Ré-interdiction de la mendicité à Genève : Une loi anti-Rroms

 

Donc, infoutu de doter le canton d'un budget, le Grand Conseil genevois  a juste été capable de rouvrir la chasse aux mendiants. Comme il ne pouvait pas interdire la mendicité en tant que telle, il s'est contenté d'en interdire la pratique partout où elle se pratique. Elle reste donc autorisée là où il n'y a personne ni pour mendier, ni pour accorder une aumône. On pourra toujours mendier à Genève : sur les Pierres du Niton. C'est très con, mais la droite en est très fière, et sans doute le restera-t-elle jusqu'au moment où un tribunal dira que non seulement c'est con, mais que que c'est en outre anticonstitutionnel et contraire à une convention internationale, comme la Cour européenne des droits humains l'avait rappelé à la Parvulissime République quand elle interdisait formellement la mendicité, amendait les mendiants, voire les emprisonnait. Interdire la mendicité est donc contraire aux droits humains fondamentaux reconnus par la Suisse (et Genève, qui se targue d'être capitale des droits humains).  La majorité du Grand Conseil n'en a cure et a produit une loi antimendicité qui ne dit pas son nom et qui de toute évidence ne vise pas le  sdf local : cette loi est en réalité une loi antiroms. En d'autres termes, une loi raciste. Bref, comme d'habitude, il va falloir que le Conseil municipal de Genève fasse ce qu'il peut pour réparer les conneries du Grand Conseil de Genève...

Pour que la "capitale mondiale des droits de l'homme" les respecte dans ses propres rues...

C'est une vieille histoire, la répression de la mendicité : en France, une ordonnance royale (de Jean Le Bon), en pleine épidémie de peste et en pleine Guerre de Cent ans, interdisait déjà le vagabondage et la mendicité. En somme, la droite genevoise, en imposant une interdiction de fait de la mendicité, s'inscrit dans une longue tradition, de laquelle on pensait pouvoir s'émanciper en s'appuyant sur les textes fondamentaux produits depuis un peu plus de deux siècles pour normer les droits humains. Etions-nous optimistes ? Disons que nous avons sous-estimé la prégnance dans la droite genevoise d'une sorte d'obsession de purification sociale.

La Cour Européenne des Droits de l'Homme avait condamné la Suisse en considérant qu'une mendiante que Genève avait condamnée avait "le droit, inhérent à la dignité humaine, de pouvoir exprimer sa détresse et essayer de remédier à ses besoins par la mendicité". Et que condamner quelqu'un pour mendicité exprimait par conséquent un déni de la dignité humaine en général, et de celle de la mendiante condamnée en particulier. La Suisse ayant renoncé à faire recours auprès de la Grande Chambre Cour européenne, les mendiants étaient donc de retour dans les rues de Genève; "Ils pullulent", avait même couiné le député PLR Cyril Aellen, qui il y a quelques mois mendiait lui-même  des suffrages, qu'il n'a pas obtenus, pour se faire élire au Conseil d'Etat à la place de Maudet.

Les mendiants (les vrais) ayant repris leur activité quémandeuse dans les rues de Genève, la droite genevoise a tiré prétexte de cette visibilité retrouvée pour réintroduire en lousdé une interdiction de la mendicité qu'elle ne peut réintroduire sous la forme générale qu'elle avait : la mendicité serait interdite partout où elle apporte quelque chose aux mendiants (dans les zones et les quartiers commerciaux et touristiques, près des arrêts TPG, des banques, des postes, dans les transports publics, à l'aéroport...) mais autorisée là où ils ne vont pas parce que personne ne répond à leur main tendue. a gauche, elle, s'en tient à la décision de la CEDH : la mendicité n'a plus à être réprimée. Ou plutôt, doit réellement cesser de l'être, puisque même si la police ne réprime plus les mendiants parce qu'ils mendient, elle les alpague parce qu'ils n'ont pas de permis de séjour, ou qu'ils se regroupent en trop grand nombre sans masques là où les masques sont obligatoires, ou parce qu'ils laissent des mégots ou des papiers sur le trottoir...

La fin de l'interdiction de la mendicité ne signifie pas forcément qu'il soit devenu impossible de la réglementer et d'en exclure certaines formes ((comportement agressif, utilisation d'enfants), mais dans son arrêt, la CEDH a été claire : que la mendicité puisse être inconvenante ne suffit pas à en faire une activité en soit illégale : "alors même qu'il y a des personnes qui (...) éprouvent une peur -quelquefois irrationnelle- lorsqu'elles se retrouvent face à des animaux de compagnie que l'on promène dans l'espace public, l'interdiction pure et simple de (cette activité) apparaîtrait comme inimaginable". Elle fut pourtant imaginée par des députés genevois."Il est troublant d'avoir dû aller jusqu'à la CEDH pour faire respecter le droit à Genève", soupirait le député socialiste Sylvain Thévoz. Troublant, peut-être. Mais pas surprenant. Et il n'est même pas exclu qu'il faille à nouveau y recourir, à la CEDH, vu le refus de la droite piogréenne de tenir réellement compte du jugement de la Cour européenne, et son obstination à vouloir interdire ce que la CEDH interdit d'interdire...

En attendant quoi, c'est peut-être au niveau institutionnel le plus proche des citoyens qu'il conviendra de s'adresser : à la commune. Pour exclure que sa police participe à la chasse aux mendiants (autrement dit : à la chasse aux Rroms) rouverte par la droite cantonale, et l'inciter à soutenir l'engagement des associations qui, comme Mesemrom, agissent pour que la "capitale mondiale des droits de l'homme" les respecte dans ses propres rues...

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