Nouvelle loi fédérale sur le CO2 : Un OUI de raison critique, pas de passion aveugle.

Le 13 juin prochain, la Suisse votera (ou non) la nouvelle Loi sur le CO2, attaquée en référendum par les lobbies du pétrole et de l'automobile, soutenus par l'UDC.  Fonte des glaciers, sécheresse, glissements de terrains : le réchauffement climatique se vérifie très concrètement, très immédiatement, et ses effets, reconnaît le gouvernement, sont "dangereux et coûteux"  Le but de loi proposée est de réduire de moitié en dix ans les émissions de CO2 mesurées à leur niveau de 1990, et, à terme, de pouvoir se passer complètement en Suisse d'énergie fossile, forcément importée (la Suisse a dépensé 80 milliards de francs en dix ans pour acheter à l'étranger du gaz naturel et du pétrole), pour la remplacer par des énergies renouvelables, et le plus souvent possible indigènes. Pour atteindre ce double objectif (la réduction des émissions de CO2, la substitution énergétique), la loi conjugue taxes (sur les billets d'avion), incitations financières, investissements dans les nouvelles technologie et redistribution (une grande partie des nouvelles taxes incitatives sur le CO2 sera reversée à la population, particulièrement aux personnes et ménages à bas revenus). De quoi, le 13 juin, lui accorder un soutien. Critique, insatisfait, certes, mais un soutien sans plus de réticence que celles qui doivent toujours accompagner notre soutien à quelque projet que ce soit (même les nôtres). Un OUI de raison critique, pas de passion aveugle.

Radicaliser nos discours est de peu d'effet sur le climat. Sauf à nous échauffer nous-mêmes.

La loi CO2 adoptée par les Chambres fédérales et soumise au vote populaire est soutenue, outre le PLR, le PD et les Verts libéraux, par le PS et les Verts, ainsi que par les grandes associations environnementales, comme Greenpeace et le WWF. Elle renforce la protection climatique en adoptant de nouvelles normes environnementale, confirme à celles appliquées par l'Union Européenne : diminution de moitié des émissions de CO2 des voitures neuves, réduction de l'installation des chauffages à mazout, soutien à l'électrification des transports publics. Elle introduit une taxe (en grande partie reversée à la population)  sur les billets d'avions et les jets privés et soutient la réintroduction des trains de nuit, pour favoriser le transfert modal sur le train, elle augmente la taxation sur l'essence pour favoriser celui sur les modes doux de mobilité. C'est à tout cela que le référendum refuse Et si les référendaires (les branches de l'automobile, de l'aéronautique, du pétrole, et l'UDC) gagnent le vote populaire, c'est tout cela que le vote populaire refusera : la moindre taxe supplémentaire sur les carburants fossiles, par exemple. "Si la loi est refusée dans les urnes, la situation tournera au désastre", estime l'Association transports et environnement (ATE), membre d'une large coalition d'associations environnementales qui font déjà campagne pour le "oui". Ainsi, pour le WWF, la loi est "un premier pas solide" pour la transition climatique, et pour l'ATE, "un premier pas en avant pour une mobilité durable"

On peut et on doit aller plus loin que ce premier pas, mais on ne va pas plus loin en revenant en arrière ou en tournant en rond : on ne va plus loin qu'en avançant. La loi CO2 nous fait avancer. Un peu. Pas assez, comme, précisément un premier pas qui devra être suivi d'autres, qu'on ne fera que si on a fait celui-là. La Grève du Climat, les Verts et les socialistes proposent déjà, en ordre dispersé ou unitairement, la suite : interdiction (d'abord au centre des villes) des véhicules à énergie fossile, taxation de certains trajets en véhicules motorisés privés, limitation à 30 km/h de la vitesse dans les agglomérations urbaines, interdiction des vols courts-courriers (tous les vols sur une distance pouvant être parcourue en moins de six ou huit heures en train, comme de Genève vers toutes les villes de France, Londres, Barcelone, Bruxelles ou Francfort -et à plus forte raison Zurich), réduction de la consommation de viande par une réduction de l'offre...

Quant au Conseil fédéral, il s'en tient à l'objectif de l'Accord de Paris : la neutralité carbone en 2050. C'est trop long, mais on ne raccourcira pas ce délai en refusant les moyens d'atteindre au moins celui-là. Comme le résume Simonetta Sommaruga, "plus on attend, plus ça devient difficile et coûteux, et plus les dégâts du réchauffement climatique sont importants. (...) Dire non à cette loi ne servira pas à protéger le climat de manière plus vite et plus conséquente : cela fera le jeu des instances qui veulent continuer à vendre le plus de pétrole possible", Cette justification par le gouvernement de sa politique et de ses propositions  (isolation des bâtiments, électrification des véhicules, changement des modes de chauffage, réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'industrie et l'agriculture, captage et stockage du CO2, technologies d'émissions négatives) sont autant de raisons de tout faire pour la radicaliser. Mais on ne peut radicaliser que ce qui est -d'où la nécessité  de poser les premiers jalons d'un véritable changement de politique énergétique, de politique des transports, de politique climatique. Sans ces premiers jalons, on ne radicaliseras que nos discours. Et ils sont de peu d'effet sur le climat -sinon nous échauffer nous-mêmes. 

Commentaires

Articles les plus consultés