Contre-réforme de droite de l'AVS : Faire payer les femmes
La majorité de droite du Conseil des Etats a voté un report de l'âge de la retraite des femmes (le Conseil national doit encore se prononcer) de 64 à 65 ans, ce que lui proposait le Conseil fédéral, mais en a profité pour raboter (de 270 millions sur 700) les mesures de compensation que le gouvernement proposait pour rendre ce report acceptable par le peuple, qui l'a déjà refusé deux fois. En effet, le report de l'âge de la retraite des femmes provoque une réduction de leurs rentes, (un an de report leur fait évidemment perdre un an de rentes) alors qu'elles reçoivent déjà en moyenne un tiers de pension de 2e pilier en moins que les hommes, qu’elles effectuent aujourd’hui la majeure partie du travail de soins non rémunéré, et donc non constitutif de rente, et que leurs salaires en moyenne plus bas que ceux des hommes aboutissent des rentes plus basses : la moitié des femmes ayant pris leur retraite en 2018 doivent se contenter de moins de 1754 francs de rente AVS par mois... L'Union Syndicale Suisse a lancé une pétition « Pas touche aux rentes des femmes », qui a recueilli plus 300'000 signatures. Une bonne base pour, dans les mois à venir, faire pression au Parlement pour une véritable réforme, améliorer réellement les pensions de toute la population -et, le cas échéant, lancer un référendum contre une contre-réforme qui serait imposée par la droite pour faire payer aux femmes une amélioration temporaire (1,4 milliard de francs sur une masse financière de 47 milliards) de la situation financière de l'AVS. En attendant quoi, on peut toujours signer l’initiative pour une 13e rente AVS. C'est par ici qu'on signe : https://www.avsx13.ch/initiative-ps-2/?src=sp-ps
Un fantasmatique "sauvetage de l'AVS.
"Si on a appris une chose en trente ans, c'est
        qu'il n'y a pas de salut si on touche à l'âge de la retraite
        sans compensation substantielle", plaidait le Conseiller fédéral
        Alain Berset devant le Conseil des Etats... dont la majorité ne
        semble donc pas avoir appris ce qu'il lui rappelait. Et le même
        Conseiller fédéral se s'interroger : qui souhaite encore que (le
        projet du gouvernement) ait une chance devant le peuple ?... 
      
Un peu de mémoire ne nuit pas : En septembre
        2017, le peuple rejetait une réforme des retraites (PV2020)
        présentées sous forme d'un "paquet" portant d'une part sur l'AVS
        (financement additionnel par une hausse de la TVA, report d'un
        an de l'âge de la retraite des femmes) et sur le 2e Pilier
        (baisse du taux de conversion du capital en rentes). Depuis
        lors, les projets de réforme des retraites scindent ceux qui
        concernent l'AVS et ceux qui concernent le 2e Pilier. En mai
        2019, le peuple acceptait une réforme fiscale allouant deux
        milliards de francs à l'AVS. Le projet actuellement en débat,
        AVS 21, porte à nouveau sur l'AVS. Il contient, dans la version
        du Conseil fédéral, le report progressif de l'âge de la retraite
        des femmes de 64 à 65 ans, la possibilité d'une retraite
        anticipée (à rentes réduites) dès 62 ans selon le Conseil
        fédéral, 63 ans selon la commission du Conseil des Etats.
        L'Union Syndicale Suisse s'oppose frontalement à ces
        propositions, et a recueilli plus de 300'000 signatures en
        quelques jours au bas d'un appel à y renoncer. L'USS rappelle
        que les femmes touchent en moyenne des rentes inférieures d'un
        tiers à celles des hommes. La Grève féministe et des femmes, qui
        s'est associée à cet appel, craint que le report d'un an de
        l'âge de la retraite des femmes fasse sauter un verrou pour
        ensuite reporter l'âge de la retraite de tout le monde, et
        dénonce une mesure qui va frapper "surtout celles qui, parmi
        nous, ont les conditions de travail les plus difficiles. Celles
        qui cumulent travail salarié et travail domestique". La droite,
        en tout cas, n'en démord pas : il faut repousser l'âge de la
        retraite des femmes, puis celui des femmes et des hommes jusqu'à
        68 ans, et réduire les compensations possibles au strict minimum
        -et si possible n'en accorder aucune. La dernière réforme de l'AVS
            acceptée par le peuple remonte à 1995 : elle repoussait de
            62 à 64 l'âge des femmes, mais compensait à 80 % ce recul,
            sur le plan financier.Aujourd'hui, le Conseil des Etats ne
            propose qu'une compensation de 20 %... 
          
La droite agite constamment le spectre d'une
        faillite de l'AVS, du fait de l'évolution démographique, de la
        réduction constante du nombre de cotisants par rapport à celui
        des rentiers (on en est aujourd'hui à 3:1, contre 5:1 au moment
        de la création de l'assurance). Pourtant, l'augmentation de la
        population active, et donc cotisante, le rendement des fonds
        placés par l'AVS, et le système même de cette assurance sociale
        (la solidarité entre les actifs et les retraités) la rendent
        quasiment insubmersible. Une hausse de l'âge de la retraite n'a
        rien d'indispensable, dès lors que celle de moins d'un point du
        taux de cotisation suffirait pour sécuriser le financement de
        l'AVS, dont le principe de base est celui du financement des
        rentes par les cotisations, mais dont les dépenses (les rentes)
        sont déjà financées pour un quart par le budget fédéral. La
        Suisse, assez riche pour se payer des avions de combat dernier
        cri, et parfaitement inutiles, l'est aussi pour respecter
        l'injonction de sa constitution d'assurer à chacune et chacun
        une retraite digne.
      
En avril 2019, avant la votation sur la RFFA, l'ancien Conseiller national PDC Jacques Neirynck résumait ainsi l'enjeu : "on a le choix entre quatre solutions : allonger la durée de la vie active; relever les cotisations; diminuer les rentes; introduire les travailleurs étrangers". C'était réducteur : deux autres solutions sont à proposer : le transfert du deuxième pilier et de ses fonds dans le premier (l'AVS, précisément) et l'introduction d'un revenu minimum inconditionnel. Et une égalisation de l'âge de la retraite, avec l'introduction d'un âge de référence à 62 ans, une "flexibilisation" de 58 à 70 ans, et la garantie d'une retraite pleine et entière, quel que soit l'âge auquel on la prend, dès 40 ans d'activité professionnelle.
Ce combat pour une véritable réforme du système suisse de retraite va se poursuivre hors du Palais fédéral, hors du gouvernement et du parlement : dans la rue et dans les urnes. Avant quoi, il convient de renvoyer la contre-réforme bidouillée par le Conseil de Etats à son destinataire naturel : la poubelle.


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