Indemnisation des travailleuses et des travailleurs précaires : Neuf mois de perdus

En juin dernier, le Grand Conseil acceptait, à une courte majorité de gauche et du PDC, un projet de loi pour l'indemnisation des travailleuses et travailleurs précaires victimes de la "première vague" de la coronapandémie. Il y avait urgence à ce que cette loi entrât en vigueur, mais la droite et l'extrême-droite refusèrent de lui accorder la clause la soustrayant au référendum facultatif, ce qui permit à  la droite de la droite (l'UDC, le MCG) de lancer le référendum. Et on se retrouve neuf mois plus tard à devoir  combattre pour faire passer une loi qui permettrait, enfin, de compenser une partie (une partie, seulement...) de la perte de revenus que la première vague de la pandémie a infligée à des milliers de personnes n'ayant pu bénéficier ni de prestations d'assurances sociales, ni d'aide sociale, ni d'indemnités chômage, ni d'aides spécifiques. La loi prévoit une compensation de 80 % de leurs pertes effectives de revenus, avec un maximum de 4000 francs sur deux mois, pour des personnes  pouvant prouver ou rendre vraisemblable avoir exercé une activité lucrative à Genève entre le 17 mars et le 16 mai 2020, en y habitant . Et si l'indemnité a été perçue de manière indue, l'autorité en exigera le remboursement. Le coût de ces mesures serait de 15 millions de francs. Moins d'un cinquième de pourcent du budget cantonal...

"Une question de solidarité et de justice sociale"

"C'est une question de solidarité et de justice sociale" écrit le syndicat SIT., à propos de la loi cantonale d'indemnisation des travailleuses et travailleurs précaires, soumise au vote populaire le 7 mars.  Elles sont des milliers, les personne qui n'ont pas reçu de soutiens financiers lors de la première vague de la coronapandémie, parce qu'elles n'avaient pas cotisé au moins un an à l'assurance-chômage, qu'elles exerçaient des activités ponctuelles pendant leurs études, qu'elles étaient travailleuses ou travailleurs du sexe, employé.e.s de maison, extras de la restauration, intermittent.e.s du spectacle, faux indépendants ubérisés et toutes celles et tous ceux dont l'activité professionnelle était sujette à de fortes variabilités saisonnières ou qui  n'avaient pas de titre de séjour valable (celles-là sont une minorité des ayant-droit à l'aide proposée, mais c'est sur cette minorité que se focalisent les référendaires). La loi soumise au vote couvre toutes ces situations, mais la seule qui intéresse l'UDC, le MCG, le PLR, c'est celle des sans-papiers. Quitte, comme le comité référendaire le fait, à mentir sur la proposition qu'ils combattent  et à clamer "NON à 15 millions de francs pour indemniser le travail illégal" alors que ces quinze millions servent à indemniser des travailleuses et de travailleurs dont la grande majorité travaillent en toute légalité...

Les personnes qui pourraient être indemnisées si la loi est acceptée sont passées par les trous d'un "filet social" conçu pour temps de prospérité et pour une population exerçant une activité professionnelle "normale", régulière, statutaire.  Et le référendum lancé par l'extrême-droite contre la loi a eu un effet immédiat : celles et ceux auraient pu être soutenus si la clause d'urgence avait été acceptée n'ont pu recevoir aucune autre aide que celle apportée par les associations (comme Caritas ou le Centre social protestant), où, déjà endettées, se sont surendettées (quand elles le pouvaient) pour survivre, garder leur logement, payer leurs cotisations d'assurance-maladie. La faute de la loi attaquée par le référendum ? Reconnaître que, même sans statut légal, des travailleuses et des travailleurs restent détenir les droits fondamentaux de toute personne humaine, et que l'Etat reste tenu de respecter ces droits. "On ne peut pas les laisser sur le bord du chemin", plaide le directeur du CSP. "On peut, et même, on doit", répondent en choeur UDC, MCG et PLR. Déjà qu'on est bien bon de les laisser au bord du chemin plutôt qu'au fond du ravin d'à côté...  là où on ne les verrait pas, sauf aux distributions d'aide alimentaire -en attendant sans doute qu'on les y interdise aussi.

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