Pingre accueil de jeunes réfugiés en Suisse

 

L'asile au compte-goutte

20 jeunes rescapés de l'incendie du camp de réfugiés de Miria, sur l'île de Lesbos, ont été admis en Suisse juste avant Noël, avec 16 autres mineurs venant eux aussi de camps de réfugiés des îles grecques et ayant pour la plupart d'entre eux de la famille en Suisse. Tous ont été sélectionnés par les autorités grecques, en collaboration avec le HCR et des ONG,  pour leur vulnérabilité auront un statut de requérants d'asile et devront suivre la procédure idoine, en étant "relocalisés" -autrement dit, séparés les uns des autres. Le HCR et les villes suisses attendent plus de la Suisse que cet accueil au compte-goutte : des milliers de mineurs sans famille sont entassés dans les camps grecs, et à fin décembre, la Suisse n'en avait accueilli que moins d'une centaine (ceux de Noël compris). Cet pingrerie de l'accueil tient d'une tradition assez récente : En près de cinquante ans (1968-2016), la Suisse n'aura accordé l'asile ou une admission provisoire qu'à 300'000 personnes, alors que dans les années cinquante des centaines de milliers de réfugiés, notamment hongrois se sont parfaitement intégrés à la population, fondus dans le décor helvétique, leurs enfants devenant des Suisses et des Suissesses comme les autres. O tempora, o mores...

Un Etat qui ferme ses frontières devient un musée ou une prison

En 2017, 60 villes membres de l'"Initiative des villes pour la politique sociale" adoptaient, à l'initiative de Genève, une déclaration de "Villes refuges". Elles s'engagent à réduire les obstacles administratifs à l'intégration des réfugiés dans le "marché du travail", à encourager la cohabitation entre populations de différentes origines et à promouvoir la cohésion sociale dans les quartiers. Auparavant, le Conseil municipal avait accepté une motion demandant à la Ville de promouvoir un réseau de villes-refuges en Suisse. Lausanne, Berne et Zurich ont répondu favorablement à cette proposition, reprise ensuite par l'Initiative des villes pour la politique sociale.

Les réfugiés disposent, au moins théoriquement, d'une protection  internationale, du départ de leur pays à leur séjour dans un nouveau pays. Cette protection implique un droit de circulation, une liberté de mouvement : le droit de quitter son pays, le droit d'en gagner un autre. Mais une fois ce nouveau pays gagné, quand encore cela a été possible, les entraves à la liberté de mouvement se multiplient, en Suisse comme ailleurs : centres d'enregistrement et de procédure à l'arrivée, dont on ne peut sortir sans autorisation expresse, puis attribution à un canton sans égard à la maîtrise par le requérant d'une langue plutôt que d'une autre ni à un lieu familial dans un autre canton que celui auquel on a été attribué. Durant toute la procédure, le requérant est limité dans ses déplacements -et s'il obtient l'asile, et donc un permis B ou C, il lui sera interdit de retourner dans son pays d'origine sous peine possible de révocation de son statut.

Début 2019, les nouvelles procédures d'asile accélérées entraient en vigueur en Suisse : le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) en tire un bilan positif, alors que le taux de recours contre les décisions du SEM a dépassé les 30 % (34,9 % en 2019) a dépassé les 30 % pour la première fois depuis 2011. Les procédures sont bouclées en moyenne en 50 jours et seul un cas sur cinq passe en procédure étendue, garante des droits des requérants. L'objectif de la révision était d'ailleurs d'accélérer les procédures, quitte à procéder à un examen lacunaire des requêtes et à faire passer en procédure accélérée des cas qui devraient être examinés en procédure étendue, notamment de mineurs non accompagnés, de victimes de traite humaine et de personnes persécutées pour des raisons politiques.

Un Etat qui ferme ses frontières, intérieures ou extérieures,  devient un musée ou une prison : nous devons "consacrer l'hospitalité comme principe juridique régulateur des mobilités humaines", plaidait la juriste Mireille Delmas-Marty dans "Le Monde" en avril 2018, parlant de l'hospitalité non comme d'un principe moral (""ça ne sert à rien d'avoir un pacte à la tonalité morale très puissante mais à l'impact limité", reconnaît la représentante spéciale de l'ONU pour les migrations, Louise Arbour) mais comme d'une obligation juridique, impliquant droits et devoirs pour les Etats, qu'ils soient d'origine, de transit ou de destination (on n'ose dire "d'accueil").  On est loin de cette consécration, même en Europe. Et même comme principe moral. Pour Kant, déjà, l'hospitalité n'était pas affaire de morale, de philanthropie, mais de raison : la terre est ronde, les humains s'y dispersent donc dans un espace fini, et chaque groupe d'humain installé quelque part finit par en rencontrer un autre, étranger, qui vient d'ailleurs pour s'y installer. Il est dès lors dans l'intérêt de deux groupes de ne pas se traiter en ennemis. D'autant que la population humaine de la planète a été multipliée par huit depuis le temps de Kant. Et que les migrations vont être dfe plus en plus massives, et de plus en plus rapides.

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