Projet de Cité de la Musique : Que se fasse le débat...
Le référendum lancé contre le préavis favorable donné il y a six mois par le Conseil Municipal de la Ville de Genève au plan localisé de quartier devant permettre la construction par la Fondation Wilsdorf d'une Cité de la Musique près de la place des Nations, ayant abouti, les habitantes et habitants adultes de la Ville se prononceront le 13 juin, sur ce préavis favorable à un projet que le PS a décidé hier soir de soutenir. Le référendum a été lancé pour des raisons aussi diverses que les forces qui le soutiennent : associations de quartier, défenseurs des arbres (130 devraient être abattus et remplacés, les plus anciens étant préservés), défenseurs du patrimoine (la villa La Feuillantine, datant de la fin du XIXe siècle, serait détruite), artistes indépendants, partis politiques de droite (UDC) ou de gauche (SolidaritéS, Parti du Travail, Verts), les uns dénonçant le "gigantisme" du projet, d'autres l’abattage d'arbres et la destruction de la villa, d'autres encore le fait que cette Cité de la Musique sera surtout celle de deux institutions musicales, l'OSR et la Haute école de Musique, alors que d'autres formes de musique et d'autres musiciens auraient besoin d'un soutien accru, d'autres enfin craignent que les frais de fonctionnement de l'institution (au moins 14 millions par année) ne retombent sur les collectivités publiques (le vote favorable du Conseil municipal était d'ailleurs assorti d'une double recommandation, s'opposant à tout engagement financier de la Ville pour la Cité de la Musique et recommandant un soutien accru aux musiques de création). Le préavis du Conseil municipal est consultatif, la votation le sera aussi. Ce qui ne la rend certainement pas inutile pour autant : le peuple de la Ville ne décidera pas, mais il donnera son avis. Et avant cela, un débat public s'engagera sur les priorités de la politique culturelle genevoise, les moyens dont elle dispose, les rôles respectifs des privés et du public dans sa mise en oeuvre -et les choix de soutenir tel mode d'expression musicale plutôt que d'autres, les grandes institutions plutôt que les musiciens indépendants, les grosses structures plutôt que les petites... Que se fasse ce débat : si consultatif qu'il soit, le scrutin municipal du 13 juin devrait le permettre.
Question de priorités, plus que
de principe, d'arbres ou d'architecture
Il faudrait sur un projet comme celui de la Cité
de la Musique, procéder méthodiquement, rationnellement, en
passant d'une question à une autre, chaque réponse à chaque
question engageant ou dégageant à répondre à la suivante, la
première question étant de savoir si Genève a besoin (et pas
seulement envie) d'une Cité de la Musique telle que proposée
comme un "campus musical" accueillant en un même lieu la HEM et
l'OSR. Si la réponse devait être "non", la recommandation de
vote, logiquement, devrait se résumer en le même "non". Si la
réponse devait être "oui", alors c'est sur la matérialité du
projet que porterait le débat.
L'essentiel est donc la réponse à la première
question, celle du contenu même du projet, avant que de se
pencher sur sa forme. Ce n'est que si
les prémices du projet, c'est-à-dire son contenu culturel, ont
été posées que le débat peut ensuite porter, si ces prémices
sont approuvées, sur sa matérialité : son architecture, son
implantation (sur un site actuellement fermé au public, et sur
la rive droite, dépourvue de grands lieux culturels), ses
prolongements (il est notamment prévu un parc public et un
restaurant) son financement. De toute
évidence, même si la
Cité de la Musique offrirait, avec ses quatre salles, des
espaces pour d'autres musiques que patrimoniales, ce
sont bien ces musiques qui sont le coeur d'un projet, que les
référendaires (du moins ceux qui accordent quelque importance à
son contenu culturel) qualifient d'"élitiste" et renvoient à la
comparaison avec le projet Nouvel de rénovation du Musée d'Art
et d'Histoire, finalement repoussé en votation populaire, faute
d'avoir réussi à convaincre de sa nécessité. Dans les milieux
culturels indépendants, on note précisément que ce sont deux
institutions culturelles parmi les mieux dotées de la
République, l'OSR (et donc indirectement le Grand Théâtre, dont
l'OSR est l'orchestre préféré) et le Conservatoire (la HEM) qui
vont bénéficier le plus de la Cité de la Musique.
Et si, finalement, la Cité de la Musique devait
se faire, elle devrait s'ouvrir en 2024. Elle sera construite
par une Fondation privée, la Fondation pour la Cité de la
Musique (FMCG), grâce notamment au soutien massif (209 millions)
de la Fondation Wilsdorf. Il devrait en coûter au total plus de
300 millions pour la création du lieu. Quant à son
fonctionnement, c'est au soutien des collectivités publiques
(Confédération, canton -mais en principe pas la commune) qu'il
faudra faire appel. Il en coûtera au bas mot trois millions de
francs par an pour la logistique et le matériel. Le Conseiller
d'Etat Thierry Apothéloz propose la cantonalisation de
l'institution, qui abritera une Ecole (la Haute Ecole de
Musique) totalement subventionnée par le canton, et un orchestre
(l'Orchestre de la Suisse romande) qu'il subventionne
partiellement, avec la Ville.
Le préavis municipal étant soumis au vote, le
débat s'ouvre (un vrai débat, si possible, pas entre écrans,
entre "vraies gens"), au terme duquel on se prononcera. A ce
stade, pour l'auteur de ces lignes, c'est plutôt "non" à ce
projet de Cité de la Musique. Parce que le besoin ne nous en
taraude pas, contrairement à celui d'un soutien renforcé à
toutes les structures et tous les lieux plus modestes, plus
fragiles, parfois plus expérimentaux, qui sont aussi ceux qui
ont le plus souffert de l'annus horribilis qui a ravagé le
paysage culturel. Mais c'est là question de priorités, plus que
de principe, d'arbres ou d'architecture (surtout pour nous, qui
tenons le Facteur Cheval pour le seul architecte digne de ce nom
depuis Imhotep).
Il reste deux mois et demi aux partisans du projet pour nous convaincre de changer d'avis...
Il va falloir être convaincants, camarades...
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