Une Genève sans budget, l'autre avec...
Douzièmes imprévisionnels
A Genève, une majorité PLR, PDC, UDC et MCG -une
        majorité de droite, quoi-  a refusé il y a dix jours d’entrer en
        matière sur le projet de budget du Conseil d’État. Ce qui met le
        canton, pendant une année (puisque le Conseil d'Etat ne déposera
        pas de nouveau projet de budget : "le blocage est sans issue", a
        soupiré la ministre des Finances, Nathalie Fontanet), sous le
        régime des «douzièmes provisionnels" qui l'oblige à fonctionner
        mois après mois, avec un douzième du dernier budget adopté. Cela
        signifie  l'abandon de 365 postes  notamment dans la santé, la
        politique sociale, la formation et l'éducation et la sécurité,
        et l'impossibilité de maintenir les prestations et les services
        les plus indispensables à la population en temps de double crise
        sanitaire et sociale : pas d'augmentation de la subvention à
        l'Hospice Général, pas de postes supplémentaires aux HUG, pas
        d'aide supplémentaire aux entreprises frappées par la crise, pas
        de prise en compte de l'augmentation de la population générale,
        et de populations particulières (dont les élèves des écoles). Et
        cerise sur le gâteau, ce refus du budget remet à une commission
        du Grand Conseil le pouvoir d'accepter ou refuser  à la place du Conseil
        lui-même les demandes de crédits supplémentaires déposées par le
        Conseil d'Etat pour tenter de sauver une partie de ce qui était
        prévu dans le budget poubellisé par la droite.  Cela dit, si le
        canton commencera l'année sans budget, la Ville, elle, en aura
        un  (le Conseil municipal en décidera entre vendredi soir et
        mardi matin). Pas forcément un budget "de gauche", puisque
        contraint par un cadre "de droite", mais au moins un budget.
        Moralité : pour qu'une collectivité publique ait un budget pour
        l'année à venir, il vaut mieux que son parlement soit à majorité
        de gauche plutôt qu'un parlement à majorité de droite : le
        premier au moins fera son boulot... A partir de quoi, il restera
        peut-être qu'à rappeler ce qu'est un budget à des députés  de droite infoutus d'en doter la
          République... mais capables en revanche de rouvrir la
        chasse aux mendiants. 
      
Dis, Tonton, c'est quoi un budget ?
      
Un
              budget, c'est une autorisation de dépense. A la fin de
              l'exercice budgétaire, les comptes disent si cette dépense
              autorisée a été faite, si elle a été faite intégralement
              ou s'il y a un "non dépensé". Et il y en a toujours des
              "non-dépensés", qu'on ne peut affecter qu'au
              désendettement. La dette ? C'est le moyen, en temps
            de crise, de financer des investissements. De financer
            aujourd'hui la transition écologique, des infrastructures de
            mobilité collective. Pas de quoi grimper aux rideaux en
            hurlant à la faillite, surtout quand les créanciers ne
            demandent même pas de rembourser le principal de la dette,
            mais seulement les intérêts -actuellement fort bas, et même
            parfois négatifs (on est alors payés pour emprunter)...
          
Comme l'a rappelé le socialiste Alberto Velasco,
        le budget cantonal refusé par la droite n'était  "pas un budget
        de gauche" : il répondait aux "critères très libéraux de
        Maastricht" avec un déficit de moins de 3 % (presque deux fois
        plus réduit que celui du budget précédent, que la droite avait
        accepté), des charges augmentant six fois moins vite que les
        revenus et une (modeste) progression des charges inférieure à
        celle de la décennie précédente, où la droite était
        majoritaire...Et les cadeaux fiscaux
        accordés aux grosses entreprises (qui ont moins souffert de la
        crise pandémique que les petites), aux hauts revenus et aux
        grandes fortunes (qui ont encore grandi et grossi) dépassent de
        loin les déficits cumulés du canton et de la Ville. On clame que
        Genève vit une crise des dépenses ? si on fait abstraction des
        dépenses liées à la pandémie (180 millions), c'est une crise des
        recettes qu'elle doit supporter -et cette crise là est le
        résultat de choix politiques délibérés, réitérés, obsessionnels
        : à elle seule, la RFFA a fait perdre au moins 259 millions de
        francs en 2022, soit plus de la moitié du déficit prévu par le
        budget cantonal... La réponse de la gauche, c'est l'initiative
        pour une contribution de solidarité, augmentant temporairement
        d'un demi-point la fiscalité des personnes physiques sur la part
        de leur fortune (pour celles qui en ont une...) qui dépasse les
        trois millions de francs... 
        
La création de nouveaux postes dans la fonction
        publique ?  la droite genevoise s'apprête à lancer une
        initiative pour l'interdire  tant que le budget sera
        déficitaire. Et comme il risque fort de l'être longtemps, les
        hôpitaux, les écoles, les prisons, les services sociaux devront
        se débrouiller pour fonctionner avec le personnel qu'ils ont, et
        qui est déjà insuffisant : il en manque par exemple à l'Office
        de la population, au services des bourses d'étude, dans
        l'enseignement spécialisé...  Là encore, la réponse de la gauche
        est claire (si claire que l'initiative de la droite y est
        elle-même une réponse) : c'est l'initiative "1000 emplois" à
        créer chaque année dans les domaines sanitaires, sociaux,
        écologiques.
      
Genève est riche : les salaires y sont plus élevés
        qu'ailleurs, les prix aussi, les dépenses publiques aussi. Et la
        part qu'y prend le canton par rapport aux communes aussi. Mais
        les inégalités aussi. Et le nombre de sdf.  Et le pourcentage de
        personnes à l'aide sociale. Et les besoins d'infrastructure,
        puisque la densité de sa population est la plus élevée de tous
        les cantons suisse (Bâle-Ville exceptée), que sa croissance
        démographique et économique est continue, et que le négoce, la
        finance, l'horlogerie et la chimie n'ont pas souffert de la
        crise, et en ont même parfois profité. 
      
Genève est riche. La question de savoir à quoi, et à qui, sert cette richesse. Et comment la répartir, la redistribuer. Un budget donne des éléments de cette réponse, une absence de budget aussi : un refus de se poser la question et de faire face à la réalité.


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