Un fantôme : Donald Trump

 

Trois semaines plus tard...

Reclus volontaire dans un club de golf de Floride, privé de Twitter et de Facebook, abandonné par une grande partie de ses avocats et de ses anciens collaborateurs,  indésirable même dans son club de Mar-a-Lago (ses voisins lui contestent le droit d'y séjourner à l'année), de son Trump Palace de New-York (les résidents ont entamé une procédure pour faire retirer son nom du pied de la tour) et d'Atlanta (la municipalité va faire dynamiter le Trump Plaza, à l'abandon depuis 2014), on se plait à  croire que deux semaines après l'intronisation de Joe Biden, Donald Trump ait totalement disparu du paysage des USA. Sauf que son fantôme y rôde encore, même en traînant à ses basques tellement de casseroles qu'il pourrait ouvrir une quincaillerie : six banqueroutes, une trentaine d'accusations d'inconduites sexuelles et de versements occultes auprès d'anciennes relations sexuelles pour les dissuader de porter plainte, près de 4000 plaintes liées à ces affaires -sans compter une procédure avortée de destitution, et une autre dont les initiants ne savent plus très bien quoi faire, un lourd soupçon d'avoir bénéficié d'ingérences russes dans l'élection de 2016 puis entravé la justice qui entravait sur ces accusations, des accusations de financement illégal de campagne (cinq de ses proches ont été condamnés pour cela) et de soustraction et de fraude fiscales (le milliardaire n'a payé que quelques centaines de dollars d'impôts en dix ans...). 

"Trump est peut-être mort politiquement, mais le trumpisme est bien vivant"

Les Européens ont quasi unanimement salué l'élection de Biden, comme un retour des USA à l'alliance occidentale. A l'exception des Français, qui y avaient vu une opportunité de construire une politique étrangère et une politique de défense communes, ils avaient vécu la "parenthèse Trump" comme un abandon, voire un traumatisme : que le président des USA souhaite à haute voix la fin de l'Union Européenne, déclenche une guerre commerciale contre elle et s'attaque à l'OMC et à l'OMS, quitte l'accord de Paris sur le climat et celui sur la dénucléarisation de l'Iran, ils n'y étaient absolument pas préparés, et finirent, à leur coeur défendant, par se rallier en principe aux positions françaises... jusqu'à l'élection de Biden, vue comme une restauration des rapports privilégiés entre les Etats-Unis et l'Europe occidentale, et de la situation confortable que ces rapports permettaient aux Etats européens de cultiver : celle de protectorats. Une situation dont l'Europe aurait les moyens de s'émanciper mais dans laquelle elle se complait langoureusement, d'où le puissant soupir de soulagement exhalé après la défaite de Trump. Un soupir saluant sans doute une illusion :   Si atlantiste que soit Biden, il ne va sans doute pas aller jusqu'à reconstruire la protection ancienne de l'Europe par les USA -d'autant que l'ennemi principal n'est plus l'Union Soviétique, défunte, ni (sauf pour quelques Etats de l'Europe orientale) la Russie, mais la Chine, et que la vieille alliance est, contre elle, d'une absolue inopérance, puisque n'étant pas construite contre elle... Reste que d'entre les décrets signés par Joe Biden depuis son accession à la présidence, plusieurs ne sont pas contradictoires de ceux que Trump avait pu signer quand il était président ou aurait pu signer, s'il l'était resté. Ainsi de ce décret signé par Biden le 25 janvier pour inciter le gouvernement fédéral (il ne peut le faire pour les gouvernements des Etats) à privilégier les fournisseurs étasuniens de biens et de services. Et dans ses relations avec le reste du monde, "America First" va rester le mot d'ordre de la politique extérieure américaine.

"Trump est peut-être mort politiquement, mais le trumpisme est bien vivant", résume dans "Le Temps" l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine. Trump avait réussi à fédérer derrière lui des courants assez contradictoires, lui-même n'appartenant à aucun d'entre eux : le racisme, le fondamentalisme religieux (chrétien), le protectionnisme, le rejet des "élites" ("élites" dont il est, pourtant), le complotisme façon QAnon (inconsolable, mais dont des franges cultivent le rêve d'un Trump continuer à présider dans l'ombre). S'il disparaît du champ politique, qui pourra faire la synthèse de ces éléments contradictoires ?

Trump lui-même est sans doute devenu une sorte de fantôme, mais le problème, avec les fantômes, c'est qu'on ne sait pas comment s'en débarrasser. Et que Biden n'a rien d'un Ghostbuster.

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