Fonds de tiroir

 Pour se présenter au Conseil d'Etat, à sa propre succession, Pierre Maudet avait besoin de la signature de cinquante personnes. Il en a obtenu le double, dont celles d'élus et d'anciens élus du PLR dans des conseils muni-cipaux, des exécutifs de communes et au Grand Conseil (alors que le PLR présente, objectivement contre Pierre Maudet, la candidature du député Cyril Aellen) : le député Charles Selleger, les conseillères municipales et Patricia Richard, Florence Kraft Babel et l'ancien Maire de Genève Michel Rossetti, le conseiller municipal de Meyrin Philippe Serrano, les anciens députés Jacques Jeannerat, Pierre Kunz, Bernard Lescaze et Frédéric Hohl. Le mandataire de la liste de dépôt de candidature de Maudet est un autre PLR, Jean-Marc Leiser. On y ajoutera quelques élus ou anciens élus d'autres partis, comme le Maire PDC Hubert Dethurens, les anciens Maires de Russin, Avusy et Pregny-Chambésy, la députée UDC Eliane Michaud Ansermet, l'ex-députée d'Ensemble à Gauche Magali Orsini, le Conseiller municipal socialiste de Versoix Patrice Marro. Bien sûr, quelques anciens conseillers d'Etat manquent à l'appel, mais il s'en consolera sûrement, Maudet, il s'est trouvé bien assez de copains...

En pleine coronapandémie, le Conseil national a trouvé le temps de débattre de l'initiative populaire crypto-udéciste proposant l'interdiction de la dissimu-lation du visage sur la voie publique (dite initiative «antiburqa», puisqu'en réalité c'est bien de l'interdiction de cette dissimulation-là, l'islamiste, dont il s'agit), et a par 114 voix contre 76 (UDC et une partie du PDC) appelé à la refuser, sans lui opposer un contre-projet direct Le Conseil fédéral est lui aussi opposé à l'initiative, au nom du fédéralisme : elle empiète en effet sur une compétence cantonale (et nombre de cantons se sont déjà prononcés sur des propositions du même genre que celle de l'initiative). Du coup, un contre-projet indirect, proposé par le Conseil fédéral sous forme de dispositions du Code pénal réprimant la contrainte vestimentaire exercée sur des personnes en raison de leur sexe, entrera en vigueur si l'initiative est refusée. L'initiativ est soumise au peuple en mars prochain. Nul doute que ses partisans de l'initiative, cohérents malgré la pandémie, iront voter sans masque au local de vote...

Hier, au Conseil municipal de Genève, des élu.e.s se sont inquiétés de la prolifération des antennes 5G sur les toits de la Ville, malgré un moratoire proclamé par la commune et le canton. Mais in petto, on s'est quand même demandé si on ne menait pas là un combat défensif d'arrière-garde, vu que l'Union Européenne (d'accord, la Suisse n'en est pas membre, mais elle choisit généralement de faire comme elle) prépare déjà la 6G, qui combine communication par satellite avec communication au sol. Et elle n'est pas la seule, l'UE, à préparer la 6G : les USA et la Chine en font autant, chacun choisissant ses partenaires priviégiés : Nokia et Ericsson pour les Européens, Samsung pour les Coréens (du sud), Huawei pour les Chinois (déjà champions de la 5G, et qui ont expédié dans l'espace le premier satellite 6G au monde), les GAFA pour les USA... Et après la 6G, on verra, forcément, se profiler la 7G, la 8G et ainsi de suite.  Jusqu'à la 666G, sussurrent les complotistes apocalyptiques.  Bon, notez bien que nous, on s'en fout, on est des nostalgiques de la 2G. La 3G, au mieux. Celle du vieux Nokia qui traîne dans un tiroir. A côté du fax.

On vous a causé hier de Sébastien Castellion, et de l'honneur que Genève entend, enfin, lui rendre, à lui qui plaidait pour la tolérance religieuse en un temps où la seule réponse à la divergence religieuse, culturelle, philosophique, était le bûcher ou le massacre, façon St- Barthélémy. Castellion avait publié ce plaidoyer en réponse à celui de Calvin, justifiant la mise à mort (sur le bûcher, précisément, à Champel) de Michel Servet. Pour qui, à défaut d'hommage, Genève avait fait acte de contrition. Tout en excusant Calvin d'avoir commis une faute qui n'était que «celle de son temps». L'hommage à Servet, c'est Annemasse qui l'a rendu, en érigeant une statue à son effigie devant l'Hôtel-de-Ville. A l'origine, la statue devait être érigée à Genève : l'édification du Mur des Réforma-teurs, au début du XXe siècle, avec Calvin au centre et quasiment en majesté, avait suscité l'indignation de la Libre Pensée, qui avait com-mandé une statue de Servet à la sculptrice genevoise Clothilde Roch. Mais les autorités genevoises refusè-rent que la statue soit érigée sur le territoire de la République (et canton). Le comité qui avait com-mandé la statue l'a alors proposée à Ferney-Voltaire. Qui, malgré sa révérence à Voltaire, grand défenseur de la tolérance, a aussi refusé de voir Servet statufié chez elle. Le comité s'est alors adressé à Annemasse (3000 habitants, à l'époque), qui, en 1908, a accepté, pas fâchée de donner une leçon de tolérance à Genève, d'ériger la statue chez elle. Elle y restera jusqu'en 1941, où elle sera fondue par Vichy sur réquisition de l'occupant allemand. Mais elle reviendra en 1960, sous la forme d'une copie fidèle.  Et à Genève, alors, toujours rien ? Ben si : Le Conseiller administratif Rémy Pagani a fait couler une autre copie de la statue pour qu'elle soit installée près du modeste monument expiatoire que la Genève protestante avait tout de même décidé d'ériger à Champel. Et c'est ainsi qu'après presque un demi-millénaire, Genève aura fini par rendre hommage à la fois à une victime de l'intolérance religieuse, Servet, et un défenseur de la tolérance religieuse, Castellion. Tout en continuant à rendre hommage à Calvin. La neutralité, quand même, c'est quelque chose...

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