Initiatives antipesticides : Fragile majorité
Selon les premiers sondages, les deux initiatives antipesticides soumise au vote populaire le 13 juin recueilleraient une majorité de soutiens, mais une majorité trop faible pour que nous puissions nous convaincre de leur victoire finale (d'autant qu'une majorité populaire nationale ne leur suffit pas, et qu'il leur faut aussi une majorité populaire dans une majorité de cantons). Les deux initiatives anti-pesticides sont soumises au peuple sans contre-projet, ce qui rend le choix plus sommaire, et nous convainc de les soutenir toutes deux, quelque critique que nous ayons à formuler à l'une ou l'autre. Le soutien quasi équivalent aux deux initiatives suggère d'ailleurs qu'aucune différenciation n'est faite entre elles, alors que certains soutiens de la deuxième s'opposent à la première. Les initiatives sont massivement soutenues dans les villes mais repoussées dans les campagnes, et divisent le monde paysan, parce qu'elles portent une critique radicale de la politique agricole menée en Suisse, et des pratiques agricoles dominantes.
Des agriculteurs dans la dépendance de l'agrochimie qui les empoisonne
Dans "Le Courrier" du 1er avril, le viticulteur
genevois Yves Batardon résume son dilemme : "nous, paysans et
paysannes, nous avons à choisir entre la peur de perdre les
aides liées à la technocratique politique agricole PA 22 et le
désir de participer à l'agriculture biologique". Lui votera pour
l'initiative "pour une Suisse sans pesticide de synthèse" et
contre l'initiative "Eau propre", à qui il reproche de
stigmatiser l'agriculture. Pour autant, il ne nie pas "la part
de responsabilité de l'agriculture face à l'état de la nature",
ni la faiblesse de la "posture de victime (qui) enlève aux
paysans.nes toute velléité d'imaginer un autre possible que
celui prôné par l'Office fédéral de l'agriculture", alors qu'ils
sont les premiers menacés par l'exposition aux pesticides. Yves
Batardon invite agriculteurs et agricultrices à abandonner leurs
"peurs du changement". La faîtière agricole genevoise,
AgriGenève, est évidemment d'un autre avis : elle appelle à
refuser les deux initiatives en expliquant qu'elles seraient
dangereuses toutes deux pour l'agriculture suisse et genevoise.
AgriGenève assure qu'il n'est pas possible de se passer
totalement de pesticides de synthèse sans faire baisser la
production de 25 à 40 %, augmenter ses coûts et les prix à la
consommation et les importations de produits soumis à des normes
moins sévères qu'en Suisse. Mais des agricultrices et des
agriculteurs contestent ce pessimisme, rappellent qu'un millier de
fermes disparaissent chaque année. et font valoir que
les deux initiatives étant constitutionnelles, ce sont les lois
et les ordonnances d'application qui détermineront leur
application.
L'agriculture pèse un tiers des émissions de gaz
à effet de serre. "On doit sortir l'agriculture de sa dépendance
à l'agrochimie", résume l'agricultrice neuchâteloise Anne
Morier-Genoud, de l'Association des petits paysans. Qui récuse
l'affirmation selon laquelle "on ne peut pas faire sans
pesticides, que ce n'est pas rentable" : ce sont "des bêtises" :
on peut, dans le délai de dix ans posé par l'initiative "pour
une Suisse sans pesticide", trouver les moyens de s'en passer.
Les prix à la production risquent d'augmenter, mais on peut ne
pas les répercuter sur les prix à la consommation : "la marge
sur le bio, c'est le distributeur qui la prend aujourd'hui, pas
le producteur"... La vigneronne
genevoise Emilienne Hutin Zumbach l'assure : "les solutions
existent aujourd'hui. (...) Nous devons prendre un
positionnement fort si nous voulons réellement changer les
choses". Ce positionnement fort, les deux initiatives le
proposent. Quant aux solutions alternatives, sans produits de
synthèse, la recherche, en Suisse même, les peaufine.
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