Genève : Fin de la rente à vie des magistrats genevois
Rentrée dans le rang
On n'en avait rien dit, de cet objet soumis au
vote populaire dimanche à Genève, mais la rente à vie que le système actuel
accorde aux membres du Conseil d'Etat et au Chancelier ou à
la Chancelière d'Etat, ainsi qu'aux magistrats de la Cour
des Comptes a été abolie hier par le peuple souverain. Les
ministres rentrent dans le rand des citoyens et c'est encore
un effet collatéral de l'"Affaire Maudet"
que ce vote, alors que la question avait été posée avant que
n'éclate l'"affaire" : un premier projet
de loi avait été déposé en mai 2017 par Ensemble à Gauche et le
PS. Un deuxième projet est déposé par le Conseil d'Etat quelques
mois plus tard. Mais les aventures de l'enfant prodige de la
droite genevoise ont accéléré les choses : une initiative
populaire non formulée avait été déposée par les Verts libéraux.
C'est elle et le projet du Conseil d'Etat approuvé par le Grand
Conseil qui étaient soumis, opposés l'un à l'autre, au vote
populaire. Tous deux considéraient que le statu quo n'était pas
envisageable, et qu'une réforme était indispensable. En quoi
différaient-ils alors ? En ceci, que le projet du Conseil
d'Etat, soutenu par le parlement après avoir été amendé, était
plus complet : non seulement il mettait fin à la "rente à vie",
mais il affiliait les magistrats à la caisse de retraite de la
fonction publique (ce que ne faisait pas l'initiative) et
s'applique aussi aux magistrats de la Cour des Compte, oubliés
de l'initiative. C'est la raison pour laquelle nous avions,
comme la gauche, minoritaire sur ce coup là, voté "oui" à ce
projet et "non" à l'initiative. C'est elle qui a été finalement
acceptée ? On s'en consolera... surtout que les autres résultats
de cette journée de votation nous conviennent fort...
De l'utilité des aventures de Pierre Maudet
Genève était l'un des cantons, minoritaires, qui
accordait encore, contre la loi fédérale sur la prévoyance
professionnelle, une rente à vie à ses anciens (ou ex-)
Conseillers d'Etat : la plupart des autres cantons l'avaient
remplacée par une indemnité temporaire. Les deux propositions
soumises au vote du peuple (indigène) de la République,
l'initiative des Verts libéraux et le contre-projet du
parlement, visaient à la remettre dans le rang. C'est donc fait,
avec l'acceptation de l'initiative, qui proposait une rente
s'élevant au maximum à 70 % de leur dernier traitement, pendant
deux ans -mais pas plus. Le temps de se reconvertir.
La loi accordait une pension annuelle aux membres
du gouvernement quittant leur charge après au moins huit ans
d'exercice (sinon, ils et elles recevaient une indemnité unique,
dont le montant dépendait du temps passé à exercer leur charge),
ce qui fut le cas de Pierre Maudet (qui n'a cependant pas
demandé à en bénéficier -il pourra toujours le faire, puisque
son abolition n'a pas d'effet rétroactif). Le montant de cette
rente, qui tenait à la fois de l'indemnité de départ et de
pension de retraite, dépendait de la durée du mandat exercé, de
l'âge du pensionné ou de la pensionnée et de ses revenus. Un
système comparable était appliqué aux magistrat.e.s de la Cour
des Comptes -sauf que c'était après douze ans d'exercice de leur
magistrature. Tout cela nous venait d'un temps que les moins de
quarante ans ne peuvent pas connaître : un temps où les membres
du gouvernement (tous des hommes...) n'y entraient qu'à un âge
les rapprochant plutôt de celui de la retraite que de celui de
leur premier engagement politique : la rente annuelle n'était
alors versée que pendant une durée acceptable. Les temps ont
changé : on est Conseiller d'Etat ou, désormais, Conseillère
d'Etat, de plus en plus jeune (ou de moins en moins vieux, comme
on voudra) et la plupart des partis limitent le nombre de
mandats exécutifs que leurs élu.e.s peuvent exercer., On pouvait
donc se retrouver avec des ministres touchant une rente annuelle
de plusieurs centaines de milliers de francs pendant des
dizaines d'années. Injustifiable symboliquement, et socialement.
L'acceptation de l'initiative des Verts libéraux sonne le glas
d'un privilège, mais il faudra attendre une loi d'application
pour les obsèques, puisque l'initiative n'était pas formulée.
"J'espère que mon voyage juridique s'arrêtera là.
Quant à mon voyage politique, il ne s'arrêtera pas au prétoire",
avait déclaré Pierre Maudet au terme de son procès en appel, le
14 octobre. Un mois plus tard, on observe que ses aventures
judiciaires n'auront pas été politiquement inutiles à Genève...
On lui savait déjà gré de quelques actions, on lui saura gré de
cet héritage...
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