Fonds de tiroir

 

Après la confe de presse du Conseil d'Etat genevois, hier, on s'inquiétait : Pierre Maudet est-il en RHT et au chômage technique ? Réponse d'une camarade : non, il est en quarantaine (politique), il a donc droit à son salaire. Ouf, on s'inquiétait...

Débat pataphysique, mercredi, au Conseil municipal de Genève, sur deux motions de la droite de la droite (MCG et UDC), sur la question taraudante de la place du cochon dans les cuisines scolaires, onze ans après qu'une association de restaurants scolaires ait décidé de ne plus proposer de viande de porc aux chtis nenfants parce qu'elle n'avait pas les moyens de leur proposer un menu alternatif, et quatre ans après que porcinet ait retrouvé le chemin des cuisines scolaires. On a évidemment refusé les deux motions, non seulement pour leur obsolescence, mais surtout pour ce qu'elles étaient : folkloriques (faut faire manger du porc aux écoliers parce que c'est une tradition chez nous), fétichistes (le porcs devient le totem d'une croisade contre ceux qui en font un tabou), zoophiles (l'une des deux proclame en titre «le porcs, j'adore») et identitaires (manger du cochon, c'est affirmer notre identité face aux métèques qui n'en mangent pas). D'ailleurs, pourquoi forcer les chtis nenfants à manger du porc parce que ça fait partie de la cuisine de chez nous, et pas du cheval, des tripes ou de la cervelle, qui en font aussi partie, hein ? Enfin, on a quand même signalé à nos chers collègues choirinó-philes que, comme notre camarade académicien Eric Orsenna le rappelle dans son dernier bouquin, «voyage au pays du vivant», que de tous les zanimaux sauf les singes (et les conseillers municipaux), le cochon est le plus proche de nous : nous avons avec lui 85 % de patrimoine génétique commun. Ce qui signifie qu'en manger, c'est à 85 % du cannibalisme. Et cochon qui s'en dédit. Groink.

Déjà privé d'une bonne partie de ses capacités d'action après l'éclatement de l'«affaire» de son voyage à Abu Dhabi (et des autres «affairettes» qui ont suivi), Pierre Maudet a perdu le peu qui lui en restait après que ses collègues aient pris connaissance d'un rapport, partiel et provisoire, sur la situation de l'ultime service qui lui restait, celui du dévelop-pement économique, dont une bonne partie du personnel sera en souffrance à cause des méthodes de management de Maudet, et du type de relations instaurées dans le service. Six des sept conseillères et Conseillers d'Etat ont donc transformé le septième en «ministre sans portefeuille» pour éloigner de lui ses collaborateurs. N'acceptant pas cette décision qu'il juge «humi-liante» et résultant d'une «cabale», Maudet a démissionné du Conseil d'Etat, non sans préciser que cette démission n'entrerait en force qu'au jour de l'élection de son successeur -lui entendant bien que ce successeur soit lui-même, puisqu'il a aussi annoncé qu'il se présentait à sa propre succession. Affamés qu'on est de campagnes électorales, on déprimait en se disant qu'on on allait se faire chier, sans élection jusqu'au printemps 2023, mais c'était sans compter sur Pierre le Grand. Qu'on salue donc au passage.

Mardi, au Conseil municipal de la Ville, on a défiunitivement poubellisé une proposition insane de la droite qui voulait interdire aux membres du parlement communal de manifester par leur vêtements une quelconque conviction politique.  On reste tout de même pantois devant cette tentative d'interdire dans un espace politique l'expression d'une conviction politique. Dans un lieu qui est précisément voué à leur expression. Du moins quand on en a... 


La semaine dernière, le Conseil municipal a accepté notre motion pour la création d'un fonds intercommunal de soutien à l'action sociale d'urgence, et on en est bien contents. Elle avait été acceptée à l'unanimité (moyennant quelques abstentions qui ne rompent l'una-nimité) par la commission sociale du Conseil, mais une majorité d'élues et d'élus présents ont tout de même voulu en débattre. Et on a donc entendu l'UDC dire son «inquiétude» (qu'on n'a pas réussi à calmer -faut dire qu'on n'a pas vraiment essayé...) à propos de la stratégie des auteurs de la motion, qui seraient partisans d'accorder une aide si généreuse aux plus démunis, aux sdf, aux chômeurs en fin de droit, et cela sans condition autre que leur présence à Genève et leur besoin d'aide, que cela attirerait toute la misère du monde au bout du lac. L'UDC imaginait carrément une horde de sdf américains (ou chinois ?) débarquer à Genève pour recevoir un sac de nourriture et une place dans un lieu d'héberghement. Quant au MCG, l'un de ses con-seillers municipaux a eu une idée géniale : n'aider que les sdf genevois et renvoyer tous les autres à Schaffhouse (pourquoi Schaffhouse ? mystère... pour les chutes du Rhin où balancer ces pouilleux ?). Mais bon, la motion a été adoptée à une large majorité, et c'est tout ce qui im-portait. C'est comme quand on fait du vélo et que la chaîne grince un peu : tant que le vélo fonctionne, les grincements, on s'en fout, on pédale, et on avance.

La décapitation de Samuel Paty, coupable d'avoir utilisé les caricatures du Prophète de l'Islam pour illustrer un cours sur la liberté d'expression (son assassinat illus-trant aussi l'incapacité de certains de comprendre le concept même de liberté d'expression -et donc la liberté de blasphémer) n'a pas seulement suscité une vague d'in-dignation, d'un côté, et de franco-phobie de l'autre (notamment en Turquie, et de la part même du sultan), elle a aussi été commentée sur un mode quasiment munichois par une bonne partie de la presse américaine (et anglaise) supposée être de «référence», avec une sorte de choeur piteux à l'unisson du renvoi de la responsabilité de l'assassinat à sa victime. Dans sa dernière édition, «Charlie Hebdo» donne quelques exemples de cette tentative de donner à l'assassin (et à ceux qui ensuite ont chanté ses louanges) la circonstance atténuante d'avoir été «provoqué» par l'assassiné, et par la conception française de la laïcité et de la liberté d'expression. Le «New York Times», qui avait commencé par mettre l'accent sur le fait que l'auteur d'une «attaque meurtrière au couteau dans la rue» avait été abattu par la police, considérait que «des questions sont soulevées quant à l'utilisation de M. Patry des caricatures de Mahomet en classe». Le «Washington Post», sur le même ton, écrit que «la décision de Paty de montrer ces dessins à des adolescents a fait sourciller», NBC insiste sur le fait que Samuel Paty avait été «averti de ne pas montrer des images du prophète Mahomet» (ce qui est faux, il n'avait pas été averti, il a en revanche été menacé après les avoir montré, et après avoir autorisé les élèves qui refusaient de les voir à quitter la classe). Et le «Post» de considérer que la laïcité française «favorise l'islamophobie». Quant à la BBC, elle insiste sur le fait qu'un «nombre croissant de personnes pensent que les lois françaises sur la laïcité et la liberté d'expression doivent changer» -pour, bien sûr, modérer la laïcité et réduire la liberté d'expression quand elle porte sur les religions. Ouala. On peut tirer la chasse . Et chaque semaine acheter «Charlie» Acheter, pas seulement lire. Parce que combattre l'«infâme» comme le fait Charlie ne se fait pas sans moyens.

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