Qui a peur des SIG ?

Confier à une entreprise publique un monopole sur les réseaux thermiques structurants

Le 13 février, à Genève, on vote sur une proposition de loi constitutionnelle défendue par le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, confiant au canton, via les Services Industriels, le monopole des grands réseaux de chaleur et de froid ("réseaux thermiques structurants"). Un projet typiquement social-démocrate, en somme. Qui, logiquement, suscite l'opposition des syndicats patronaux et du PLR, alors  même que le monopole proposé ne concerne que les réseaux structurants, pas la production de chaleur ou de froid (une entreprise pourra vendre ses rejets thermiques), ni les réseaux secondaires, que des entreprises privées pourront réaliser.

Un moyen de répondre à l'urgence climatique et environnementale

Le canton de Genève exploite ou construit de grands réseaux thermiques (chaleur ou fraîcheur), comme celui qui exploite la chaleur produite par l'usine d'incinération des Cheneviers ou celui qui fournit chaleur et fraîcheur à partir de l'eau du lac (Genilac), comme aussi celui, projeté, de géothermie exploitant la chaleur du sous-sol. D'ici 2030, le nombre de kilomètres de ces réseaux devrait doubler, et ils devraient assurer 25 % de l'approvisionnement énergétique, soit plus du double qu'actuellement (11 %). Les réseaux à développer pour atteindre cet objectif (pour 1 milliard et demi d'investissements) ont en commun de substituer des énergies renouvelables aux énergies fossiles, et d'être exploités par les Services Industriels (SIG), sans que ceux-ci disposent d'un monopole légal. Le canton veut donc en instituer un, et les SIG pourraient ainsi proposer des tarifs coordonnés pour tout le canton (ces tarifs devront être approuvés par le Conseil d'Etat).

Le patronat et le PLR sont opposés à ce monopole partiel accordé aux SIG. Parce que les SIG sont une entreprise publique ? Confier à une entreprise publique la gestion de grands réseaux de distribution d'énergie ou de transports n'est ni chose nouvelle, ni projet révolutionnaire : c'est en 1897 que la Confédération a décidé de racheter les principales compagnies de chemin de fer privées pour constituer un réseau national cohérent. Le début du "socialisme", clamaient les opposants. Qui seront lourdement défaits en votation populaire : par 67,9 % des suffrages, le peuple masculin accepte la création de ce qui deviendra les CFF... A Genève aussi on a fait en 1948 d'une compagnie privée de transports publics, la Compagnie genevoise des tramways électriques (CGTE) fondée en 1899, une entreprise publique par le rachat de la majorité de ses actions par le canton. En 1977 elle deviendra les Transports Publics Genevois, TPG).

Et puis, ce monopole des SIG par la capacité qu'il donne à la collectivité de déterminer l'infrastructure énergétique avec d'autres critères que ceux du profit est aussi un moyen de répondre, très concrètement, sur (et sous) le terrain et pas seulement par des discours, à l'urgence climatique et environnementale. L'investissement public pour la construction du réseau structurant est considérable : quatre milliards, à la charge des SIG, pour contribuer à atteindre une part d'énergie renouvelable de 80 % de l'énergie distribuée dans le canton. Le monopole que la loi proposée au peuple accorde aux SIG sur ce réseau structurant n'est pas une manie idéologique de collectivistes forcenés, c'est un instrument nécessaire pour atteindre cet objectif. L'expression, aussi, d'une volonté politique de l'atteindre, et de s'en donner les moyens. Ce sont ces moyens que l'on refuserait en refusant le monopole partiel que la loi proposée au peuple veut accorder aux SIG.


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