Fonds de tiroir

 

C'est ce qui s'appelle une mise en perspective historique : la «Tribune de Genève» s'y est livrée le 24 février à propos de la condamnation de Pierre Maudet par le Tribunal de police, pour «acceptation d'un avantage», condamnation dont a dit qu'elle était une première à Genève, voire en Suisse. Ben non, pas tout à fait : ça n'est une première que pour un Conseiller d'Etat en fonction au moment de sa condamnation. Parce que sinon, y'a l'exemple du leader socialiste des années '30 du siècle dernier, Léon Nicole, condamné à six mois de prison pour émeute, pour avoir appelé à une manifestation contre une réunion d'extrême-droite qui prétendait le mettre en accusation, manifestation réprimée de manière sanglante par l'armée appelée par le Conseil d'Etat, le 9 novembre 1932. Il n'était certes pas Conseiller d'Etat au moment où il a été condamné, Léon, mais il l'est devenu juste après, lors des élections de 1933, gagnées par le Parti socialiste, qui a fait élire quatre Conseillers d'Etat et l'a propulsé, lui, à la présidence du Département de Justice et Police, et même à la présidence du Conseil d'Etat... Finalement Léon Nicole a donné son nom à une rue et a sa tombe au Cimetière des Rois... Elle est pas bonne fille, la République ? Maudet  peut garder espoir...

Il ne manquait plus que lui : le «Conseil suisse des religions» (qui en réalité ne rassemble, sauf erreur, que des représentants des trois religions monothéistes juive, chrétienne et musulmane) appelle à repousser l'initiative «antiburqa» au motif qu'elle menacerait la cohabitation pacifique des religions. On s'auto-risera à  douter de la réalité de cette menace, et même si elle était réelle, à y être indifférents, du moins tant qu'elle ne dégénère pas en affron-tement où les irreligieux, les agnostiques, les athées, prendraient des coups venant de tous les côtés religieux... Comme disait Voltaire, à l'adresse des suppôts de l'«infâme» (quelque visage religieux ou confessionnel qu'il prenne) :«On vous l'a déjà dit, et on n'a pas autre chose à vous dire :  Si vous avez deux religions chez vous, elles se couperont la gorge; si vous en avez trente, elles vivront en paix»

En 2010, répondant à une interpellation parlementaire, le Conseil fédéral évaluait le nombre de femmes portant un voile intégral à de 95 à 130 personnes, touristes comprises. Les femmes directement concernées par l'initiative udéciste sont donc vraisemblablement moins nombreuses que les parlementaires ayant eu à se prononcer sur ce texte. Mais c'est bien une femme en niqab noir qui occupe l'affiche de campagne des initiants : à défaut d'occuper nos rues, le niqab et la burqa occupent nos panneaux d'affichages. C'est pas grave, et ça peut même avoir une sorte d'effet collatéral : montrer une femme en niqab à des Appenzellois des Rhodes Intérieures qui n'en ont jamais vu une, et qui voteront certainement en masse une initiative populaire les proscrivant, comme ils avaient voté en masse une initiative interdisant la construction de minarets sans qu'aucun ait jamais poussé chez eux, ça tient de la pédagogie, non ?

En 2021, les habitants de Cologny verront leurs impôts baisser. La commune est une des plus riche du canton, et l'une de celles qui compte le plus de contribuables ultra-friqués. Qui paieront donc moins d'impôts. Parce que les recettes fiscales de la commune ont explosé, sans que les dépenses n'augmentent, puisque la commune est aussi de celles qui assument le moins de charges sociales et culturelles. Donc l'impôt commu-nal va passer de 29 à 27 centimes par franc d'impôt cantonal. Y'a qu'à Genthod (qui est dans la même situation que Cologny :  se reposant sur le canton pour les prestations sociales et sur la Ville pour l'offre culturelle) où l'impôt communal est plus bas (25 centimes). Et avec ça, les communes de ce genre ont été parmi celles qui ont gueulé le plus contre un projet du canton de les faire contri-buer financièrement aux prestations sociales : ça leur aurait coûté quelques millions (une vingtaine à Cologny, soit moins que le solde positif de ses exercices budgétaires). Et ça leur aurait peut-être même empêché de baisser les impôts, pour des contribuables qui pourraient sans problème en payer un peu plus. A part ça, y'a des communes (les villes, en général) qui ont de la peine à boucler leur budget parce qu'elles assument des responsabilités (sociales, culturelles, sportives) pour tout le canton. Y compris Cologny. C'est de la péréquation à l'envers, quoi : faire payer les contribuables les moins friqués pour que les plus friqués voient leurs impôts baisser. Du grand art.

Depuis aujourd'hui, dix noms de rues, de places, de parcs et de chemins de la Ville de Genève ont été féminisés, c'est-à-dire remplacés par des noms de femmes ayant «contribué à l'histoire locale et au rayonnement de Genève». C'est l'aboutissement de deux ans de démarches entamées par la Ville en collaboration avec l'association l'Escouade et des historiennes, dans le cadre du projet «100Elles». Et c'est ainsi que, par exemple, la place des XXII-cantons est devenue place Lise Girardin. Et la place de Chevelu, la place Ruth-Bösiger, militante anarchiste. Une place à droite, une place à gauche, et tout le monde est content. Ou presque : Grisélidis n'a pas encore sa rue. Elle l'aura, c'est promis, mais on sait pas où. Et Giuseppe Motta a toujours son avenue. Et René-Louis Piachaud sa rue. Si non pouvait se débarrasser de ces deux fachos, ça serait bien. Patience...

Y'a des mois, comme  ça, où on ferait mieux de rester couché : février 2021 pour Pierre Maudet, par exemple. Le 15, comme on sait, il était condamné par le Tribunal de Police pour «acceptation d'un avantage» (sa petite virée à Abu Dhabi). Mais une semaine auparavant, la Chambre admi-nistrative de la Cour de Justice jugeait irrecevable le recours qu'il avait dépo-sé contre la décision de ses collègues de le transformer en ministre sans portefeuille en le privant de toute responsabilité. Les juges considèrent que cette décision ne lui fait pas subir de dommage irréparable, vu qu'il n'a été privé ni de son traitement ni de son siège au sein du Conseil d'Etat. Et en le déboutant, la Chambre mettent les frais de procédure, soit 800 francs, à sa charge. Eh ouais, quand ça veut pas, ça veut pas...

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