La Cité, la musique, la démocratie : Le NON qui rouvre les possibles
Le 13 juin dernier, après une campagne dont, par euphémisme, on dira qu'elle fut vive de part et d'autre (la Fondation pour la Cité de la Musique et le comité référendaire notant tous deux des "attaques personnelles, insultes, menaces, harcèlement, pressions" du camp adverse), la Ville de Genève donnait, à un peu plus de 800 voix de majorité sur 53'000 votantes et votants, un préavis négatif au plan localisé de quartier nécessaire à la réalisation d'un projet de Cité de la Musique sur la parcelle des Feuillantines, en bordure de le place des Nations. C'était un vote municipal consultatif, dont, légalement, le canton peut faire ce qu'il veut, y compris, avec toute la délicatesse que nos communes lui connaissent, s'asseoir dessus ("on ne saurait considérer que la volonté populaire d'une seule commune s'impose de facto à l'échelon cantonal" déclarait Antonio Hodgers, avant même le vote de la Ville). Mais politiquement, c'est une autre histoire : 53'000 personnes qui votent, dans une commune de plus de 200'000 habitants qui concentre 40 % de la population (et du corps électoral) du canton, ça pèse un peu plus qu'un simple mouvement d'humeur, et soir même du vote le Conseil d'Etat rouvrait le débat, le dossier et les consultations sur le projet, sans exclure de le faire passer de celui d'une Cité DE LA musique à celui d'une Cité DES musiqueS... Or si le débat va se poursuivre et si des "plans alternatifs" peuvent être évoqués (comme l'installation, proposée par le député indépendant à la Douma Guy Mettan, d'une Cité DES musiqueS sur le terrain occupé naguère par l'Opera des Nations) c'est bien parce que la Ville a refusé le plan localisé de quartier : si elle l'avait accepté, sur le projet aurait été posé cet avertissement définitif : "circulez, y'a plus rien à voir, rien à dire, rien à voter". Et il ne serait évidemment trouvé personne à droite pour couiner "y'a que la Ville qui a voté, c'est antidémocratique, faut faire voter tout le canton"...
"Nous ne sommes pas prêts à attendre encore dix
ans pour voir émerger une Cité de la musique", plaident les
députés socialistes. Nous, et une majorité de votantes et de
votants en Ville, n'étions pas prêts à nous précipiter sur
n'importe quel projet de Cité de la Musique -et s'il faut
attendre dix ans pour un bon projet (avec un nouveau PLQ, lui
aussi soumis à référendum populaire...), nous sommes prêts à
l'attendre dix ans. Et pendant dix ans, à renforcer le soutien
financier aux musiques actuelles et de création : c'est d'un tel
soutien dont elles ont le plus besoin, pas de salles dans une
Cité de la musique ou des musiques.
"On veut dresser un état des lieux pour décider
si on arrête avec ce projet (de Cité de la Musique) ou si on
continue, y compris sur le site des Feuillantines", résume
Thierry Apothéloz,... Mais continuer avec quel projet ? le même
que celui qui a été refusé en ville ? Tous les arrondissements
de gauche l'ont refusé, ce projet. Tous, sans exception. Cela
devrait nous parler un peu, au PS, non ? ... et que seuls des
arrondissements de droite l'aient accepté, ce PLQ, cela aussi
devrait nous parler un peu, au PS, non ?...
Le vote municipal acquis, parole au canton. Plus
précisément, au Grand Conseil. Où, la semaine dernière, s'est
tenu un navrant débat sur la Cité de la Musique au Grand Conseil
: faut-il s'asseoir sur un vote communal avec ou sans coussin ?
Ce sera avec coussin (fourni par le groupe socialiste : Y'a des
cours de formation socialiste sur le sens du cri "Vive la
Commune !" qui ont du se perdre quelque part entre deux
campagnes électorales...). Et ceux qui considèrent qu'il serait
"antidémocratique" de ne tenir compte que du vote de la Ville
sur un projet d'importance cantonale, on répondra que ce projet
est en fait d'importance régionale, et qu'il conviendrait alors
de faire voter toute la Grande Genève et pas seulement le canton
: après tout, on est tout aussi concerné à Annemasse, Ferney et
Saint-Julien qu'à Céligny, Chancy et Gy...
Bref, le Grand Conseil de la parvulissime
République a adopté la résolution présentée par la droite et
amendée par le PS, qui n'a d'autre effet que d'enfoncer la porte
ouverte par le Conseil d'Etat au soir même du vote. "On ne peut
pas imposer la volonté d'un peuple municipal à l'ensemble de la
population cantonale, c'est faire du reste des habitants du
canton des citoyens de seconde zone", explique la droite dans
les considérants de la résolution. En revanche, on pourrait
imposer à l'ensemble de la population cantonale, sans
possibilité de référendum, la volonté d'une majorité de cent
membres du Conseil ? Il est vrai qu'alors ce ne serait plus "le
reste des habitants du canton" dont on ferait des "citoyens de
seconde zone", ce serait de tous les habitants du canton,
puisque quand on s’assoit (avec ou sans coussin socialiste) sur
un préavis municipal, il n'y a que les 100 députées et députés
au Grand Conseil qui peuvent voter... ce qui n'empêche pas
certains d'entre eux de trouver "antidémocratique" que plus de
53'000 habitantes et habitants de la Ville aient pu le faire...
Un.e député.e, ça vaudrait donc 530 habitant.e.s ? On lui
signalera alors, à cette députée ou à ce député qui croit valoir
530 habitant.e.s que ni lui, ni elle, ni aucun.e membre du Grand
Conseil (et donc aucun.e de celles et ceux qui demandent de
s'asseoir sur le vote de la Ville) n'a obtenu pour être élu
autant de voix dans tout le canton qu'il s'en est portées en
Ville contre le PLQ de la Cité de la Musique. Aucun... sauf
Pierre Maudet ...
Allez après cela financer des campagnes pour la participation électorale des étrangers au seul niveau où ils peuvent voter ... et vous plaindre amèrement de la permanence de cette justification de l'abstention par des abstentionnistes, suisses ou étrangers : "de toute façon,ils font ce qu'ils veulent..."
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