Opposition à la loi Covid : plus de bruit que de votes ?
La raison face aux peurs ? Ce serait si simple...
Le référendum lancé par les  "Amis de la
        Constitution" contre la loi  Covid-19 ayant largement abouti,
        avec plus de 80'000 signatures, la loi est soumise au vote
        populaire. Si elle devait être refusée en votation, les mesures
        qu'elle prévoit, et qui sont essentiellement des mesures de
        soutien aux victimes de la crise, seraient privées de base
        légale. Les opposants à la loi, naturopathe, scientophobes,
        complotistes et individualistes stirnériens mêlés,  font
        beaucoup de bruit médiatique et tintinnabulant de cloches
        bovines autour du pass sanitaire, mais semblent minoritaires, à
        en croire (la prudence s'impose) les sondages (le dernier en
        date accorde 69 % des suffrages à la loi). Du coup, en bon
        complotistes, ils annoncent d'ores et déjà que si la loi devait
        être acceptée par le peuple, ce ne pourrait être que grâce à la
        fraude lors de la votation et à la manipulation avant elle
        (ainsi dénoncent-ils dans l'intitulé même du vote, qui ne fait
        pas référence au certificat covid, une "tentative éhontée de
        tromper le souverain", alors que cet intitulé ne peut-être que
        celui du titre de la loi contestée, qui ne fait pas non plus
        référence au certificat covid...). Toujours à en croire les
        sondages, et toujours avec la prudence requise pour y faire
        référence, seuls les sympathisants UDC repousseraient
        majoritairement (à plus de 60%) la loi, le parti, lui, étant plus divisé, à l'image du duo
          dissonant Maurer-Parmelin et des positions contradictoires
          prises par le groupe parlementaire et l'assemblée des délégués
          du parti). La loi est en revanche soutenue à plus de 80
        % par les Verts, les Verts libéraux et les socialistes et à plus
        de 75 % par les sympathisants PLR et centristes. Pas vraiment un
        combat gauche-droite, donc. Quoi, alors ? un combat de la raison
        contre les peurs, alors ? Ce serait si simple...
      
On votera "oui" à la loi Covid pour pouvoir dire "non" à la Covid
A la mi-mars 2020, le Conseil fédéral édictait,
        usant du droit d'urgence, des ordonnances pour mettre en oeuvre
        des mesures de lutte contre la propagation de la pandémie de
        Covid-10 , et des mesures d'accompagnement social et économique
        de ces mesures de lutte. Ce droit d'urgence déplaçait vers le
        gouvernement le pouvoir dont dispose le parlement (et le
        peuple), la loi entrant en vigueur avant même que le parlement
        (et le peuple) l'aient acceptée (ce qu'ils ont fini par faire,
        le peuple le faisant en juin dernier). Nous ne sommes plus dans
        le droit d'urgence, et le 28 novembre, on ne votera pas sur la
        loi Covid adoptée par le parlement en septembre 2020, mais sur
        les modifications adoptées par les Chambres en mars dernier,
        après e vote populaire, et qui ne sont valides que jusqu'en mars
        prochain. 
      
La pandémie  a frappé dans un contexte social
        dégradé : les couches sociales déjà fragilisées avant la crise
        sont celles qui ont été le plus durement frappées par les
        conséquences des mesures prises pour lutter contre la
        propagation de la covid-19. Pendant quoi, les couches sociales
        privilégiées s'enrichissaient encore, et les couches sociales
        disposant d'un statut professionnel protégé traversaient la
        crise sans trop, ou sans du tout, de dommages. Les femmes
        subissaient une régression sans précédent en perdant plus
        souvent leur emploi que les hommes, en étant plus souvent qu'eux
        contraintes à travailler à domicile avec toujours les tâches
        domestiques et parentales à assumer. Les jeunes ont été freinés
        dans l'obtention de leur premier emploi, la poursuite de leurs
        études, la conquête de leur autonomie financières. Tout le
        système de protection sociale s'est ainsi révélé obsolète, et
        l'Etat-providence moins providentiel pour les victimes de la
        crise que pour lui-même. Les ménages dont le revenu disponible
        mensuel est inférieur à 4000 francs par mois en ont perdu 20 %,
        ceux dont il est supérieur à 16'000 francs l'ont vu raboté de 8
        %... et l'épargne a augmenté chez les plus aisé, et disparu chez
        les plus modestes.  Et on n'oubliera pas cette inégalité
        effarante, au plan mondial, que nous rappelle Jean Ziegler: dix
        pays ont utilisé 80 % des vaccins disponibles,quand les plus
        pauvres n'avaient qu'une dose disponible pour cent habitants 
      
Avec la loi Covid, on est toujours dans
        l'urgence, dans la réponse aux effets sociaux de la pandémie. Il
        faudra bien qu'on en sorte pour pouvoir reposer tous les
        problèmes révélés depuis un an et demi, à commencer par celui de
        l'insuffisance de notre système de protection sociale, de la
        largeur des trous dans le "filet social", de la croissance des
        inégalités, du renforcement des discriminations. La loi ne donne
        évidemment pas de réponse à ces questions. Elle n'est pas là
        pour cela, et aucune majorité parlementaire n'est, en Suisse,
        disposée à aller plus loin que ce qu'elle permet : boucher des
        trous. N'empêche : la loi soumise au vote donne une base légale
        indispensable aux mesures les plus utiles prises pour réduire
        les conséquences sociales de la lutte contre la pandémie (encore
        faut-il, évidemment, reconnaître qu'il y ait pandémie : les
        complotistes qui farcissent les rangs des opposants à la loi en
        sont encore à l'hypothèse trumpiste de la "gripette") :
        indemnisation des cas de rigueur, chômage partiel et
        prolongation de la durée d'indemnisation du chômage,  rentes-pont pour les chômeurs âgés, soutien
        aux entreprises, auc crèches, aux acteurs culturels et sportifs,
        aux manifestations publiques... 
      
On votera "oui" à la loi Covid sans s'en contenter, comme on avait voté "oui" à la loi CO2. On votera "oui" à la loi Covid pour pouvoir dire "non" à la Covid. Parce qu'il y urgence et qu'il faut y répondre. Même s'il faut pour cela accepter le certificat Covid, pas plus restrictif de nos libertés, et bien moins obligatoire, que bien d'autres documents que nous acceptons de solliciter et de porter sur nous. Pour aller plus loin que ces mesures d'urgence, il faudra d'autres propositions, et des réformes plus fondamentales. Qu'il ne dépend que de nous de mettre à l'ordre du jour... si nous tenons à ce qu'on reparle du revenu minimum, du contrôle des pharmas privées et de l'absence d'une pharma publique (le PS propose l'achat de Sandoz par la Confédération), de la maîtrise du coût des médicaments et des vaccins, qu'une entreprise publique pourrait facturer à leur vrai coût, sans chercher à en tirer un profit excessif... Ce sont là des éléments d'un programme politique, quand pour l'heure, il ne s'agit que de valider des mesures certes insuffisantes, mais indispensables si l'on veut éviter d'ajouter à la pandémie de Covid une épidémie de pauvreté.



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