Du "Black Friday"au "Good Sunday"

Genève refuse de prolonger les heures d'ouverture de ses commerces

Deux jours après le "Black Friday" consumériste, Genève a offert au personnel du commerce un "Good Sunday". Le vote sur la prolongation des horaires d'ouverture des magasins a été un vrai, bon, gros, vote gauche contre droite, communes et arrondissements de gauche contre communes et arrondissements de droite. En Ville de Genève, seuls trois arrondissements acceptent la loi bricolée par le Conseil d'Etat, la majorité de droite du Grand Conseil et le patronat : Champel, Cité-Rive et Florissant-Malagnou, et dans le canton ce sont les communes friquées de la rive-gauche (Anières, Corsier, Collonge-Bellerive, Cologny, Vandoeuvres) qui la soutiennent le plus fermement. Peine perdue : les Genevois et voises ont, par 52,5 % des voix, privilégié le soutien au personnel de la vente et l'exigence d'une convention collective au petit confort de pouvoir "faire les magasins" genevois trois dimanches de plus par an et une heure de plus le samedi. Après l'adoption par le peuple (contre les mêmes forces politiques et économiques qui roulaient pour la loi sur les horaires d'ouverture des magasins) d'un salaire minimum légal, c'est une confirmation qu'il y a à Genève une majorité, non pas automatique mais en tout cas atteignable, pour défendre et renforcer les droits des travailleuses et des travailleurs.

Quis custodiet ipsos custodes ?

Comme le demandait le patronat, relayé au parlement (et au gouvernement) par la droite (y compris le PDC, pour qui le Jour du Seigneur était soluble dans un Jour de la Consommation) , la majorité du Grand Conseil genevois proposait de prolonger les ouvertures des magasins le samedi et le dimanche, et le justifiait par la nécessité "d'adapter les conditions cadre du secteur du commerce de détail afin de pallier les difficultés auxquelles il est confronté en raison de l'évolution des habitudes de consommation". Comme si c'étaient les horaires d'ouverture des magasins genevois qui attiraient les consommateurs genevois vers les commerces français, et pas les prix. Et comme si l'enjeu, même pour le patronat, était celui des horaires, alors qu'il était bien de pouvoir se passer d'une convention collective étendue (qu'en 2016 le peuple avait posé comme une condition à l'extension des horaires d'ouverture)  et de n'avoir que le minimum légal ("accorder au personnel occupé les compensations prévus par les usages de leur secteur d'activité") ou une convention au rabais, à respecter. C'est cette exigence que la majorité citoyenne de dimanche a rappelé. Elle a aussi, cette majorité, rappelé, à sa manière, que dans la "Grande Genève", les commerces d'Annemasse ou de Ferney ne vendent pas moins de produits "locaux" que ceux de Genève et que l'exigence des circuits courts, de l'économie circulaire, de l'authenticité, des règles éthiques, n'est pas moins prégnante d'un côté que de l'autre de la frontière qui traverse l'espace "local" genevois...

Le verdict populaire de dimanche n'est cependant pas le dernier épisode d'un feuilleton qui commence à devenir assez lassant : "Nous allons continuer de nous battre pour préserver les commerces" a plastronné le directeur de la Chambre de commerce, et au Grand Conseil, un projet d'ouverture des magasins du lundi au samedi a été soutenu par la majorité de droite en commission de l'économie. ça sent un nouveau référendum, au cas où le Grand Conseil, ne tenant aucun compte du verdict des urnes dominicales, aurait l'imprudence amnésique de rouvrir les hostilités, sans qu'une convention collective étendue, négociée avec les syndicats représentatifs du secteur à Genève, ait été conclue. Car c'est bien là qu'est la clef de la sortie du dialogue de sourds entre un patronat qui tente systématiquement de passer en force et des syndicats qui affirment ne pas être fermés aux propositions de compromis, mais exigent des compensations suffisantes, dans une convention collective étendue,  à toute prolongation des horaires d'ouverture des commerces. Le Conseil d'Etat, lui, affirme vouloir rétablir le dialogue et participer à la recherche de solutions, mais avant la votation,  la nouvelle Conseillère d'Etat chargée de l'économie et de l'emploi, Fabienne Fischer, qui avait hérite du dossier et de la proposition refusée par le peuple, bottait déjà en touche : "Sur des sujets de ce type, il y a des différences entre ce que peut faire la militante et ce qui incombe à la Conseillère d'Etat".

Des différences, seulement, ou des contradictions ? Et qui surveillera les surveillants ?




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