Action sociale d'urgence en Ville de Genève : Détournement de faits

 

Lors du vote du budget de la Ville de Genève pour 2021, le Conseil municipal a accepté de prélever sur un fonds (le fonds Zell) voué à soutenir financièrement l'action du Service social de la Ville en faveur des personnes âgées, 960'000 francs pour soutenir deux institutions (la Nouvelle Roseraie et Trajets). Les prestations des deux institutions ainsi soutenues étant principalement destinées aux personnes âgées, le prélèvement les finançant est parfaitement conforme à la mission du fonds. Et comme le soutien à ces deux institutions était auparavant assumé directement sur le budget de la Ville, le faire assumer par le fonds Zell a permis d'affecter, avec l'accord du Conseil municipal, une somme équivalente à l'action sociale d'urgence, et plus précisément à l'hébergement des sans-abris, sans péjorer le résultat final du budget, ce que le cadre cantonal imposé aux communes (mais que le canton se garde bien de s'imposer à lui-même) ne permet pas. Jusque là, pas de problème. Sauf qu'en temps de covid et de vacances politique (vacances devant ici être pris au sens étymologique : un vide),  on se fait mousser avec ce  qu'on peut. Une petite polémique bien crapoteuse fera  l'affaire. Et donc un Conseiller municipal PLR passé à l'UDC est allé pleurnicher auprès de la Surveillance des communes (le SAFCO), ses pleurnicheries auto-promotionnelles ont ému un Conseiller d'Etat socialiste (on a bon coeur, au PS) et sur Léman Bleu, Le Journaliste, autoproclamé chef de la résistance patriotique à l'écosocialisme et au Conseil administratif de gauche, a embrayé devant deux comparses UDC et PLR dans un joyeux passage réciproque de pommade : utiliser un fonds destiné à financer une action sociale pour financer une action sociale, c'est frauduleux. Et voilà comment on procède à un détournement de faits pour inventer un "détournement de fonds"...

Figurez-vous, bonnes gens, qu'il y a des sans-papiers qui ont un abri et des sans-abri qui ont des papiers

« … j’institue pour mon unique héritière la Ville de Genève en faveur de son Service social et plus particulièrement pour les personnes âgées» : telles sont, établies dans son testament du 14 août 1982, les volontés d'Emma Louise Zell, ayant trouvé refuge à Genève après avoir fui le nazisme. On insistera ici sur le "plus particulièrement", et on se résoudra à devoir expliquer au Conseiller d'Etat chargé de la "cohésion sociale" que "plus particulièrement" ne signifie pas "exclusivement". Et donc que la Ville de Genève et son service social peuvent utiliser le fonds Zell pour soutenir des actions dont les personnes âgées ne sont pas forcément les seules bénéficiaires. Comme elle l'a fait en 2020 pour soutenir l'Université populaire albanaise, le bureau des logements de l'Université ou l'Entraide protestante romande. Et comme elle l'a fait en 2021 pour assurer  l'hébergement des sans-abris, "âgés" ou non. Le règlement d'utilisation du fonds permet son utilisation pour "financer des prestations d'aide financière ou des projets d'action sociale destinés (toujours pas exclusivement) aux personnes et aux groupes de personnes ayant atteint l'âge d'obtention d'une rente vieillesse, en situation de précarité sociale ou économique". Comme par exemple des personnes sans domicile fixe... Et c'est la magistrate déléguée, ou le Conseil administratif, qui sont compétents pour décider de l'utilisation du fonds. Cette procédure a été respectée, les conditions d'utilisation du fonds ont été respectées, le prélèvement fait sur le fonds a été utilisé pour financer des "projets d'action sociale" mis en oeuvre par le service social de la Ville de Genève ou des associations subventionnées par la Ville, la traduction budgétaire de cette procédure a été validée par le Conseil municipal, qui a voté dans le cadre du budget 2021 le prélèvement de 960'000 CHF sur le Fonds Emma Louise Zell. Cette somme a permis de participer au financement de la Nouvelle Roseraie et de la buanderie Trajets, prestations sociales qui bénéficient principalement aux personnes âgées, ce qui a indirectement permis à la Ville de financer une meilleure prise en charge de l'hébergement des sans-abri, et donc des plus âgés d'entre elles et eux.

On est là, du début (le legs) à la fin (l'action menée grâce au fonds) dans un exercice parfaitement conforme à tous les cadres contractuels, légaux, réglementaires, possibles et imaginables, en sus de l'être au legs d'Emma Louise Zell. Et on est surtout dans l'exercice par la Ville de ses responsabilités à l'égard de sa population la plus fragile -et d'entre elle, de sa part la plus âgée.  Ce qui. évidemment, déplaît souverainement à la droite de la droite du Conseil municipal (l'UDC, le MCG, le PLR). De son déplaisir, on ne sera pas surpris, ni de son besoin de se faire un peu mousser sur les plateaux de la télé locale. Mais on s'autorisera à l'être de l'attitude du bailli cantonal : Qu'est-ce qui a pris au Conseiller d'Etat Thierry Apothéloz, de considérer que la Ville n'avait pas le droit de prélever  sur un fonds destiné à mener ou soutenir des actions sociales 900'000 francs pour mener ou soutenir des actions sociales ? Un coup de fatigue ? un compte à régler avec la Ville ? l'envie de montrer "qui est le chef" ? Il n'avait rien de mieux à faire, le Conseiller d'Etat, au moment où il doit se battre pour défendre devant le peuple son propre projet, attaqué par un référendum lancé par les mêmes qui ont attaqué la décision de la Ville, d'accorder une aide aux victimes de la crise pandémique ?

Désavoué par le Bailli cantonal, le Conseil administratif répond qu'"il engagera toutes les procédures idoines pour garantir le maintien des prestations sociales dévolues aux personnes âgées". C'est ce qu'on attend de lui, et là encore, sans exclusive, car figurez-vous, bonnes gens, qu'il y a des sans-papiers qui ont un abri et des sans-abri qui ont des papiers.  Et des vieux sans-abris, à qui l'usage du fonds Zell par la Ville a permis d'offrir un toit cet hiver.





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