Loi Covid : on votera "oui", comme il y a quatre mois

L'urgence et les grelots

Le 13 juin, 60 % des votantes et votants acceptaient la première loi  Covid. La refuser n'aurait pas empêché le Conseil fédéral de continuer à prendre des mesures de lutte sanitaire (fermeture de magasins, interdiction de manifestations, port du masque, vaccination), ces mesures relevant d'une autre loi (la loi Covid sur les épidémies), mais de nombreuses mesures de soutien nécessaires n'auraient plus eu de base légale.  Battue dans les urnes, l'opposition à la loi n'a pas désarmé,  elle a lancé un référendum contre les modifications de la loi concernant le pass sanitaire, mais contenant aussi les aides pour les cas de rigueur, les indépendants, le secteur de l'événementiel ou les indemnisations en cas de chômage partiel. Le référendum ayant abouti, on est reconvoqué au vote le 28 novembre. Et on votera "oui". Pour la même raison qu'il y a quatre mois : pour répondre à une urgence qu'on ne fera pas disparaître en se secouant les grelots dans des manifs.

Piètre "résistance" qu'une résistance sans risque

La pandémie  a frappé dans un contexte social dégradé : les couches sociales déjà fragilisées avant la crise sont celles qui ont été le plus durement frappées par les conséquences des mesures prises pour lutter contre la propagation de la covid-19. Pendant quoi, les couches sociales privilégiées s'enrichissaient encore, et les couches sociales disposant d'un statut professionnel protégé traversaient la crise sans trop, ou sans du tout, de dommages. Les femmes subissaient une régression sans précédent depuis un siècle, en perdant plus souvent leur emploi que les hommes, en étant plus souvent qu'eux contraintes à travailler à domicile, dans des logements exigus, avec toujours les tâches domestiques et parentales à assumer. Les jeunes ont été freinés dans l'obtention de leur premier emploi, la poursuite de leurs études, la conquête de leur autonomie financières. Tout le système de protection sociale s'est ainsi révélé obsolète, et l'Etat-providence moins providentiel que lui-même à aider. Le revenu universel apparaît dès lors comme une solution. Inutile, sans doute, de s’appesantir sur l'absence de toute proposition en ce sens dans celle soumise au peuple. Pour autant, on la soutiendra, cette proposition, parce qu'elle répond, ne fût.ce que partiellement, à une urgence sociale.  Et puis, il faut bien l'avouer, on votera aussi "oui" pour donner la réponse qui convient aux anti-pass qui se secouent les grelots dans les manifestations de ces derniers temps contre le pass sanitaire.

Nous sommes vaccinés. Et porteurs d'un "pass" sanitaire.  Nous ne sommes pas vaccinés contre tout, le principe de précaution a des limites, mais contre la covid (et souvent aussi la polio, le tétanos, la rougeole voire quelques maladies exotiques. Nous sommes cinq millions à être vaccinés, en Suisse.  Donc, on nous a inoculé une puce permettant à la NSA, au Mossad, à Bill Gates, Georges Soros, Mauro Poggia, Alain Berset et au Parti communiste chinois, de nous contrôler, tout en bousillant notre fécondité et modifié notre adn. On y tenait, pourtant, à notre adn, il contenait une petite part néanderthalienne qui nous situait dans la grande histoire de l'humanité. Donc voilà,  nous, socialistes, étions déjà social-traîtres, nous  voilà collabo. Il n'est jamais trop tard pour mal faire. Parce qu'il faut vous dire, bonnes gens, que la vaccination, le passe sanitaire, les tests, c'est du nazisme. Pas moins.

D'où nous tombe ce délire ? de quoi est-il le nom ? il est le nom d'étranges remugles stagnant dans l'air du temps, dont on n'essaie de ricaner que pour s'éviter d'inutiles colères : s'il y a des vaccins contre la covid, on n'en a toujours pas trouvé contre la connerie. Encore pourrait-on s'y résigner s'il ne s'agissait précisément que de conneries... mais la panse est encore féconde d'où nous sourd la sprue immonde. Elle en sourdait déjà lorsque sévissait la peste noire, elle en sourd toujours : Macron, c'est Hitler. Et Joe Biden, qui veut imposer l'obligation vaccinale aux employés fédéraux, c'est Staline. Le passe sanitaire, c'est un certificat d'aryanité. Les non vaccinés de 2081, ce sont les juifs de 1942. Le service du Médecin cantonal, c'est la Propagandastaffel. Et les restrictions d'accès à certains lieux, c'est la rafle du Vel'd'Hiv. On exagère ? hélas, non : on a vu dans les manifs antivax et antipass françaises des manifestants porter des étoiles jaunes. Comme s'ils étaient menacés d'une rafle, d'une déportation et d'une chambre à gaz. Et un candidat à une élection cantonale poste une image de l'entrée d'un camp de concentration, remplaçant le sinistre "Arbeit mach frei" par un "le pass sanitaire rend libre", d'autres postent des images de Mauro Poggia ou Alain Berset en uniformes SS. La connerie, là, le dispute à la saloperie.

Certes, tous les manifestants antivax ou antipass de ces derniers jours ne sontpas tombés si bas. Ni ne menacent de mort un restaurateur qui offre un café aux vaccinés, comme il arriva à un restaurateur bâlois, mais dans ces temps de grande confusion, les déraisons pullulent et, bruyantes, font basse continue d'une drôle de rave même pas clandestine. En quoi un pass sanitaire entrave-t-il plus notre liberté qu'un passeport ou un visa, une carte d'identité, une carte d'assurance-maladie, un abonnement TPG ou CFF, un permis de conduire ? Il l'entrave en tout cas moins qu'une ceinture de sécurité... Après tout, le vaccin comme le pass  ne s'obtiennent que si on les demande, et l'acte de les demander comme celui de s'y refuser restent libres... La vaccination et le pass seraient-ils même obligatoires que pas grand chose n'empêcherait qui que ce soit de s'y soustraire, car il en est de toute obligation comme de toute interdiction : on en fait ce qu'on veut, en évaluant le prix qu'on payerait à ne pas les respecter : la liberté, ça ne se réclame pas : ça se prend, et on ne perd jamais que les libertés dont on n'est pas prêt à payer le prix.

Ainsi demandera-t-on seulement aux antipass d'être cohérents, et de boycotter tous les lieux où le pass est exigé : ils n'en mourront pas, ni eux, ni ces lieux. En revanche, on ne demandera pas aux antivax de renoncer par avance d'être soignés s'ils l'attrapent, la covid : ils le seront, soignés. Comme les autres. Dans les mêmes hôpitaux, par les mêmes médecins, les mêmes infirmières, les mêmes aides soignant.e.s que les autres. Et plus la part vaccinée de la population sera élevée, plus les non-vaccinés seront protégés. Par les autres. Ainsi, ceux pour qui combattre la pandémie relève d'un choix personnel sont-ils protégés par ceux pour qui elle est une tâche collective, moins sécuritaire que solidaire.

S'insoumettraient-ils, nos antivax et antipass, si la vaccination était obligatoire et son refus sanctionné ? Un lourd doute plane...  Piètre "résistance" que celle dont on n'est  prêt à faire payer le prix qu'à tous les autres... Et piètres "résistants" (mais à quoi résistent-ils, au juste ?), que ceux d'une "résistance" sans risque...


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