Internalisation dans la fonction publique du personnel de nettoyage : Attente déçue et mesurette alibi

Hier, journée de la Grève Féministe, des nettoyeuses ont manifesté leur colère contre la Ville de Genève en se rassemblant devant l'Hôtel-de-Ville pour protester contre le traitement réservé par la Commission des Finances du Conseil Municipal, et par le Département lui-même, aux nombreuses propositions émanant de la gauche du Conseil municipal (PS, Ensemble à Gauche... et Verts)  en faveur de l'intégration dans la fonction publique municipale du personnel de nettoyage des locaux, des espaces et des installations de la Ville. Pour "faire des économies" budgétaires sur le dos de ce personnel, affecté à des tâches dont la pandémie a rendu visible le caractère indispensable à la population et au fonctionnement de la commune, la Ville avait en effet décidé de confier à des entreprises privées la tâche que ce personnel accomplit , au prix d'une dégradation de ses conditions de travail, de rémunération et de protection sociale. Quand la droite était majoritaire au Conseil municipal, on ne s'attendait pas à ce qu'elle remette en cause cette privatisation d'une tâche publique. La gauche étant redevenue majoritaire au Conseil municipal, le personnel de nettoyage et les syndicats en attendait qu'elle passe de la parole (les propositions d'"internalisation" dans la fonction publique de 73 postes de travail en équivalent plein temps) aux actes (l'adoption de ses propres propositions). Attente déçue, jusqu'à présent. D'où l'expression, hier, de la colère du personnel et du syndicat (le SIT) : "En ce jour de grève féministe*, nous protestons devant les bureaux du Conseiller administratif en charge des finances de la Ville de Genève, M. Alfonso Gomez, pour dénoncer le manque de courage politique de ce dernier ainsi que de ses partisan-ne-s qui, malgré leurs promesses, n'ont que faire de nos conditions de travail !"

"Nous ne sommes pas des serpillères, encore moins des alibis"

Les nettoyeurs des toilettes publiques de la Ville de Genève avaient dû se mettre en grève pour qu'on se rende compte des conditions dans lesquelles ils doivent accomplir une tâche dont nul ne nie la nécessité... et qui fut même applaudie au début de la coronapandémie. Mais les applaudissements ne suffisent pas : il faut aussi "poser des actes". De vrais actes, pas des simulacres dérisoires, et même humiliants pour celles et ceux dont la gauche, alors unie (avant les élections...), exigeait l'internalisation dans la fonction publique, parce qu'elles et ils assurent une tâche publique, et que celles et ceux qui travaillent pour la Ville et ses habitants doivent être employés par la Ville elle-même.

Nous demandions donc, et demandons toujours,  l'internalisation des nettoyeuses et des nettoyeurs des locaux, des installations, des espaces de la Ville de Genève, soit de 97 postes à temps plein. Or qu'advint-il de cette demande, pour ne pas écrire de cette exigence sociale, lors de son examen par la Commission des finances du Conseil municipal ? Elle a été réduite à une défroque : de cette internalisation globale, ou de l'internalisation du seul secteur du nettoyage des toilettes publiques, il ne reste plus que l'engagement de quatre nettoyeuses de bureaux municipaux de la rue de l'Hôtel-de-Ville.... une "hypocrisie politicienne", dénoncent les nettoyeuses, le jour de la Grève Féministe avec les nettoyeurs, et leur syndicat (le SIT).

Une hypocrisie politicienne, en effet, et un déni de réalité : l'externalisation du nettoyage a fortement précarisé les conditions de travail, de salaire, de protection sociale de celles et ceux qui s'y livrent. C'est à la fois logique (les entreprises soumissionnaires doivent sous-enchérir les unes contre les autres pour emporter le marché, et la "variable d'ajustement" des offres, ce sont les salaires, les conditions de travail et les prestations sociales) et indigne d'une collectivité publique, surtout quand elle se targue d'être un employeur "exemplaire"...

On a "externalisé"le nettoyage pour faire des économies. On les a faites -sur le dos de celles et ceux qui assument cette tâche : des invisibles, des étrangères et des étrangers. Des moins que rien. "Quelle image la Ville de Genève donne-t-elle en maintenant dans la précarité des nettoyeuses et des nettoyeurs qui s'engagent jour et nuit pour un parfait entretien des bâtiments publics ?", s'interroge le syndicat... Quelle image ? celle du mépris de ce personnel, et de son travail.

"Nous ne sommes pas des serpillères, encore moins des alibis", clamaient les nettoyeuses en colère, hier à midi, devant les bureaux du ministre municipal des Finances, Alfonso Gomez. Et elles étaient d'autant plus en colère qu'elles avaient la nette impression, en ce jour de grève féministe, que "la cause féministe (est) utilisée à des fins politiciennes" par la mise en avant de "quatre misérables postes" occupés par des femmes, alors que "l'ensemble du secteur -largement féminisé- est concerné.

Ce n'est pas de "projets pilotes au rabais" du genre de celui proposé par la Commission municipales des finances, mais d'une internalisation de tout le secteur du nettoyage, au terme de chaque contrat passé avec des entreprises privées En commençant par celui portant sur le nettoyage des toilettes publiques, parce qu'il arrive à terme l'année prochaine, et que la lutte menée, jusqu'à la grève, par le personnel qui y est affecté a été exemplaire. Au Conseil municipal, nous amenderons en ce sens la proposition dérisoire de la Commission des finances. -et ce sera un vrai, un clair clivage gauche-droite qui tranchera, en situant les uns et les autres dans un camp ou un autre.  On dira que c'est en dire beaucoup sur une proposition d'engagement d'une quinzaine de nettoyeurs de toilettes publiques ? On aura tort. Parce que cette proposition, premier pas d'une internalisation de tout le nettoyage des locaux, des bureaux, des installations de la Ville, est un moment de lutte contre la sous-enchère salariale, contre la paupérisation d'une part croissante de la population, et en particulier des femmes, contre la sous-traitance à des privés de tâches publiques, pour la reconnaissance du travail de celles et ceux qui assument ces tâches. Et pour que la Ville soit cet employeur "exemplaire" qu'elle affirme être -et qu'elle ne peut être en n'étant pas l'employeur de celles et ceux qui travaillent pour elles, en étant moins bien payés, moins bien traités, moins bien protégés que son propre personnel.

Nous ne cessons à gauche de proclamer que les urgences climatique et sociale sont indissociables, qu'on ne peut relever l'une sans l'autre ? voilà l'occasion de prouver que cette proclamation n'est pas qu'un slogan électoral, mais un engagement politique : celui d'"investir dans l'humain autant que dans les arbres"...



Communiqué de presse du Syndicat SIT  du 14 juin 2021

Nettoyeuses en colère : nous ne sommes pas des serpillères, encore moins des alibis !
En ce jour de grève féministe, une dizaine de nettoyeuses se sont réunies devant les bureaux du Magistrat en charge des finances de la Ville de Genève, Monsieur Alfonso Gomez, pour exiger que la double majorité de gauche, tant au CM qu’au CA, passe des promesses aux actes : la ré-internalisation de l’ensemble du personnel de nettoyage !
Le 20 avril 2021, la commission des finances du CM a sorti son rapport concernant une série de projets et de motions déposés suite à la grève des nettoyeurs des WC-publics. Tous ces objets étaient à l'époque soutenus par l’Alternative. Or, il ressort de ce rapport que les Vert-e-s ont littéralement changé de discours et préconisent un pseudo projet-pilote extrêmement minimaliste de ré-internalisation de quatre nettoyeuses sur la centaine concernée. Les nettoyeuses protestent aujourd’hui contre ce projet revu à la baisse et refusent que la cause féministe soit utilisée à des fins politiciennes ! Il est temps que la gauche – doublement majoritaire – tienne ses promesses : la ré-internalisation de l’ensemble du personnel de nettoyage, c’est maintenant !

Une lutte qui ne date pas d’hier
Pour rappel, depuis une vingtaine d’années déjà, bien qu’indispensable à la population genevoise et au fonctionnement de la municipalité, le personnel de nettoyage – secteur majoritairement féminin, invisibilisé, peu reconnu et pénible – a été victime de son expulsion de la fonction publique municipale, sous prétexte d’économies.
Depuis, la grève des travailleurs des WC-publics a mis en lumière la problématique de la sous-traitance des services de nettoyage des lieux publics à des entreprises privées. Tous les partis de l’Alternative, y compris les Vert-e-s, dont M. Gomez fait partie, n’ont cessé dès lors de déposer projets et motions auprès du CM visant la ré-internalisation de l’ensemble des prestations de nettoyage.

Projet-pilote prenant comme alibi les femmes
Ces projets et motions ont été étudiés par la commission des Finances du CM, qui a rendu un rapport en date du 20 avril 2021. Il ressort que M. Gomez, fraichement élu au Conseil administratif, ainsi que d’autres élu-e-s Vert-e-s, ont retourné leur veste et se désolidarisent désormais de la lutte des nettoyeuses et des nettoyeurs ! En effet, elles et ils préconisent aujourd’hui un pseudo projet-pilote extrêmement minimaliste de ré-internalisation de quelques nettoyeuses (4,4 postes sur 73 emplois à temps pleins!) qui entretiennent certains bureaux administratifs de la Vieille-Ville.
Pire encore, ce rapport révèle qu’une commissaire Verte a déclaré vouloir « continuer avec une internalisation intelligente et progressive », ajoutant dixit : « si la Ville en a les moyens » ! La ré-internalisation a effectivement un coût, mais que font ces politicien-n-e-s – qui soutenaient jusque-là la ré-internalisation – des économies faites sur le dos des nettoyeuses durant ces décennies ?

Externalisation = précarisation
L’externalisation a précarisé une centaine de nettoyeuses (majoritairement) et nettoyeurs, ce qui est parfaitement indigne venant d’une autorité publique ! La lutte des travailleurs des WC-Publics a démontré les conséquences dévastatrices de l’externalisation, notamment par le détournement de la CCT, la flexibilisation à outrance, diminution des heures de travail et l'augmentation des cadences que pratiquent les sociétés privées.
« Avec l’externalisation, c’est tout une série d’acquis qui nous ont été supprimés : on est passé de 5 à 4 semaines, à un congé maternité de 14 semaines, au lieu de 20, à plus aucune reconnaissance de l’ancienneté, à une grosse perte de notre salaire et de nos retraites, sans parler des cadences » a dénoncé Maria*, nettoyeuse, devant les médias. 

Ville de Genève : employeur responsable et écologique ?
Pire encore, la Ville de Genève se rend complice du dumping pratiqué par les entreprises de nettoyage, qui pour une question de profit et de flexibilisation à outrance, emploient leur personnel à temps partiel, obligeant ainsi tout un secteur – majoritairement des travailleuses – à cumuler les emplois.
« Monsieur Gomez, vous qui faites partie des Verts, trouvez-vous écologique que pour pouvoir vivre, nous sommes obligées d’utiliser des véhicules pour aller d’un site à l’autre dans tout Genève ? » a questionné justement Maria*.
Quelle image la Ville de Genève donne-t-elle, en maintenant dans la précarité des nettoyeuses et des nettoyeurs qui s’engagent jour et nuit pour un parfait entretien des bâtiments publics ?

La ré-internalisation c’est maintenant !
En ce 14 juin 2021, les nettoyeuses refusent fermement que la cause féministe soit utilisée à des fins politiciennes et que les belles promesses pré-électorales soient transformées en projet-pilote minimaliste : quelques postes ne suffisent pas, alors que l’ensemble du secteur est concerné !
« A quand la fin de l’hypocrisie politicienne ?! Nous ne sommes pas dupes, la ré-internalisation c’est pour l’Ensemble du secteur ! » a conclu Maria*.
Preuve en est, durant l’action, un militant du SIT et ex-gréviste d’ONET, présent pour soutenir ses camarades, a dénoncé également ce projet-pilote alibi qui renvoie aux « oubliettes des dizaines d’autres nettoyeuses et [la] lutte de 52 jours » des nettoyeurs des WC-publics de la Ville de Genève.

Si aujourd’hui le personnel de nettoyage n’obtient pas la ré-internalisation – avec une double majorité de gauche – quand sera-t-elle alors possible ? C’est le moment où jamais que les politicien-n-es de Gauche démontrent qu’elles et ils sont proches des travailleuses et travailleurs !

Par ailleurs, afin de démontrer le soutien des autres partis de gauche (parti socialiste et Ensemble à gauche) pour la ré-internalisation,  Madame Joëlle Bertossa, présidente de la section Ville PS, était présente aux côtés des nettoyeuses en lutte.
« D’un projet de 7 millions pour municipaliser l’entier des métiers du nettoyage, il reste 500'000 francs pour l’engagement de 4,4, postes ! Une misère ! Certains conseillers administratifs (CA) se sont dits prêts à investir 25 millions pour sauver un bout de forêt, le PS demande qu’on investisse dans l’humain, autant que dans les arbres ! »

Pour conclure leur action, une délégation de nettoyeuses s’est rendue dans les bureaux de Monsieur Gomez pour lui remettre le « premier prix de Maître tailleur, dans la catégorie retournement de veste ». Malheureusement, ce dernier n’était pas présent, mais les employé-e-s présents ont bien réceptionné le diplôme et ne manqueront sûrement pas de le lui remettre. 

Avec le soutien du SIT, les nettoyeuses et nettoyeurs ne cesseront de mener cette lutte jusqu’à la ré-internalisation complète des services de nettoyage en Ville de Genève !


Pour tout renseignement complémentaire :
Merita Elezi, secrétaire syndicale,  078 720 99 59


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