Fonds de tiroir
On ne sait pas où il en est, mais le PLR genevois se «tâtait» (il fait bien, dans l'état où il est) le mois dernier pour éventuellement présenter, à l'élection du Conseil d'Etat dans un an et demi, «un ticket 100 % féminin», nous annonçait le GHI du 28 octobre (qui évoque les noms de candidates potentielles, aux côtés de Nathalie Fontanet : Anne Hilpold, Natacha Buffet-Desfayes, Véronique Kämpfen). Du coup, on comprend mieux pourquoi Jean Romain est allé écouter Zemmour. «Il s'agit d'une initiative personnelle qui n'engage en rien le PLR suisse», a cru bon de préciser le parti national. Qui, après l'affaire Maudet, doit commencer à en avoir un peu marre de gérer des genevoiseries... On ne saurait donc lui recommander de s'abstenir de suivre les séances du Conseil municipal de la Ville de Genève : ça achèverait de le déprimer.
L'historien de la médecine Flurin Condrau rappelle qu'«on ne s'intéresse à une pandémie que lorsqu'elle arrive à nos portes» : Ebola est resté en Afrique, tout le monde ailleurs s'en est contrefoutu, comme tout le monde hors de Chine se serait contrefoutu du Covid s'il n'avait pris le large. Et comme presque tout le monde s'en foutait au début de ses pérégrinations, comme le confirment les procès-verbaux des différentes instances suisses qui ont eu à gérer la crise sanitaire. Nous voyons les épidémies comme des fatalités étrangères, la diffusion de maladies exotiques propres aux pays pauvres, surpeuplés, sous-équipés, où humains et autres animaux voisinent. Et puis, de Chine, la Covid nous est arrivée et s'est répandue dans le monde entier en suivant les routes de la globalisation contemporaine et du tourisme de masse, mais aussi de bonnes vielles pérégrinations bigotes : le virus a voyagé dans les paquebots de croisières (30 millions de passagers), dans les avions (4,5 milliards de passagers) mais a aussi été accueilli et partagé dans des rassemblements religieux (le pélerinage de Qom, une église chrétienne sud-coréenne, un ras-semblement évangélique alsacien) et des foires internationales. La reli-gion était déjà l'opium du peuple, elle en est devenue aussi le coronavirus. Tant qu'à faire, hein...
Le petit pays idylliques des sonneurs de cloches s'est réduit, dimanche dernier. Lors du premier vote sur la loi Covid, cette terre haute et féconde de l'opposition à la loi rassemblait une demie-douzaine de cantons, mais lors du second vote (celui de dimanche, donc), il n'en est plus resté que deux : Schwytz et Appenzell Rhodes intérieures. Les autres, comme Uri, Schwytz, Obwald, Nidwald, les ont lâché. Les deux irréductibles se trouvent être les deux cantons les plus faiblement vaccinés du pays. On savait pas que le vaccin anti-covid était aussi un vaccin anti-toupin...
On ne désignera donc pas en Suisse les juges du Tribunal fédéral en les tirant au sort sur une liste bidouillée par une commission nommée par le gouvernement, et il continueront à être élus par le parlement. L'initiative populaire lancée par un patron richissime, pour le tirage au sort, a été balayée par plus de 68 % des suffrages, aucun canton ne l'acceptant. Sa défaite, le patron ne l'accepte pas plus que les opposants à la loi Covid n'ont accepté la leur. Lui, il en rend responsable les media du service public et annonce une nouvelle initiative. Pour le tirage au sort des résultats des initiatives populaires foireuses ?
Donc, on pourra à Genève destituer un
Conseiller d'Etat ou une Conseil-lère d'Etat qui aurait perdu
la con-fiance de la population ou de ses collègues, ou se
retrouvera incapable d'exercer sa fonction (genre coma ou
démence). On pourra, vu que le peuple en a décidé ainsi
dimanche, mais ça sera pas facile. Il faudra, dans le cas
d'une destitution pour perte de confiance, que 40 % des
membres du Grand Conseil le proposent, que les deux tiers des
parlementaires l'accep-tent, et que le peuple le ratifie (il
ne pourra pas, le peuple, le proposer lui-même). Et il n'y
aura pas de recours possible. Dans le cas d'une destitution
pour incapacité, ce sont le Conseil d'Etat ou les deux tiers
du bureau du parlement qui doivent la demander, et les trois
quarts du parlement qui doivent l'accepter (mais là, il y aura
recours possible). Par ailleurs, il n'y aura pas de
destitution collective du gouvernement possible. Ou alors,
comme en 1846, une révolution ?
Long débat pour des prunes mercredi au Conseil
municipal, sur une vieille motion et une vieille pétition
demandant que l'on féminisât la nomenclature des rues et
places de Genève, et donnant à des femmes des noms de rues
existantes (et donc en les débaptisant), ce qui se fait déjà
depuis deux ans, et qu'on n'avait donc plus à demander. On l'a
demandé quand même, pour se faire plaisir. On n'en a pas tant,
de ces petits plaisirs (pas solitaires), quand on est
Conseiller municipal, alors on n'allait pas refuser celui-là,
merde, quand même, quoi... Bref, la gauche demande de
féminiser les noms des rues, la droite refuse, avec notamment
cet argument idiot : on n'a pas consulté les habitants des
rues qu'on débaptise. Ouais, et alors ? Depuis deux siècles
qu'on joue au petit jeu français de donner des noms de
personnes à des rues, et à débaptiser des rues pour les
baptiser au gré des changements d'orientation politique du
pouvoir en place, on n'a jamais consulté les habitants... Vous
croyez qu'on leur a demandé, aux habitants de la rue des
Belles-filles, s'ils étaient d'accord d'habiter désormais rue
Etienne-Dumont ? Et aux habitants de la rue du Vieux-bordel
leur avis avant d'en faire la rue Diday ? et aux habitants de
la rue des Chanoines leur nihil obstat avant d'en faire la rue
Calvin ? Ce n'est guère que depuis le XIXe siècle, et surtout
au XXe, que l'on a donné à des rues des noms de personnes plus
ou moins illustres. Auparavant, sans doute certaines rues ou
places, certains lieux avaient reçu pour nom ceux de
souverains ou de saints, mais la pratique était d'autant plus
honorifique qu'elle était exceptionnelle. Se généralisant à
des noms de personnages des plus divers, choisis pour des
raisons elles aussi des plus diverses, elle a beaucoup perdu
de cet aspect honorifique. Mais surtout, elle a contribué à
dissoudre la mémoire des lieux quand elle a substitué à des
dénominations de métiers et d'activités, d'éléments du paysage
ou de lieux préexistants, des noms de personnes dont on peine
le plus souvent à savoir à quel titre elles ont été choisies
(à Genève, des dizaines de rues et de chemins portent comme
nom celui d'individus sont le seul mérite est d'y avoir été
propriétaire foncier). Alors, peut-être bien que la solution
serait de prendre un chouïa de distance avec la
personnalisation des noms de rues et d'en revenir à la bonne
vieille tradition de leur donner des noms d'arbres, de fleurs,
d'animaux, de métiers. Nous, on aime bien les rues des Acacias
même quand les acacias n'y sont plus ou des Chaudronniers même
quand il n'y a plus de chaudronniers pour y chaudronner et le
quai du Cheval Blanc même quand plus aucun cheval n'y hennit.
Ouala. C'était notre moment inclusif. On reviendra à notre
sectarisme habituel le plus vite possible, c'est promis...
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