L'"Accord-cadre" entre la Suisse et l'Union européenne enterré... Et maintenant, on fait quoi ?
Sortons un peu de l'immédiate actualité : Le Conseil fédéral a, il y a cinq mois, décidé de mettre fin aux négociations avec l'Union Européenne pour la conclusion d'un "accord cadre" institutionnel. La Commission européenne s'était pourtant montrée "flexible", et prête à "examiner des solutions aux problèmes que les Suisses pourraient avoir" sur les trois points litigieux du dossier de l'accord-cadre : les aides d'Etat, la protection des salaires et la citoyenneté européenne, avec les droits sociaux qu'elle implique, mais elle refusait d'extraire ces trois points du projet d'accord, fût-ce pour en faciliter l'adoption. Enfin, la Suisse avait obtenu que les différends entre elle et l'UE ne soient pas tranchés par la Cour de Justice européenne mais par un Tribunal arbitral paritaire euro-suisse. De son côté, le Conseil fédéral avait fait une concession qu'il pensait décisive : la "reprise dynamique" du droit européen. Rien n'y a fait. Pas même la proposition de la Conseillère fédérale Viola Amherd d'une "clause de sauvegarde" pour la directive sur la citoyenneté européenne. En fait, les sept Conseillères et Conseillers fédéraux avaient chacun.e leur propres réticences face au projet d'accord cadre. Qui a donc succombé à l'addition de ces réticences, sous les applaudissements contrapuntiques de l'Union Syndicale Suisse et de l'UDC. Et maintenant, on fait quoi, puisque l'accord-cadre enterré, il n'y pas de statu quo concevable pour autant ?
      "Une troisième voie critique et
                            pro-européenne est possible"
              
"Je me sens Européen tous les jours", assurait
                dans "Le Temps" du 31 juillet(et donc du 1er août...) le
                Président de la Confédération Guy Parmelin. Et de
                poursuivre : "En tant que Suisse, je suis citoyen d'un
                pays qui a signé 120 accord avec l'UE fonctionnant bien
                dans l'ensemble". Citoyen d'un pays aussi dont le peuple
                a confirmé sa participation à l'accord sur la
                libre-circulation des personnes. Citoyen d'un pays
                encore qui a investi environ 23 milliards de francs pour
                ses transversales ferroviaires alpines qui profitent
                beaucoup aux Européens". Alors pourquoi avoir, avec
                trois autres conseillers fédéraux, torpillé
                l'accord-cadre (du fait
                          d'un revirement des deux ministres PLR, qui
                          ont, au Conseil fédéral, joint leur voix aux
                          deux UDC pour couler un projet soutenu par le
                          PLR) ? Sans doute parce que cet accord était
                          désormais combattu par les deux plus grands
                          partis du pays (l'UDC à droite et le PS à
                          gauche) et par les syndicats (qui soutiennent
                          la voie bilatérale), que la Conseillère
                          fédérale et le Conseiller fédéral socialistes
                          ne le soutenaient plus que mollement, alors
                          même que le dernier sondage réalisé sur ce
                          texte lui donnait une majorité de 64 % d'avis
                          favorables (ce qui, il est vrai, ne présageait
                          nullement d'une acceptation dans les urnes
                          face à une coalition de l'UDC, du PS et des
                          syndicats), que la
                          réélection du Conseiller fédéral PLR Ignazo
                          Cassis dépend du bon vouloir de l'UDC, que la
                          Conseillère fédérale PLR était très opposée à
                          une "citoyenneté européenne" élargissant la
                          libre-circulation aux Européens venant en
                          Suisse sans contrat de travail, pour faire
                          embaucher et que la Conseillère fédéral PDC
                          Viola Amherd se trouvait en contradiction
                          totale avec le président de son parti, qui
                          tirait à boulets oranges sur le projet
                          d'accord-cadre. 
    
L'Union Syndicale Suisse avait clairement pris
                position contre le projet d'accord-cadre, et a adopté
                une résolution demandant le maintien des accords
                bilatéraux, davantage de protection sociale, de
                conventions de travail avec force obligatoire et de
                salaires minimaux. Au sein du PS, les choses sont un peu
                plus compliquées, les positions plus contradictoires, et
                trois courants se confrontent : un courant
                souverainiste, persuadé que seul le cadre national peut
                permettre la refondation de l'Etat social, un courant
                europhile, conscient que si la Suisse veut pouvoir faire
                autre chose que subir les décisions européenne, elle
                doit pouvoir participer à les prendre, et un courant
                attentiste, pour qui il est urgent d'attendre pour poser
                le problème de l'adhésion, et plus urgent encore de
                régler ceux des rapports entre la Suisse et l'Union tels
                que les accords bilatéraux les encadrent.  "Entre les isolationnistes
                  et les fans absolus de l'accord-cadre, une troisième
                  voie critique et pro-européenne est possible", résume
                  la coprésidente du PSS, Mattea Meyer. Mais quelle
                  "troisième voie", sinon celle dessinée par les
                  syndicats ? 
      Le programme
                    du PS, adopté en 2010, donne au parti la tâche de
                    s'engager "pour le lancement rapide de négociations
                    d'adhésion avec l'UE", en assurant le maintien "dans
                    sa substance" du système suisse de démocratie
                    directe et de fédéralisme. Un mandat pour concilier
                    l'inconciliable ? Plutôt quelque chose qui ressemble
                    à un acte de foi, auquel renoncer signifierait un
                    renoncement à des valeurs qui ont, quoi que l'on
                    pense de l'UE ( et quoiqu'elle donne à penser
                    d'elle-même), un contenu internationaliste. "Nous
                    sommes pour une Suisse sociale dans une Europe
                    sociale", résume Carlo Sommaruga. La Suisse n'étant
                    pas plus "sociale" que l'Europe, il n'y a donc
                    aucune raison de renoncer à un objectif, même
                    lointain, d'adhésion de l'une à l'autre... Après
                    tout, quand Genève a adhéré à la Confédération
                    suisse, la Confédération n'était ni plus "sociale",
                    ni plus démocratique que la Parvulissime République
                    : elle était seulement plus grande. Et moins
                    française.



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