Brèves Troubles

 En Allemagne d'abord, en 2016, et en France ensuite en traduction, cette année, y'a un bouquin dont on n'attendait pas qu'il soit un best seller mais dont la réédition, commentée, expliquée, contextua-lisée, a fait un tabac : 100'000 exemplaires vendus en Allemagne (en France, on sait pas encore...), alors que le livre fait 2000 pages, contient 5000 commentaires et pèse cinq kilos de merde compacte. Ce bouquin, c'est le «Mein Kampf» de Hitler, édité en Allemagne par l'Institut d'Histoire contemporaine de Munich (c'est le Land de Bavière qui détient les droits d'auteur) et en France par Fayard. Qui sont les 100'000 acheteurs ? des nostalgi-ques ? les derniers nazis ? des néo-nazis ? Apparemment pas : des curieux, des historiens, des insti-tutions, des chercheurs, des amateurs d'histoire. La version originale du texte, sans l'appareil critique et contextuel, reste interdite en Allemagne (mais pas en France). Et la propagation d'«idées» nazies se fait désormais plus par les réseaux sociaux que par la grosse daube hitlérienne, dont la reparution a d'ailleurs permis de mesurer la médiocrité formelle : Adolf était fort médiocre écrivain et sa prose accumule non seulement les délires paranos, mais aussi les fautes de vocabulaire, de grammaire et de syntaxe -les fautes, pas les originalités volontaires... Mais à tomber sur les daubes complotistes sur les rézos, on se dit qu'il était précurseur, Adolf.

Défendu par l'avocat habituel des négationnistes (et d'une bonne partie des fachos du coin), Pascal Junod, Dieudonné a été condamné le 8 juillet, pour discrimination raciale, injure et diffamation, à la peine qu'avait requise le  Parquet : 180 jours-amende à 170 balles par jour, sans sursis, et à une partie des frais de défense des plaignants. Cette condam-nation renvoie à un sketch d'un spectacle de 2019. «Il ne s'agit pas de déterminer s'il s'agit d'humour. Nier l'existence des chambres à gaz, c'est cracher sur la mémoire des victimes», avait résumé le Procureur Stéphane Gorecki, qui avait rappelé les vingt condamnations définitives prononcées contre Dieudonné en France, et la présidente du tribunal ses «accoin-tances» avec des «antisémites notoires» comme Robert Faurrisson ou Alain Soral et la «haine tenace» qu'il voue aux organisations juives qui commémorent la Shoah : «l'anti-sémitisme primaire, c'est son fonds de commerce» avait résumé le procureur. Dieudonné condamné (sous réserve du recours déposé par son avocat), on ne le reverra sans doute pas de sitôt en Suisse. Où par contre pourra continuer à sévir Alain Soral, plusieurs fois condamné pour antisémitisme en France (la dernière fois, sauf erreur, en avril dernier, pour avoir imputé aux juifs l'incendie de Notre-Dame de Paris), mais paisiblement installé à Lausanne depuis octobre 2019 pour, de son propre aveu, échapper à la prison française. Comme il est double national franco-suisse, il ne peut être extradé. Peinard, quoi. Surtout que son antisémitisme pulsionnel, il l'exprime essentiellement sur les réseaux et son site internet, qu'il ne commet pas de délit caractérisé sur territoire suisse (il y enregistre pourtant ses interventions vidéo et audio) et que le procureur vaudois Christian Buffat avait décidé de ne pas entrer en matière sur une dénonciation de la Cicad en expliquant que  le for juridique est en France puisque c'est en France qu'il diffuse ses délires. Et que Soral va bien se garder d'y remettre les pieds avant prescription. Jamais téméraires, les complotistes antisémites. A part ça, paraît que Dieudonné a demandé l'asile politique à la Turquie... Pourquoi pas l'Afghanistan ? Ben, parce que c'était avant le retour en fanfare des Talibans... 

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