Les lieux culturels vont retrouver vie...


La Covid, et après ?

"Nous n'en pouvons plus d'entendre que nous devons nous réinventer, trouver le chemin, être résilient.es", soupirait la coordinatrice de Petzi (la fédération suisse des clubs et des festivals de musiques actuelles), Anya della Croce... Et Il y a un peu plus d'un mois, le "monde de la culture" lançait un appel au Conseil fédéral et aux autorités cantonales : "Nous, public et artistes, exprimons par cet appel, le besoin de culture vivante, après plus d’une année de fermeture des lieux culturels". "L’ouverture de salles de théâtre, de cinéma ou d’autres lieux d’expression des arts vivants, avec une jauge réduite, proportionnée à la capacité de la salle, avec un nombre variant entre 50 et 200 personnes en fonction des installations et dans le strict respect des consignes sanitaires, est possible ; nous demandons au Conseil fédéral d’en prendre acte et d’autoriser l’ouverture des lieux culturels encore ce mois d’avril selon les perspectives qui ont été communiquées en mars, et aux autorités cantonales d’appuyer cette démarche". L'appel a, partiellement, tardivement, été entendu...Il était temps.

Sortant de la crise, la culture la trimballe encore avec elle

"En quoi 50 personnes assises dans un théâtre sont plus susceptibles de se transmettre un virus que 50 personnes assises dans un lieu de culte ?", se demandait la metteuse en scène Emilie Charriot... L'auteur et metteur en scène Benjamin Knobil confirmait : "Je peux aller prier, m'agglutiner dans les magasins pour Noël, skier, mais je n'ai plus le droit de travailler". Même constat, en d'autres termes, de la comédienne Lola Giouse : "Nous avons le loisir d'acheter des baskets fabriquées par des travailleur-euse-s-y ouïgours mais ne sommes pas autorisé-e-s-x à voir une pièce de théâtre". Et Xavier Pattaroni, président de l'Association des cinémas romands, rappelait que "les cinémas suisses ont mis sur pied un plan de protection efficace" et qu'aucun cas de contamination n'a été identifié dans les salles lors de la "première vague" covidienne.

Ce qui a manqué aux lieux culturels, ce ne sont pas leurs acteurs mais leur public. Car  les acteurs culturels n'ont cessé d'activer pendant la crise de la Covid. A Genève, les théâtres et l'Association pour la danse contemporaine ont recensé leurs activités de novembre 2020 à février 2021, et c'est impressionnant. l'ADC  a produit des émissions radio, mis son plateau à disposition de l'animation parascolaire et son  espace scénique pour des résidences d'artistes et des représentations professionnelles, assuré un projet dans les écoles secondaires, réalisé des production audiovisuelles, accueilli des spectacles, présenté des créations en ligne; la Comédie a créé des spectacles, mené des actions culturelles de quartier, assuré des réalisations radiophonique, audio, vidéo et cinématographique; le Crève-Coeur a accueilli des spectacles et en a créé, ainsi que des créations sonores et participatives et des vidéos; ¨le Galpon, qui "refuse de tomber dans le piège du numérique", et considère que "le théâtre et la danse sont des arts de la présence et pas du numérique", il a créé des spectacles, en a repris d'autres, a tenu des ateliers d'écriture et des ateliers de jeu, a pratiqué de la médiation culturelle; Alchimic a accueilli et créé des spectacles.; Am Stram Gram a créé des spectacles, offert des résidences de création, mené des actions dans les écoles, mis sur pied des ateliers-théâtres pour enfants, un labo d'écriture, réalisé un livre-disque; le Théâtre de Carouge a créé des spectacles, mené des actions à l'attention du public autour de ses spectacles, assuré un travail de formation continue, de montage de décors, répété des spectacles à venir... et préparé son installation dans son nouveau théâtre; le Théâtre des Marionnettes a produit des spectacles en streaming et en représentations réelles, un court-métrage, des affiches; le Théâtre du Loup a fait fonctionner son Ecole de Théâtre, a créé des spectacles; le Forum Meyrin a mis sur pied des ateliers podcasts pour les enfants et les adultes, organisé un débat sur sa propre rénovation, accueilli une performance retransmise en streaming, créé un spectacle; le Théâtre St-Gervais, enfin, a répété des spectacles, co-créé avec les Créatives un studio streaming, mis à dispositions d'artistes des espaces de répétition et de recherche pour des résidences de trois jours à deux semaines.

"Nous tenons à la vie dans un théâtre, à la vie sur scène, et à celle si importante de la rencontre entre des acteurs.trices, des danseurs.euses.s et des spectateur.trices.s. C'est un tango chaotique, mais nous avons continué de danser, et nous continuerons de danser" (Rossella Riccaboni, Théâtre du Loup). Les lieux culturels peuvent rouvrir et accueillir un public en nombre un peu plus que symbolique. Est-ce la fin d'une année (et plus) noire ? La reprise de la vie culturelle est lente, prudente, contrôlée -mais c'est une reprise. Une sorte de renaissance. Et si les acteurs culturels n'ont pas disparu, si les lieux culturels peuvent rouvrir, c'est que les collectivités publiques leur ont permis de tenir, même sans public. Le canton de Genève a consacré en 2020 une vingtaine de millions à soutenir le secteur culturel genevois, et celles et ceux qui y travaillent, et entend y consacrer 22 millions en 2021. La Ville de Genève y a aussi consacré des millions, et entend aussi y consacrer encore des millions. Mais il ne s'agit, pour le canton comme pour la Ville, que de réparer les dégâts de la crise, et tous les enjeux présents avant la pandémie le seront après, dont celui du statut des artistes, et de la rémunération de celles et ceux qui ne sont pas salariés d'une institution publique (comme le sont par exemple les choristes et les danseurs du Grand Théâtre)*. La culture sort à pas prudents de la crise -mais elle trimballe encore la crise avec elle, et il lui faudra du temps, et des soutiens matériels, pour  n'en faire plus qu'un souvenir -ou en faire une création.

* Lors de la session d’été des Chambres fédérales, figure une initiative parlementaire (20.502) du socialiste genevois Christian Dandrès  qui reprend la revendication  des "intermittents du spectacle" (et de l'audiovisuel) d'obtenir un statut protégean tleurs droits (https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20200502 )
ACTION INTERMITTENCE, fer de lance à Genève, a obtenu le Statut dit  « intermittent » via la LACI/OACI par voie d’ordonnance en 2003, alignant ainsi la Suisse au régime accordé en Europe, notamment en France, aux artisans de la culture que sont les salarié.e.s soumis à des contrats à période déterminée   Depuis mars 2020, les contrats ne sont plus délivrés ou alors partiellement et l’avenir reste sombre malgré les dispositifs de soutien accordés. De plus, la reprise des activités ne pourra s’effectuer que progressivement et les répercussions à moyen terme sont très préoccupantes. 
8 villes suisses dont la ville de Genève, initiatrice de cette opération, apportent leur soutien et lancent un appel aux élu.e.s fédéraux pour que celles-ci et ceux-ci soutiennent cette initiative parlementaire afin d’apporter une protection sociale adéquate aux salarié.e.s intermittent.e.s qui n’ont pas de contrat fixe.



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