Nous n'avons pas été 99 %, et alors ?
"Ce n'est qu'un début, continuons le combat" fiscal...
Nous n'avons pas été 99 % du corps électoral suisse à soutenir l'initiative "99 %" de la Jeunesse socialiste, pour une plus forte imposition des revenus du capital. Nous n'avons été majoritaires que dans les arrondissements arrondissements des villes, voire quelques villes (Lausanne...) et pas loin de l'être dans deux cantons (Bâle, le Jura)... Mais peu importe, après tout, du moins dans l'immédiat : ce qui nous meut, c'est de constituer un rapport de force politique -meilleur sera le résultat de cette initiative dans nos cantons et nos communes, mieux armés serons-nous pour, à ces niveaux-là, défendre et faire accepter des réformes fiscales renforçant la contribution des plus riches, comme le propose l'initiative de la gauche genevoise pour une contribution temporaire de solidarité des grandes fortunes.
Une simple question de cohérence politique
La gauche suisse et la gauche genevoise proposent
un renforcement de la fiscalité sur les hauts revenus et les
grosses fortunes. Et donc un renforcement de la progressivité de
l'impôt direct. La gauche municipale n'a dès lors plus aucune
excuse en Ville de Genève pour ne pas en faire autant, le rôle
de l'impôt communal étant rigoureusement le même que celui de
l'impôt cantonal et de l'impôt fédéral : financer le
fonctionnement, et surtout, les prestations à la population de
la collectivité publique, et la redistribution de la richesse.
Mais à Genève, l'impôt municipal, dans la mesure où il n'est pas
seulement payé par les contribuables résidant dans la commune
mais aussi, partiellement, par ceux qui n'y résident pas mais y
travaillent, est aussi un outil d'égalisation (partielle) de la
charge fiscale entre les communes les plus riches, dont le taux
d'impôt municipal est le plus bas, et les communes les plus
pauvres, qui sont souvent les plus actives socialement et
culturellement, et dont le taux d'impôt municipal est le plus
élevé. La statistique
est claire : les communes qui mènent les politiques sociales
et culturelles les plus actives sont aussi celles (Genève,
Onex, Lancy, Meyrin, Vernier) où la fortune nette par couple
marié par habitant est la plus basse -a contrario, celles qui
sont les plus inactives dans ces deux domaines sont celles
(Vandoeuvres, Anières) où la fortune par habitant est la plus
haute. L'écart est considérable : 25:1 entre Vandoeuvres et
Vernier, 1.5 million contre 50'000 francs). Que les
contribuables d'Anières ou de Vandoeuvres travaillant à Genève
paient un peu plus d'impôt municipal les fera un peu plus
contribuer au financement des institutions et des prestations de
la Ville dont ils bénéficient et usent. Et contribuer aussi aux
actions sociales de la Ville qui, les menant, permet aux
communes les plus riches de s'abstenir d'y prendre part
financièrement : un centime additionnel de plus rapporterait à
la Ville quinze millions : c'est ce que lui coûte la prise en
charge et l'hébergement des sans-abris... et c'est un peu moins
que ce coûteront les 670 places de crèches dont les parents de
la Ville ont besoin.
La gauche politique et syndicale genevoise lance donc une initiative fiscale, pour un "impôt de solidarité" sur les fortunes de plus de trois millions de francs, à un taux de 2,5 pour mille. Pendant quoi, à droite, on propose de vider encore un peu plus les caisses publiques -celles des communes, en l'occurrence- en supprimant la "taxe professionnelle", le seul impôt spécifiquement municipal à Genève (le "centime additionnel" communal n'étant en effet qu'un surcroît d'impôt cantonal). La taxe rapporte 200 millions aux communes, dont plus de cent millions par an à la Ville, dont elle finance presque un dixième du budget..., mais treize communes ne la prélèvent pas, parce qu'elles n'en ont pas besoin, n'ayant quasiment aucune dépense sociale, culturelle ou sportive à assumer puisqu'elles se reposent sur les villes en général et la Ville en particulier pour les assumer à leur place : Vandoeuvres peut se passer de la taxe professionnelle -pas Vernier. Ni la Ville de Genève),. Plutôt que de modifier l'assise de cette taxe, qui a le défaut d'être fondée notamment sur le nombre d'employés, ce qui est absurde, sur le chiffre d'affaire plutôt que le bénéfice, ce qui est injuste, et sur le loyer, ce qui n'a pas de sens, et de la faire reposer sur les bénéfices, la droite propose donc, par une initiative (lancée par les jeunes PLR, UDC, PDC et Verts libéraux, soutenue par l'inénarrable Chambre de commerce et d'Industrie) de la supprimer et d'en faire cadeau aux grosses entreprises, notamment les multinationales (mais aussi les grosses études d'avocats d'affaire), qui paient les trois quarts de ce qu'elles rapportent. Et seraient donc les plus grandes gagnantes de sa suppression.
Comment les communes qui perçoivent une taxe
professionnelle compenseront-elles sa suppression, même dans le
délai de dix ans que, précautionneux, les initiants proposent ?
elles auront deux solutions : réduire leurs prestations, ce qui
ne posera pas de problème aux plus petites communes qui n'en
accordent guère mais menacerait sérieusement celles que les
villes, et surtout celle de Genève, accordent à leur population
(allocations et aides sociales, hébergement des sans-abris,
subventions culturelles et sportives). Ou alors, augmenter
l'impôt municipal. Mais pas, en Ville, d'un seul centime
additionnel : il en faudrait huit de plus pour compenser la
perte de ressources voulue par la droite...
Ces considérations très locales nous éloignent-elles du sort réservé dimanche à l'initiative fédérale "99 %" ? Certes non : qu'il soit municipal, cantonal ou fédéral, le rôle de l'impôt reste le même, comme les arrière-pensées de ceux qui n'ont de cesse de l’écrêter pour en réduire la charge sur les plus fortunés. Et comme, en conséquence, devraient être les mêmes les choix de la gauche, qu'elle soit fédérale, cantonale, municipale. Une simple question de cohérence politique, en somme...
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