TOUT çA N'EMPÊCHE PAS, NICOLAS, QUE LA COMMUNE N'EST PAS MORTE...

 

La Commune de Paris a 150 ans

TOUT çA N'EMPÊCHE PAS, NICOLAS, QUE LA COMMUNE N'EST PAS MORTE...

 

La Commune de Paris a 150 ans, et en ce mois de mars, et on la commémore ou la célèbre, selon que l'on continue à la haïr ou à s'en réclamer150 ans depuis sa proclamation le 28 mars, 150 ans depuis son écrasement le 23 mai au terme d'une Semaine Sanglante qui ne peut se comparer, avec ses 30'000 morts,  qu'à la Saint-Barthélémy. Elle ne vécut que deux mois de printemps. Ecrasée mais, chante Pottier, "pas morte".

On l'a tuée à coups de Chassepot
A coups de mitrailleuse
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte
Tout ça n'empêche pas, Nicolas,
Qu' la Commune n'est pas morte!
(Eugène Pottier)

(voir aussi : https://lecourrier.ch/2021/03/17/un-heritage-entre-avant-garde-et-mythe/)


Trois mots qui nous font toujours slogan : Vive la  Commune !

La Commune de Paris fut défaite  ? depuis 1789, et 1848 (mais seulement en Suisse), plus aucune révolution n’a vaincu, sinon des révolutions réactionnaires, comme l'islamique iranienne. C’est que la mesure même de la victoire ou de la défaite de la révolution a changé : il s’agissait en 1789 de renverser le pouvoir d’une classe, et les institutions qui matérialisaient ce pouvoir, pour lui substituer le pouvoir d’une autre classe, avec les institutions le matérialisant. Il ne s’agit plus désormais pour la révolution de substituer une classe à une autre, d’installer un pouvoir à la place d’un autre, mais d’abolir les classes, et de se passer des pouvoirs. Ou, comme nous invitait Michel Foucault, de ne plus se demander « comment on nous gouverne » mais « comment nous gouverner nous-mêmes ».

A défaut de révolutions victorieuses, notre histoire est parsemée de moments révolutionnaires, de parcelles de révolutions exprimant toutes la nécessité de la révolution, mais n’en concrétisant, pour un temps, que tel ou tel élément. Chacun de ces moments néanmoins est un moment de rupture, qui exprime, en interrompant le cours « normal » des choses,  à la fois la nécessité et la possibilité d’une rupture plus grande encore. Ainsi avançons nous de ruptures en ruptures, de victoires temporaires en défaites remédiables.

Enzo Traverso nous invite à prendre "les tragédies liées aux batailles perdues du passé comme un fardeau et une dette qui contiennent aussi une promesse de rachat". Car il y a à racheter dans notre histoire, et pas seulement des défaites : aussi des apparences de victoires. La Commune fut une défaite, et des défaites historiques, nous avons le culte. Il y eut la Commune, l’Ukraine de Makhno, Cronstadt, l’Espagne libertaire… il y a le Rojava... mais ces révolutions naissantes, au nom de quoi, et par qui, furent-elles ou menacent-elles d'être étouffées ? La Commune par les républicains bourgeois ; Makhno et Cronstadt, par les bolcheviks ; l’Espagne libertaire, par la sainte alliance des staliniens et des franquistes, du parti et de l’Eglise, de la faucille, du marteau et du goupillon, le Rojava par celle d'Erdogan et de Poutine. La révolution manquée ou étranglée est jugée, et condamnée, par ceux qui avaient tout à craindre de sa réussite, et par ceux qui serrèrent le garrot.  Les causes perdues sont les seules qui vaillent que l’on se batte pour elles. Nous ne devons aucune loyauté aux vainqueurs, aucun respect aux « gagnants », et n’avons à leur obéir qu’avec la ferme intention de les trahir et le constant sentiment de les mépriser. Seuls les perdants peuvent être magnifiques.

Il y a des colères, multiples. Mais une colère sans projet n’est qu’un spasme. Nos colères ont un projet : celui d’une démocratie radicale, d’une émancipation absolue. Ce projet est d’abord un refus -le refus de la délégation. Ce refus implique le refus de l’autorité, de la spécialisation, de la hiérarchie ; le refus de l’Etat, du salariat, de l’appropriation privée ; le refus des dieux et des maîtres. C’est déjà autre chose et c’est déjà bien plus que n’en proposent les progressismes encore en état de proposer quelque chose, et qui, comme tout le monde, sont pour la paix, contre la guerre ; comme tout le monde préfère la bonne bouffe à la malbouffe ; comme tout le monde veulent abolir la misère et amener la prospérité. Programmes de ventres pleins, de digestions paisibles et de consciences bonnes.

« La vraie question n’est pas de savoir pourquoi les gens se révoltent, mais pourquoi ils ne se révoltent pas », résumait Wilhelm Reich. Le temps, forcément, nous manque, et nous ne pouvons pas attendre. Ne pas attendre qu'on nous écoute pour parler, ne pas attendre qu'on nous comprenne pour expliquer, ne pas attendre d'être aimé pour aimer, ne pas attendre qu'on nous suive pour agir, ne pas attendre d'avoir tout prêt, sous la main, complet et définitif, le modèle de la nouvelle société, pour se défaire de l'ancienne.

Cette impatience qu'exprimait Louise Michel dans les premiers jours de la Commune, "faisons la révolution d'abord, on verra ensuite" nous fait toujours slogan par les mêmes trois mots : Vive la  Commune !

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