, tel que proposé par le Conseil administratif, à un
déficit de 50 millions. Ces déficits sont parfaitement
supportables -ils sont eux-mêmes un moyen de financer les
actions de l'Etat-, ils pourraient même l'être s'ils étaient
plus élevés. Mais pour contenir le déficit de son projet, le
Conseil d'Etat propose des mesures absurdes : réduire les
droits salariaux des fonctionnaires du "petit Etat" et des
employés des services publics, en ne tenant aucun compte des
situations différentes, des inégalités de salaires, au sein
de cette masse de plusieurs dizaines de milliers de
personnes, dont l'écrasante majorité exercent des fonctions,
assument des activités, indispensables.
"Alors que Genève fait probablement face à
la pire récession connue depuis les années 1930, les
autorités cantonales annoncent un plan d’austérité d’une
ampleur sans précédent. Cette politique profondément
anachronique renforce le risque d’une crise économique et
sociale durable qui détruira les emplois, anéantira nos PME
et aggravera la situation des plus fragiles.(...) Nous appelons les député-e-s de tout bord à
suspendre le frein à l’endettement et au déficit cantonal
afin de sortir de cette impasse et de donner à notre canton
la possibilité de développer des prestations de qualité pour
répondre aux besoins de la population, et de ne pas annuler
les efforts budgétaires communaux".
*Guylaine Antille, Jean-Luc Boesiger, Skander Chahlaoui, Ornella Enhas, Elisabeth Gabus-Thorens, Sami Kanaan, Carole-Anne Kast, Christina Kitsos, Stéphanie Lammar, Nathalie Leuenberger, Salima Moyard, Michel Pomatto, Martin Staub.
Les gouvernants de la parvulissime république, eux-mêmes gouvernés par le tabou des déficits et de la dette, ont donc choisi de faire le contraire de ce que des gouvernants des communes leur recommandaient de faire. Ils ont choisi, pour éponger les coûts des réformes fiscales, de faire pas loin d'un milliard d'économies, en quatre ans, sur la masse salariale de la fonction publique et sur les prestations sociales dont elle bénéficie. Et dont on entend jusqu'à en souhaiter devenir sourds proclamer qu'elles sont des privilèges -alors qu'elle sont des droits qu'il convient d'accorder à tous les salariés, ce qui est d'ailleurs le plus sûr moyen d'abolir un privilège : pour abolir celui du droit de vote réservé aux hommes riches (et, à Genève, protestants), on l'a étendu aux femmes et aux pauvres (même catholiques), on n'a pas établi ou rétabli la monarchie absolue...
C'est ainsi que nous défendons ce que les
statuts du personnel de l'Etat, des communes et des grands
services publics lui accordent : non comme des privilèges,
mais comme des droits qui n'ont de légitimité que si on se bat
pour qu'ils soient ceux de toutes les salariées et de tous les
salariés -en attendant, bien sûr, qu'on ait aboli le salariat,
ce à quoi, avouons-le piteusement, nous doutons de pouvoir
arriver dans le temps d'un exercice budgétaire.
Commentaires
Enregistrer un commentaire