Loi Covid : une bonne claque aux mauvaise odeurs, mais...

Un "oui" sans euphorie


La nouvelle version de la Loi Covid a donc été adoptée à 62 % des suffrages, malgré une campagne tonitruante, dispendieuse et quasiment trumpiste de ses adversaires, qui subissent un échec d'autant plus rude que la majorité acceptante a progressé, avec un taux de participation record, et que des cantons qui avaient, au début de l'année, refusé la première version de la loi ont basculé dans le camp de l'acceptation de la deuxième. D'où, sans doute, la rogne des perdants : après les menaces, les slogans nauséabonds, les amalgames inacceptables, on a eu droit au refus, trumpiste toujours, de reconnaître le résultat pourtant on ne peut plus clair du scrutin. Peu importe : la Suisse ayant été sans doute le seul pays à se prononcer par un vote populaire national sur les mesures de lutte contre la pandémie et de gestion sociale et économique de ses effets, elle s'est prononcée clairement. Une bonne claque aux mauvaises odeurs. On devrait en être euphoriques, et pourtant on ne l'est pas. Parce qu'on n'a pas vraiment de raisons de l'être.
Et que cette loi ne nous suffit pas.

"La sortie de crise sera solidaire ou ne sera pas"

Le peuple suisse a donc doté ses collectivités publiques, de la Confédération aux communes, de quelques moyens de lutte contre une pandémie dont la cinquième vague clapote aux portes de ses hôpitaux, et d'accompagnement social et économique de ces mesures. C'est bien, pragmatique, rationnel, et c'était nécessaire. Mais insuffisant. Parce que par définition, une pandémie ne connaît pas de frontières. Et que si le virus sévit, se répand et mute au sud, il finira forcément par revenir au nord. D'où non seulement la légitimité, mais aussi a nécessité d'une suspension des brevets des vaccins, exigée hier par une manifestation à Genève.

"La sortie de crise sera solidaire ou ne sera pas", a résumé le co-président du PSS. Sans doute, mais les moyens dont le peuple a doté dimanche ses gouvernements n'y suffiront pas : ni le pass sanitaire, ni la vaccination, ni le masque, ni le gel hydroalcoolique, ni les mesures qui furent prises lors de la première vague (le confinement, les fermetures de commerces et de lieux publics) ne font une politique. En revanche, l'autre "oui" de dimanche, celui à l'initiative pour des soins infirmiers forts (qui a obtenu un soutien presque aussi clair que celui apporté à la loi Covid) ouvre une voie, celle d'un renforcement du service public. Sinon, que changera le "oui" à la loi Covid ? Pas grand chose. Il nous satisfait en ceci qu'il fut une victoire de la raison sur la paranoïa (et les sommes considérables, sans doute au moins deux millions, dont au moins 1,3 million récoltés par le seul comité "Santé et liberté") dépensées pour en faire une campagne politique), mais nous insatisfait en ceci qu'il ne dessine pas une sortie mais seulement une "gestion de crise".

L'objectif du Conseil fédéral est, proclame Alain Berset, de sortir le plus vite possible de la crise. Et une fois cette sortie faite, on se retrouve où ? Là où on en était avant la crise ? Dans la société des vaccins privatisés, du "Black Friday", du manque d'hébergements pour les sdf et de la chasse aux sans-papiers ? Comme elles sont bien plus interconnectées, avec bien moins de stocks de sécurité, que les économies anciennes, les économies modernes ne supporteraient pas ce que celles des siècles passés supportèrent. La peste noire ou la grippe espagnole exterminèrent le tiers d'une population, le covid en tuant beaucoup moins (un pour mille...) fera beaucoup plus de dégâts économiques... Il en résulte, logiquement, que si nous voulons éviter d'autres épisodes du même genre, il nous faudrait changer beaucoup de choses : vivre dans des entités plus petites, plus autonomes, moins dépendantes les unes des autres que ne le sont les espaces sociaux et économiques dans lesquels nous vivons. Nous devrions nous déplacer plus lentement, moins souvent. Travailler moins, dépenser moins, consommer moins. Mais c'est mal parti : vendredi dernier, c'était le "Black Friday" et dans un mois, ce sera les nocturnes de Noël.  

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