Grève du climat : "Arrêtons l'incendie"

 


Grève du climat :  "Arrêtons l'incendie"


Les collectifs de la Grève du climat n'entendent pas relâcher la pression sur les "décideurs" (et, d'entre eux, en Suisse, le peuple lui-même) pour qu'aux postures mimant une prise de conscience de l'urgence climatique, succèdent enfin des décisions claires. Le Collectif genevois résume : "Après un été marqué par une multiplication d'événements météorologiques extrêmes, rendant l’urgene climatique toujours plus dramatique, en l’absence de réponses crédibles, et avant la conférence des gouvernements sur le climat (COP 26, en novembre à Glasgow), prenons la rue et exigeons une transition écologique immédiate et socialement juste ! Plus on attend, plus les destructions seront importantes ! Arrêtons l’incendie : le climat et la vie, avant le profit !". On ne cherchera pas à dire mieux. Aujourd'hui sont annoncées des manifestations à Bâle, Bellinzone, Berne, Bienne, Genève, Neuchâtel. A Genève, rendez--vous 16h. place Lise-Girardin ex-place des 22 cantons

"On ne peut pas rattraper le temps perdu, mais on peut arrêter de perdre du temps"

Une croissance illimitée dans un monde limité est impossible : c'est une évidence. La crise écologique en est une autre. Et le réchauffement climatique est indéniable. Et on ne voit pas comment l'humanité, ses activités, son pouvoir sur la nature, pourraient ne pas y avoir puissamment contribué. Mais en déduire qu'elle est promise à la disparition si elle ne change pas radicalement de comportement, c'est trop déduire. En revanche, les systèmes politiques, économiques, sociaux existants sont, tous, menacés, et eux devront changer, ou disparaître. Ce n'est pas de l'"effondrisme", c'est un appel au changement. L'"effondrisme" conduit au repli, au chacun pour soi, peut-être au retour en arrière, certainement pas au changement social. Il est donc fondamentalement égotiste, politiquement impuissant et socialement résigné. Nous en tenons donc, et la grève du climat aussi, pour l'appel au changement, tout en sachant pertinemment qu'on ne saurait se contenter de la sympathie qu'il peut susciter : c'est bien d'un programme politique concret, rapidement réalisable dont nous avons besoin. Et, surtout, d'une volonté de l'appliquer.

On peut financer la transition écologique, et la financer même en la radicalisant et en l'accélérant. On le peut de deux manières : en appliquant le principe du pollueur-payeur (ce que proposait la loi CO2 suisse refusée par le peuple) ou en puisant dans les budgets publics (ce qui suppose tout de même qu'ils soient alimentés en suffisance, et donc que l'on renonce à toute réduction d'impôt). Mais dès qu'on aborde les propositions de mesures concrètes, immédiatement applicables, les oppositions se lèvent et les manœuvres de coulisse se déploient. Et les insatisfactions aussi : aucun programme a priori acceptable par une majorité de la population ne sera jamais à la hauteur de l'urgence. Or même des propositions insuffisantes, insatisfaisantes à force d'être calibrées pour être acceptées par une majorité finissent par se heurter à une majorité de refus : ainsi fut-ce le cas de la CO2 . Et plus encore, de sa nouvelle mouture, allégée de tout ce qui pourrait fâcher, présentée par le Conseil fédéral le mois dernier, où les taxes sont remplacées par des incitations financières...

"La social-écologie est l'avenir de (la) social-démocratie", proclamait en 2018 le philosophe Raphaël Glucksmann, tête de liste du PS aux  Européennes de 2019. La "social-écologie", version Canada-Dry de l'écosocialisme ? "il faut des réponses de gauche aux problèmes engendrés par la crise"... bien sûr, mais quelles sont ces réponses ?  "il faut faire basculer les sociaux-démocrates traditionnels vers la défense du climat et de l'environnement"... oui, bien sûr, mais il faut surtout que ce "basculement" ne soit pas qu'une posture rhétorique... comme l'a été le verdissement d'une partie de la droite, qui tenait surtout à ce que les mesures prises pour freiner le réchauffement climatique permettent "de rendre notre économie plus compétitive et rentable en modernisant nos infrastructures", comme le prêchait Bertrand Piccard lorsqu'il appelait à voter pour la loi CO2. Et à cesser de "rouler avec des moteurs thermiques, alors que les moteurs électriques ont des rendements bien meilleurs"... sauf que ces moteurs électriques, il faut BIEN les produire, et produire leurs batteries, que cette production est gloutonne en ressources non-renouvelable, et grosse émettrice de CO2.

"Changement de paradigme" ou pas, on continuera à devoir se nourrir, et à se déplacer, se connecter, se chauffer ou se rafraîchir -et tout cela, même réduit, consomme une énergie qu'il faut bien produire... et génère des profits qui sont bien captés par quelqu'un, quelque chose, quelque part. Comme disait Greta Thunberg, "Les solutions qui existent à l'intérieur de notre système sont tellement impossibles à trouver que nous allons peut-être à avoir à changer le système lui-même". Peut-être, en effet. On a perdu beaucoup de temps, des décennies, avant que de seulement commencer, trop tard, à tenter de freiner la dégradation du cadre de vie de notre espèce (et des autres). On a encore perdu du temps en juin dernier, lorsqu'est tombé le refus populaire de la loi CO2. On en perd encore avec la nouvelle mouture de la loi. Certes,  si "on ne peut pas rattraper le temps perdu, on peut arrêter de perdre du temps", mais si les inégalités, la précarité, l’exclusion, le saccage de l’environnement engendraient inéluctablement la révolte de ceux qui en sont victimes, il y a beau temps que le capitalisme aurait été renversé et aboli. Il faut donc bien qu’à ses nuisances s’en ajoute une qui fasse s'y résigner ceux qui devraient ne plus les accepter. Cette nuisance-là, providentielle, c’est l’aliénation. La servitude volontaire.



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