L'aide publique aux media soumise à votation : Utile, mais mal ciblée...
Un référendum de droite (surtout alémanique), soutenu par Economiesuisse et la plupart des PLR cantonaux, ayant été lancé, et ayant abouti, on votera le 13 février sur une (modeste) aide de 151 millions (100 millions sur sept ans, financés par le budget fédéral, et le reste sans limitation de temps, financé par la redevance radio-TV) aux media écrits et à leur acheminement par La Poste, aux media en ligne, aux radios et télés locales, aux agences de presse et aux centres de formation. Le référendum a été lancé au prétexte (fallacieux, mais mobilisateur) qu'une telle aide rendrait les titres qui la recevraient dépendants de l'Etat et contrôlés par lui. On retrouvait dans le comité référendaire l'ancien président de l'UDC Toni Brunner et l'ancien parlementaire PLR Peter Weigelt, opposés à un projet voté par la gauche et le Centre. Ce référendum menace une aide dont de nombreux petits journaux locaux aux ressources publicitaires raréfiées ont besoin pour survivre, contrairement aux grands groupes nationaux comme Tamedia, et aux titres basés dans les grands centres urbains. 70 journaux ont disparu depuis vingt ans et une trentaine de petits journaux régionaux sont menacés à court terme de les rejoindre dans la fosse commune de la presse écrite : ce sont eux qu'il s'agit d'aider. Or l'aide votée par le parlement reste largement insuffisante... et imprécisément ciblée, puisque pourraient en bénéficier des groupes médiatiques qui n'en ont pas besoin (comme Tamedia, précisément...), même s'ils ne pourront pas obtenir plus de 20 % des fonds disponible (ce qui est déjà trop).
Ce qui menace le pluralisme des media en Suisse,
        c'est le marché, pas l'Etat
    
Près de 2000 publications papier (journaux, magazines, bulletins associatifs) et une trentaine de media audio-visuels (radios et télévisions locales) bénéficient déjà d'une aide publique en Suisse. Celle qui est soumise au vote du peuple le 13 février s'ajouterait pendant sept ans à cette aide existante, pour compenser la baisse des revenus publicitaires des media passés sous la barre des 500 millions par an pendant que les recettes publicitaires des grands réseaux internet, surtout Facebook et Google, atteignaient deux milliards (le Conseil fédéral devrait d'ailleurs se prononcer prochainement sur un dispositif, celui des "droits voisins", permettant de taxer les géants du web qui reprennent des contenus produits par des media suisses.)
Ce que l'aide proposée par le
          parlement veut préserver, c'est le maillage des media locaux
          et régionaux : "les habitants de toutes les régions (ont le
          droit) d'être informés de ce qui se passe près de chez eux",
          résume la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, pour qui
          "quand les medias sont fragilisés, la démocratie directe est
          affectée". Mais pour la droite, l'information est
              une marchandise comme une autre, et pas une condition de
              la démocratie. Dont acte. Dont acte aussi le versement de
              dividendes aux actionnaires des grands groupes
              médiatiques, alors qu'ils ont introduit le chômage partiel
              (payé par de l'argent public) et se sont "réorganisés"au
              prix de licenciements.
            
Les
              référendaires (dont une brochette de politiciens UDC et
              PLR) se plaisent à agiter la menace d'un contrôle étatique
              des media, et d'une atteinte aux libertés de presse et
              d'opinion. Comme si les menaces pesant sur ces libertés
              venaient de l'Etat, et pas du processus de concentration
              des titres, avec à la clef l'uniformisation croissante de
              leur contenu, les pressions sur les journalistes et les
              décisions, ou les menaces, de fermeture pure et simple des
              titres pas assez rentables. 
            
Il
              n'est pas question que la Confédération intervienne de
              quelque manière que ce soit sur le contenu rédactionnel
              des media soutenus : le principe "qui paie commande" ne
              pèse rien face à celui de la liberté de la presse (étendue
              à celle des autres media). Le projet soumis au peuple ne
              donne à la Confédération que la responsabilité de
              s’assurer que les media sollicitant une aide fournissent
              de réels contenus rédactionnels originaux et assument une
              diversité des thèmes traités. 
            
On la votera, l'aide publique attaquée par référendum, mais on ne fera pas semblant de croire qu'elle sauvera à elle seule, ni même n'y contribuera décisivement, à sauver le pluralisme médiatique : ce qui le menace en Suisse, c'est le processus de concentration des titres, la dématérialisation des contenus (l'abandon de l'imprimé pour les écrans), la dépendance de la publicité. Le marché, en somme, pas l'Etat...


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