Fonds de tiroir

 

Un nouveau plan de soutien à la culture, à hauteur de 3.9 millions, proposé par l'Exécutif municipal, a été approuvé «sur le siège» (sans renvoi en commission) et à l'unanimité par le Conseil muni-cipal de la Ville de Genève, qui l'a muni d'une clause d'urgence qui le soustrait au référendum, ce qui permet son entrée en vigueur immédiate. Le plan comporte trois volets : des bourses de recherche (2 mio) destinées à soutenir le travail des artistes et autres profession-nel.le.s de la culture, des subventions urgentes destinées aux entités culturelles (1.3mio), des projets de valorisation et de diffusion du travail des artistes (600’000CHF), notamment via un programme de collaboration avec les médias genevois et un montant destiné à la reconduction cet été du projet «I love #artisteDICI»  (dont on aurait préféré qu'il portât un titre en français plutôt qu'en globish). Ces mesures sont complémentaires aux dispositifs existants, et les éus municipaux ont en outre appelé au redémarrage le plus rapide possible des activités et des lieux culturels. On se félicitera donc hautement de l'unanimité régnant au parlement municipal pour soutenir la création, la représentation, la recherche et l'activité culturelles. On n'y verra dans aucun parti le moindre début d'amorce de fantôme d'arrière-pensée. C'est bientôt le printemps, le renouveau, tout ça, on est opti-mistes. Forcément : on est de gauche.

Selon une statistique établie par l'Institut des sciences sociales et des religions de l'Université de Lausanne, 62 % des Américains croient au paradis, contre 18 % des Suisses (pourtant, ils y vivent, au paradis, non ?) et 52 % des Américains croient à l'enfer contre 9% des Suisses (on est sartriens : l'enfer, c'est les autres). On ne sait pas si la question a été posée de croire ou non au purgatoire. Enfin, 60 % des Américains croient à une vie après la mort contre 23 % des Suisses. Qui préfèrent généralement croire à une vie avant la mort. Bref, il semble bien que les Lumières éclairent mieux chez nous que chez eux. Dès lors, on peut bien supporter que la Constitution fédérale s'ouvre sur un péremptoire «Au nom de Dieu Tout-puissant», ça mange pas de pain. Même en cachette, sous une burqa.

Dans ce qui a été présenté comme un interviouve-choc sur une chaîne de télé américaine, un prince Harry et une duchesse Meghan ont abreuvé les foules de leurs douleurs d'aristos dépressifs : ils sont malheureux, ils ont dû s'exiler, la famille royale britannique a été méchante avec eux, Buckingham est un enfer, le prince Charles est un père insensible, le prince William est un faux frère... paraît que ça a passionné, cette confession. Bon, d'accord, on est en temps de disette culturelle, mais quand même, faut vraiment n'avoir rien à se mettre dans les neurones pour faire de tout ça un événement médiatique. Putain, les angliches, virez ces pitres de Windsor et rendez-nous les Plantagenêt... Ou remettez-vous en République, vous avez déjà essayé une fois, vous pouvez réessayer. Même que cette fois, y'aura pas besoin de décapiter personne.

Après le naufrage du projet de parking Clé-de-Rive, la «Tribune» a interrogé une communicante, Lauriane Zonco, sur les raisons de ce rejet massif (64 % de «non»), alors même que toute la campagne de ses partisans a consisté à gommer le volet «parking» (le seul qui intéres-sait les promoteurs) et à mettre en avant le volet «piétonnisatio». La consultante estime, elle, qu'«il au-rait peut-être fallu assumer davan-tage l'existence du parking», au lieu que tenter de le camoufler. Elle considère que «peut-être que l'amp-leur du refus aurait été moins gran-de», sans pour autant que le résultat du scrutin en soit changé. Etrange hypothèse : le refus du projet a en effet essentiellement porté sur le parking, et cet aspect a précisément été mis en avant par les opposants. On a donc dû faire à la place des promoteurs du parking la publicité pour le parking. Et ça a abouti à son refus dans les urnes. Faut croire que les gens n'en voulaient pas, de ce machin. On peut même supposer que ses partisans le savaient perti-nemment, et que c'est pour ça qu'ils le passaient sous silence. Mais com-me le dit la communicante, «Cela ne sert à rien de dissimuler des choses en 2021 car les gens ont accès à l'information». Donc, c'est pro-mis, la prochaine fois qu'un projet de parking sous-terrain est proposé sous couvert d'une piétonnisation en surface, ses promoteurs le mettront en avant. C'est bien : ça sera encore plus facile de le combattre.

La droite a fait prendre à la commission de l'économie du Conseil national une étrange posi-tion, qui nous ramène quatre siècles en arrière : elle demande que les scientifiques de la «task force» covid ne puissent plus s'exprimer lors des points de presse de l'Office fédéral de la santé publique ou dans les media, parce que leurs interventions alar-mistes influenceraient le gouverne-ment dans un sens défavorable à l'économie.Vos gueules, les scienti-fiques, vos déclarations nous gênent... Elle est bien, la droite suisse, elle nous incite à relire le «Galilée» de Brecht. Comment disait-il, déjà, Galilée, après avoir été forcé par l'Inquisition de se rétracter pour avoir dévalué le dogme ptoléméen sacralisé par l'église, en confirmant les décou-vertes de Copernic ? Ah oui : «Eppur si muove». «Et pourtant elle tourne», contrairement à ce que persistait à proclamer le dogme de l'église : elle tourne, la terre. Sur elle-même et autour du soleil. Et elle n'est pas le centre du monde. Contrairement à «l'économie» en temps de pandémie. Galilée à échappé au bûcher, contrairement à Giordano Bruno ou Michel Servet, parce que lui, mais pas eux, s'est rétracté.  Peu importe : «Eppur si muove». Le terre, bien sûr, malgré l'Inquisition. Mais le virus aussi. Malgré la commission de l'économie du Conseil national.

«Résistons !», la scission de SolidaritéS, appelle, dans son communiqué d'après-votations de dimanche, «au dépassement des petites chapelles au sein d'EàG». En en construisant une nouvelle ? Bah, pourquoi pas : à défaut de multiplier les fidèles, ça multiplie au moins les lieux de culte.



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