Brèves de comptoir

 114 écrivains étaient détenus dans les prisons turques en novembre dernier, cinquante d'entre eux l'étaient même depuis plus de trente ans, souvent torturés, certains ayant eu les droits brûlés, voire amputés, pour les priver de la capacité d'écrire. Nazim Hikmet, qui a passé douze ans en prison, a bien des camarades mais Asli Erdogan ne tient pas à en être, et nul ne saurait le lui reprocher: détenue pendant quatre mois en 2016 pour ses écrits, exilée en Allemagne, elle avait cru pouvoir revenir dans son pays quand au printemps 2020 elle avait été acquittée, mais un nouveau pro-cureur a ouvert un nouveau dossier devant un nouveau tribunal, l'ac-quittement est annulé et à l'automne 2021, l'écrivaine a été reconvoquée à une audience le 16 décembre. Elle ne s'y est pas rendue, pour éviter de se retrouver en prison comme ses 114 confrères (et soeurs ? on ne sait). Mais elle risque alors d'être la cible d'un mandat d'arrêt international. Alors elle envisage, ce qu'elle refusait jusqu'alors, de demander l'asile politique en Allemagne. On ne sait où en est son histoire, mais ce qu'on sait, c'est qu'il vaut mieux pour elle, pour la littérature, pour le peuple turc lui-même, qu'Asli Erdogan puisse continuer à vivre libre, à écrire, à penser, à parler librement. Car «être captif,  là n’est pas la question.  La question est de ne pas se rendre» (Nazim Hikmet). Et Asli Erdogan ne se rend pas.

Selon une étude menée dans quatorze pays auprès de 900 enfants et adolescents atteint d'une tumeur au cerveau, il n'y aurait aucun lien de cause à effet entre l'utilisation des smartphones et ces tumeurs, dont la fréquence était restée stable malgré l'intensivité croissance de l'usage des portables. C'est une bonne nouvelle. Sauf que ça ne nous dit pas si un usage intensif du portable nécessite encore la présence d'un cerveau ou si une moelle épinière peut suffire.

Selon un rapport réalisé par la Banque cantonale de Zurich, la ville la plus bruyante de Suisse est... Genève ! Genève, bruyante ? Sans blague ? Sans blague : un tiers (32,7%) des logements de la Ville sont exposés à au moins 60 décibels (l'équivalent d'une tondeuse à gazon à moteur pas électrique, à dix mètres de distance), et seules 4 % des adresses sont situées dans un endroit calme. Cimetières compris, sans doute.  Suivent Genève dans le classement du fracas, Lugano et Lausanne. Quant aux villes les moins bruyantes, l'étude désigne Berne, Aarau et Winterthur. L'étude considère que la réduction de la vitesse reste le meilleur moyen de réduire le boucan du trafic motorisé. A part bien sûr la réduction du trafic motorisé lui-même (motos et scooters, et même voitures électriques, y compris). Mais ça l'étude ne le dit pas. C'est bien dommage.

Le Conseil administratif nous informe que le Musée d'Art et d'Histoire a pu acquérir 15 pièces de monnaies genevoises fort rares, dont un denier au nom de Charlemagne et un ducat savoyard du XVe siècle frappé dans l'atelier de Cornavin. On est très contents pour le MAH. Et pour la Ville, qui vient donc d'accroître sa fortune, déjà largement supérieure au déficit de son budget et même à sa dette. Reste plus qu'à savoir quel est le cours du denier carolingien et du ducat savoyard...

Le Tribunal fédéral a censuré une partie de la loi genevoise sur la laïcité, en supprimant, sur recours de la «Ligue musulmane genevoise pour la paix religieuse» le caractère «exceptionnel» de l'autorisation de tenir des manifestations religieuses sur la voie publique, lesquelles devraient donc être traitées comme toutes les autres manifestations Auparavant, la Cour de Justice genevoise avait déjà supprimé l'interdiction pour les député.e.s et conseiller.e.s municipaux.pales d'ar-borer des «signes religieux» visibles. Il va rester quoi de la loi bricolée par le Grand Conseil si les tribunaux continuent à en couper des mor-ceaux les uns après les autres ? une proclamation rhétorique, une pétition de principe et des dispositions inapplicables ?

L'année commence très fort pour Le Procureur général de Genève, Olivier Jornot, désavoué par la Chambre pénale et de révision qui a acquitté Pierre Maudet, et s'est résigné à ne pas faire appel du jugement du Tribunal de police qui avait auparavant acquitté Simon Brandt... Pierre Maudet a donc été acquitté (comme ses co-accusés, sauf son ancien chef de cabinet) des chefs d'accusation pour lesquels il avait été condamné. Ce n'est pas que le tribunal d'appel considère qu'il n'a commis aucune faute (lui-même avait d'ailleurs fini par admettre les siennes), c'est qu'il considère que ces fautes ne sont pas pénalement répréhensibles, si elles le sont tout de même politiquement -mais de cela, un tribunal n'a pas à juger : c'est l'affaire de son parti et. du peuple. L'acquittement de Maudet n'efface donc ni ses mensonges, ni ses tentatives de manipulations, il constate seulement les lacunes béantes du droit en vigueur -or on ne peut condamner, juridiquement parlant (là encore, politiquement c'est autre chose), que «de lege lata», sur la base du droit en vigueur, pas du droit tel qu'on voudrait qu'il soit mais qu'il n'est pas encore... Accepter l'invitation de la famille royale d'Abu Dhabi était certes, estime le tribunal, transgresser les règles et les usages, mais pas les lois. Et accepter de se faire offrir un sondage par quelqu'un qui attendait un retour d'ascenseur n'est pas non plus pénalement répréhensible, puisque la loi suisse est d'un mutisme de carpe catatonique sur les conditions du financement privé des partis politiques. Pierre Maudet et les co-accusés ont beau avoir «crassement» menti et dissimulé des preuves, on ne peut pas le condamner pour les chefs d'accusation qui pesaient sur eux. En fait, Maudet est seul responsable de ses ennuis judiciaires. Ce n'est pas que Jornot soit exempt de reproches, c'est seulement qu'il n'aurait pas dû tenter de «se faire Maudet» (et Brandt) si Maudet ne lui en avait pas donné l'occasion, en mentant tant qu'il pouvait le  faire sur le financement de son voyage privé (et dont le tribunal reconnaît qu'il était privé). Quant aux réactions à l'acquittement de Maudet, elles sont convenues : les maudétistes applaudissent au blanchiment de leur idole (en ignorant que le tribunal ait tout de même reconnu qu'il avait fauté), les antimaudétistes groument et se raccrochent à ce que les maudétistes veulent ignorer, le président du PLR assure que l'acquittement de Maudet «ne change rien», la présidente du Centre et celle du PS  sont du même avis et dans la famille «faux derche» on sélectionnera Christhihan Lüscher, au Téléjournal de la TSR, déclarant à propos de l'acquittement de Maudet, qu'il l'avait «toujours souhaité...  Quant à la suite politique du feuilleton (dont on attend pour être sûr qu'il soit terminé de savoir si le Parquet fait appel du dernier jugement), on se dit qu'acquitté, Maudet pourra plus facilement reprendre pied dans la politique genevoise, à supposer qu'il s'en soit jamais réellement éloigné. C'est d'ailleurs tout le bien qu'on lui souhaite... et qu'on se souhaite : c'est tout de même grâce à lui que la gauche est majoritaire au Conseil d'Etat. Et même qu'elle pourrait le rester. 

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