"Internalisation" du nettoyage des locaux et installations de la Ville de Genève : Un premier (petit) pas est fait...

Le débat fut ce que nous en attendions, la majorité celle que nous espérions, les votes ceux auxquels nous appelions : le Conseil municipal de Genève, mardi soir, s'est prononcé à la fois pour le principe de l'"internalisation" du nettoyage des locaux de la Ville de Genève, c'est-à-dire de la fin de sa sous-traitance à des privés et pour une première étape de ce processus : un crédit de 1,3 millions de francs pour l'engagement dans la fonction publique du personnel municipal nécessaire  au nettoyage des toilettes de la Ville et de bureaux de l'administration municipale. Comme prévu, la droite a obtenu un troisième débat, lors duquel nos propositions seront à nouveau débattues, sans doute dans les mêmes termes que nous venons de le faire, avec les mêmes majorités et, au bout du compte, le même vote. Ce n'était mardi, ce ne sera en septembre, qu'un premier pas. Petit, mais seulement premier.

Une question de justice et de cohérence élémentaire. Donc un acte politique.

Nous nous sommes chargés de traduire en un acte concret le soutien que la commission des finances avait apporté à une pétition dont le titre résumait la demande, et qui a également été soutenue par le Conseil municipal lui-même : "celles et ceux qui nettoient pour la Ville doivent être employée par la Ville". Nous proposions donc d'engager un vrai processus d'internalisation du nettoyage des locaux de la Ville, et d'intégration des nettoyeuses et des nettoyeurs dans la fonction publique municipale.  Ce processus devrait se poursuivre, en procédant comme on proposait de le faire dans cette première étape : à chaque échéance d'un contrat passé avec une entreprise privée, la Ville reprend pour elle même le champ de ce contrat. Et on commencerait par le contrat de nettoyage des toilettes publiques, parce que c'est le premier qui arrive à échéance, au milieu de l'année prochaine, que le nettoyage des toilettes publiques est le travail de nettoyage le plus pénible, et que ceux (ce ne sont que des hommes) qui l'effectuent n'ont pas hésité à se mettre en grève pour défendre leurs droits les plus élémentaires, et ceux de toutes les nettoyeuses et de tous les nettoyeurs.

Cela fait des années qu'à nos propositions, à celle des syndicats, à celles des nettoyeuses et de nettoyeurs elles-mêmes  et eux-mêmes, la réponse de la droite et du Conseil administratif est la même : "c'est pas le moment". Ce n'était pas le moment il y a cinq ans. Pas le moment il y a quatre ans. Pas le moment il y a trois ans. Pas le moment il y a deux ans. Pas le moment l'année dernière. Pas le moment cette année. Ni l'année prochaine. Ni les années suivantes. Ainsi, ce ne serait jamais le moment pour la Ville de Genève d'employer elle-même celles et ceux qui travaillent pour elles. D'autres communes, même de droite comme Collonge-Bellerive, Céligny, Choulex, Corsier, Genthod, Jussy) et d'autres villes (Onex, Vernier), ont pourtant maintenu, ou réintégré, dans leur fonction publique celles et ceux qui nettoient leurs installations et leurs espaces... mais pas la Ville. Pourquoi pas la Ville ? Elle est trop pauvre ? Trop pingre ? Traîne encore trop de défroques comptables du genre "niou public management" ?

Il y a eu une grève, dans une entreprise mandatée par la Ville pour nettoyer ses toilettes publiques. Cette grève, la Grève d'ONET a révélé deux choses, et la pandémie en a révélé une troisième. La grève a révélé le niveau inacceptable des salaires et des conditions de travail  dans le secteur du nettoyage, et que le seul moyen d'y remédier a été une intervention de la Ville. Quant à la pandémie a révélé le rôle indispensable des nettoyeuses et des nettoyeurs, l'écart inadmissible entre ce rôle et les conditions de travail et de salaire qui leur sont faites. On les a applaudis sur nos balcons, en même temps qu'on a applaudi les médecins, les infirmières, les policiers, les pompiers, le personnel de la voirie, le personnel de la petite enfance. On les a applaudis, on doit faire plus : les employer. En commençant par les nettoyeurs des toilettes publiques.

"Quelle image la Ville de Genève donne-t-elle en maintenant dans la précarité les nettoyeurs et nettoyeuses qui s'engagent jour et nuit pour un parfait entretien des bâtiments publics ?" s'înterrogent, et nous interrogent, les syndicats. ... Quelle image la Ville donne-t-elle d'elle-même ? celle d'une Ville qui se paie de mots pour ne pas payer celles et ceux qui travaillent pour elle, qu'il s'agisse du personnel du nettoyage ou de celui de la petite enfance.

On trouvera  que c'est en dire et en faire beaucoup pour n'engager une quinzaine de nettoyeuses de bureaux et de nettoyeurs de toilettes publiques ? On aura tort. Parce que cette proposition, premier pas d'une internalisation de tout le nettoyage des locaux, des bureaux, des installations de la Ville, est un moment de lutte contre la sous-enchère salariale, contre la paupérisation d'une part croissante de la population, et en particulier des femmes, contre la sous-traitance à des privés de tâches publiques, pour la reconnaissance du travail de celles et ceux qui assument ces tâches. Nous n'accepteront pas que l'on joue une internationalisation contre une autre, celle du nettoyage, dont il est question aujourd'hui, contre celle de la petite enfance, dont il sera question plus tard.

La Ville  ne peut être cet employeur "exemplaire" qu'elle affirme être qu'en étant  l'employeur de celles et ceux qui travaillent pour elle. Sans doute les travailleuses et les travailleurs du nettoyage ont-ils été heureux, au printemps de l'année dernière, d'avoir été célébrés quelques soirs de suite à 21 heures, avec l'ensemble de celles et ceux mobilisés pour combattre la pandémie et en soigner les victimes, et faire "tourner" la société malgré le confinement... mais les applaudissements, les concerts de casserole et les couinements de trompettes ne suffisent pas à leur rendre justice.

Nous voulons leur rendre justice. Et leur rendre justice, c'est les engager au sein du personnel de la Ville, et reconnaître leur travail comme celui d'un service rendu au public -et pas seulement aux occupants de quelques bureaux de l'administration municipale. La Ville doit être l'employeur de celles et ceux qui travaillent pour elle et ses habitantes et habitants : cela vaut pour le nettoyage comme pour la petite enfance et c'est une question de justice élémentaire et de cohérence tout aussi élémentaire. C'est donc un acte politique. Nous l'avons posé mardi soir, il nous reste à le confirmer en septembre. 

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