Votations fédérales : Pas déçus en bien...


Après une campagne qui fut celle d'une mobilisation jamais vues depuis longtemps, la déception est au rendez-vous : on aurait bien aimé être surpris d'un résultat démentant nos prévisions, on ne sera pas "déçus en bien"  puisque l'initiative pour des entreprises responsables, acceptée
(comme espéré) par une petite majorité (40'000 voix d'avance) du peuple suisse, a été refusée (comme prévisible) par une majorité des cantons, l'initiative contre le financement des armes de guerre étant refusée par le peuple suisse et les cantons (mais acceptée à Genève, dans le Jura, à Bâle-Ville et à Neuchâtel). On reviendra un de ces jours sur la seconde initiative, on s'en tiendra ici à la première : l'initiative pour des entreprises responsables ayant succombé à la vieille règle confédérale de la double majorité du peuple et des cantons, le contre-projet indirect entrera en vigueur, sans avoir été soumis au vote. Ce contre-projet est une tartufferie, un semblant de tout petit pas qui n'aurait même pas pu être fait si l'initiative n'avait exercé une pression et suscité une crainte suffisante pour que la droite parlementaire, et les multinationales elles-même, se résolvent à le proposer. Voilà donc la Suisse dotée d'une loi qu'il va falloir renforcer. Beaucoup renforcer. Sous pression européenne, puisque l'Union européenne va se doter d'une directive sur la responsabilité des multinationales, qui ressemblera beaucoup à ce que proposait l'initiative, ce qui nuance notre déception d'un soupçon de ricanement : que la Suisse ne soit pas membre de l'Union européenne n'exemptera pas "nos" multinationales des obligations posées par cette directive, puisqu'elle s'appliquera à toutes les entreprises actives dans l'Union Européenne -y compris, donc, des entreprises suisses ayant leur siège en Suisse... qui hurlaient à la mort à l'idée de devoir se retrouver devant des tribunaux suisses mais qui pourront être accusées devant des tribunaux européens... Amusant, non ?


"Nous les prendrons au mot", "nous n'abandonnerons pas"

Que faire d'un scrutin où la proposition que nous soutenions a été approuvée par le peuple, mais pas dans une majorité de cantons (la campagne finale des adversaires de l'initiative ayant précisément "ciblé" quelques petits cantons de Suisse centrale pour les faire basculer dans le camp du "non") ? L'abandonner, l'archiver ? Que l'initiative pour des entreprises responsables de leurs actes n'ait pas abouti est sans aucun doute un échec. Mais qu'elle ait obtenu une majorité des votes est sans plus de doute un succès. A condition de remettre l'ouvrage sur le métier. Et c'est bien ce qui va se passer, assurent les forces politiques et sociales qui ont porté l'initiative : le PS et les Verts sont déjà à la tâche, préparant une ou plusieurs initiatives ciblant, pour à terme les interdire, les investissements des banques, assurances, fondations, caisses de retraite, nuisibles pour le climat et l'environnement, comme ceux dans les énergies fossiles ou la production d'électricité "sale" : la place financière suisse investit en effet quatre fois plus dans la production d'énergie à partir de charbon ou de gaz que dans les sources d'énergie renouvelable.

Une page est tournée avec le refus de l'initiative pour des multinationales responsables ? ce qu'elle contenait est repris sur les pages suivantes : L'Union Européenne prépare une directive sur la responsabilité des entreprises qui, une fois adoptée et transcrite dans les droits nationaux des 27 Etats de l'Union, s'appliquera à toutes les entreprises actives sur son espace, y compris celles dont le siège est extérieur à l'UE. Cela, de toute évidence, concerne les multinationales dont le siège est en Suisse. Le Royaume-Uni,le Canada, l'Australie appliquent déjà des dispositions comparables. Le projet de l'UE comme les directives britanniques et les françaises (loi sur le "devoir de diligence"), comme l'initiative suisse (mais pas le contre-projet...) se basent sur les principes directeurs de l'OCDE et les Objectifs de développement durable de l'ONU. La loi française s'applique, comme l'initiative suisse le proposait, non seulement aux entreprises-mères mais aussi à leurs filiales et à leurs sous-traitants, et, toujours comme l'initiative le proposait, permet aux victimes d'actes délictueux ou criminels d'entreprises de les attaquer en justice. Mais sans doute les petits cantons de Suisse centrale et orientale préfèrent-ils que les multinationales suisses soient jugées à l'étranger plutôt qu'en Suisse : cette ouverture à l'Europe, on s'autorisera à la saluer. Avec peut-être un soupçon d'ironie -mais c'est celle de l'histoire...

"Nous n'abandonnerons pas", proclament les co-présidents du PS suisse : "Ce non des cantons ne nous décourage pas, bien au contraire ! Nous sommes plus que jamais solidaires et nous continuerons à lutter sans relâche contre les budgets en millions de la droite et contre les campagnes de peur menées par les lobbies des multinationales, en particulier dans les zones périphériques", puisque ce sont elles qui ont fait pencher la balance en faveur d'une majorité négative des cantons, dans un système où Zoug pèse autant que Zurich et Nidwald autant que Bâle-Ville...
Du côté des multinationales, du patronat, de la majorité du parlement, du Conseil fédéral, on assure qu'on va prendre au sérieux les critères éthiques que fait mine de poser le contre-projet indirect concocté in fine par le Conseil fédéral et les multinationales (après avoir tout fait pour qu'un compromis crédible soit adopté par le parlement). Nous les prendrons au mot" assure Amnesty International»... Quel mot ? celui de «responsabilité», par exemple ?



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