Fonds de tiroir

 

Comme on sait, le Parti démocrate-chrétien suisse a changé de nom : il s'appellera désormais Le Centre. Mais qu'on se rassure, il reste démocrate et chrétien. Et les partis cantonaux pourront continuer a s'appeler PDC. Ou PPD (Parti populaire démo-cratique) au Tessin. De toute façon, quand on s'est appelé successivement ou en même temps suivant les lieux parti catholique-conservateur, chré-tien-social indépendant ou  populaire démocratique, on peut s'appeler comme on veut. Même d'un nom qui politiquement ne veut rien dire. Le Centre, par exemple.

La double majorité du peuple et des cantons ratée par l'initiative «pour des entreprises responsables» nous rappelle furieusement le système américain, où un.e candidat.e à la présidence (Al Gore ou Hillary Clinton, par exemple) peut obtenir la majorité des suffrages populaires mais perdre l'élection parce qu'il lui faut aussi la majorité des «grands électeurs» des Etats... C'est la première fois depuis 1955 qu'une initiative acceptée par le peuple est réputée avoir échoué faute d'une majorité de cantons l'acceptant. Le chef du groupe socialiste au Parle-ment fédéral, Roger Nordmann, s'indigne de ce qu'«un Appenzellois ait 43 fois plus de poids qu'un Zurichois» (pour une fois qu'on s'indigne du poids des Appenzellois et qu'on n'ironise pas sur leur taille...). Il nous revient une ancienne proposition de la gauche, concernant la composition du Conseil des Etats, mais dont on pourrait s'inspirer pour définir la «double majorité» nécessaire à l'adoption d'une initiative popu-laire : compter les plus grandes villes (celles de plus de 100'000 habitants par exemple) à l'égal de demi-cantons... D'ailleurs, dans les cantons qui ont voté «non», les plus grandes villes ont voté «oui» : Soleure, Olten, Aarau, Baden, Schaffhouse, Saint-Gall, Lucerne, Coire, Lugano... et en Valais : Monthey, Martigny, Sion, Sierre...
Genève, siège de nombreuses multi-nationales, grandes pourvoyeuses d'emplois et de ressources fiscales directes (leurs impôts) et indirectes (les impôts payés par leurs employés)  a voté à 64 % en faveur de l'initiative proposant de les rendre responsables de leurs actes. C'est pas qu'on est ingrats, c'est qu'on est tellement convaincus qu'elles sont toutes propres sur elles, durables, écolos et socialement responsables qu'on s'est tous dit que ça leur ferait rien de devoir, éven-tuellement prouver qu'elles sont ce qu'elles ont dit qu'elles sont...
Ce sont les petits cantons de Suisse centrale qui ont fait capoter l'initiative. Et donc empêché la Suisse de se doter librement en cette matière d'une législation nationale, plutôt que de devoir s'incliner piteusement devant une législation européenne. Pour des cantons qui par ailleurs sont des bastions udécistes et sont supposés honorer le totem de la souveraineté de la Suisse face à l'Europe, c'est assez cocasse, non ?

L'initiative pour des multinationales responsables de leurs actes a été largement approuvée par les femmes (à 55 %, contre 43 % pour les hommes), les villes (à 58 %, contre 44 % dans les campagnes), les jeunes (à 55 % des 18-34 ans, contre 45 % chez les plus de 65 ans) et la gauche (97 % des Verts et 87 % des socialistes l'ont soutenue, contre 17 % des udécistes, 20 % des radelibes et 41 % des démo-cherétiens... pardon, des "centristes"). Jeunes femmes urbaines de gauche, on vous aime... vieux mâles rupestres de droite, on vous conchie...

La cheffe du groupe PDC (pardon : du Centre) aux Chambres fédérales, Andrea Gmür, se lamente : elle combattait l'initiative pour des multinationales responsables de leurs actes, soutenue par les Eglises : "on m'a même traité de fausse catholique" ayant "vendu (son) âme aux multinationales". A l'inverse, la socialiste Ada Marra, catholique pratiquante, qui s'est fait excommunier par des adversaires politiques, ne s'en émeut guère : "Il y a le Dieu Mammon et Dieu tout court. Chacun se positionne et chacun assume". Et puis, au cas où, on achète une Indulgence à Mammon et Dieu pardonne, non ?

A trois contre un (74,77 % de «oui»), les Genevois et voises ont accepté une modification de la Constitution can-tonale pour restituer aux personnes jugées incapables de discernement (1200 personnes actuellement) les droits politiques dont une décision de justice les ont privées. C'est une pre-mière suisse. La présidente du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta a salué cette décision comme un «pas vers l'inclusion». C'en est un, en effet, un pas vers le suffrage universel... qui, nous a susurré une camarade vaudoise, ne pouvait être fait qu'à Genève : «si on prive des droits politiques toutes les personnes incapables de discernement, y'a plus personne qui pourra voter à Genève»...

A deux contre un (65,52 % de «non»), les Genevois et voises ont refusé de déclasser en zone industrielle une zone agricole utilisée depuis vingt ans par une entreprise de recyclage de matériaux de construction, la Sablière. Prenant acte du vote, le Conseil d'Etat relève que ça ne règle pas le problème du recyclage des gravats (la Sablière en traitait 150'000 tonnes par an)... Bah, c'est pas grave, on les exportera (en camion) en France ou dans le canton de Vaud (comme on le fait déjà avec les mâchefers)... c'est bien nous qu'on est le centre et eux la périphérie, ou bien  ?



Commentaires

Articles les plus consultés