Fonds de tiroir

 La ludothèque du Petit-Saconnex voulait organiser une soirée «à mixité choisie», une soirée de jeux entre filles, sans garçons cisgenres (ceux dont le genre correspond au sexe, le comportement social à la biologie, en somme). Et ça a fait hurler. Cette soirée était une demande de jeunes filles. Elle a été annulée du fait de la polémique minable qui l'a frappée. On ne devrait donc pas, ou plus, à Genève organiser des soirées réservées à un genre ou un sexe. Ni aux filles et aux femmes sans garçons ni hommes, ni aux garçons et hommes sans filles et femmes.  Dont acte. On a donc posé mardi, au Conseil municipal, une question innocente et cisgenre à notre Conseillère administrative préférée, Christina Kitsos : Que va, que peut faire la Ville de Genève pour mettre fin aux soirées entre mecs ? Aux beuveries de Vieux Grenadiers sans vieilles grenadières ? Aux réunions de curés sans leurs bonnes ? Aux afters de Männerchör sans sopranos ? On attend avec gourmandise la réponse de la Conseillère administrative.

Un Conseil municipal est un parlement. Municipal, mais un parlement quand même. Ce parlement a un règlement. Et ce parlement a un bureau. Et ce bureau est chargé d'appliquer ce règlement. C'est comme ça à peu près partout dans les démocraties. Pourquoi «à peu près» ? Parce qu'il y a, forcément, des exceptions. La Ville de Genève, par exemple. C'est bien une commune (depuis 1798, avec une interruption entre 1815 et 1846 parce que la droite de l'époque l'avait supprimée, la commune, mais une révolution l'avait rétablie), cette commune a bien un Conseil municipal, ce Conseil municipal a bien un règlement et un bureau, ce bureau est bien chargé de faire respecter ce règlement... mais il lui arrive, à ce bureau, d'avoir des vapeurs, des trous de mémoire, des difficultés de lecture et de compréhension des textes. Ainsi, lorsqu'un vote clôt un débat sur un projet de délibération, un nouveau et troisième débat peut être demandé par un tiers des élues et élus présents. Et s'il est obtenu, comme il l'a été le 26 janvier dernier sur la mise en oeuvre de l'initiative populaire «zéro pub», il doit obligatoirement, et sans exception possible, avoir lieu à la séance suivante ou lors de la session suivante. Sauf que le bureau du Conseil municipal n'avait pas envie de tenir ce débat dans le délai règlementaire. Parce que le bureau est à majorité de droite (il est composé d'un représentant par groupe politique, et il y a un groupe de droite de plus que de groupes de gauche, même si la droite est minoritaire en sièges) quand le Conseil municipal est à majorité de gauche, que le bureau est opposé à l'initiative «zéro pub» quand le Conseil municipal y est favorable, que la droite a besoin de temps pour lancer un référendum et qu'il est plus facile de récolter des signatures au printemps qu'en hiver. Et donc, le bureau du Conseil municipal s'est assis (comme une grosse Suisse molle...) sur le règlement du Conseil municipal et a reporté en mars un débat qui aurait obligatoirement dû avoir lieu au plus tard hier. Et que la majorité du bureau n'a pas démordu de cette attitude. Alors, bon, on veut bien se dire que c'était une manière d'inaugurer la nouvelle salle de séance du Conseil, et se dire qu'y'en a point comme nous, mais des fois, on se dit que ça vaut mieux. Pour le autres.

On ne saurait trop vous recomman-der la chronique de Gauthier Ambrus («Futur antérieur») dans le «Temps» de samedi dernier, sur l'«affaire Maudet, ou l'art consom-mé du vaudeville». Il compare justement cette affaire à un vau-deville de Feydeau, où pour sauver les apparences, «les choses finissent par se raccomoder, du moins officiellement»... mais derrière, ça grince «plus fort qu'avant»...

En début d’année, Pierre Maudet était acquitté en appel dans l’affaire de son périple à Abu Dhabi (quoique l’instance d'appel ait estimé que Maudet n’aurait pas dû accepter le cadeau «indu» d'un voyage d'agrément à Abu Dhabi). On attendait de savoir ce que le Ministère Public allait faire de cette acquit-tement, ben on sait : il fait recours auprès du Tribunal fédéral, qui tranchera définitivement cette affaire sous l’angle pénal, en confirmant ou non la décision de la Cour d'appel. Le feuilleton n'est donc pas terminé. C'est vrai qu'il manquait un épilogue à la deuxième saison, avant de com-mencer la troisième, lors des élections cantonales de l'année prochaine. A la place de Netflix, on commencerait à s'intéresser à la politique genevoise. A gauche comme à droite, d'ailleurs.

Le Conseil d'Etat genevois a obtenu du Grand Conseil (de sa majorité de droite rejointe par le PS) le crédit de 11,7 millions qu'il demandait pour l'étude  et le concours d'architecture d'un projet de nouvelle patinoire du Trèfle-Blanc (deux patinoires, en fait, dont une pour 8500 spectateurs). Et il l'a obtenu juste après avoir aussi obtenu de pouvoir balancer un million de plus dans le trou du Stade de Genève, à la Praille. La coïncidence des deux décisions est éclairante, et les ques-tions que pose le projet de nouvelle patinoire sont les mêmes que celles qui se posaient à propos du projet de nouveau stade : quel sera le coût d'exploitation du machin, qui devra payer, qu'est-ce que c'est que ce projet «sportif» énergétiquement goinfre, gratifié de 24'000 m2 de surfaces commerciales et d'un immense parking (1200 places), et ... le coût du projet est estimé à 287 millions, le financement public à 157 millions : le canton n'a pas mieux à faire de ses ressources en temps de crise ? Vous ne trouvez pas que tout ça justifierait un référen-dum, pour tenter d'éviter de faire deux fois les mêmes conneries ?

«Résistons !», la scission de Solidarités qui voulait constituer un «grand parti populaire de gauche» et n'a réussi qu'à constituer qu'un groupe de plus de la gauche de la gauche en se séparant des autres, leur avait proposé une rencontre pour se rabibocher en vue des prochaines élections cantonales. «Ensemble à Gauche» canal historique lui a répondu que Solidarités, le Parti du Travail et le DAL travaillaient déjà à une alliance «pour faire de la politique ensemble, en se mettant d'accord sur un fonction-nement et en fixant des règles claires, par exemple en cas de conflit». Empiriquement, Solidarités, le DAL et le Parti du Travail ensemble peuvent espérer passer la barrière du quorum de 7 % pour pouvoir siéger au Grand Conseil genevois (Solidarités et le DAL y sont bien arrivés sans le Parti du Travail au Conseil municipal de la Ville). Donc pas besoin de tenter le rapatriement de Christiane Taubira à Genève pour faire l'unité de la gauche de la gauche genevoise après l'échec de sa tentative de faire celle de la gauche française. Et «Résistons !» va pouvoir continuer à résister sans qu'on sache précisément à quoi d'autre que ce à quoi veut déjà résister «Ensemble à Gauche».

On sait, ou devrait le savoir : l'Italie est le pays qui a inventé la politique moderne, alors même qu'il n'existait pas encore comme Etat mais comme une multiplicité de communes, de duchés, de républiques... et elle continue à l'enseigner, la politique, l'Italie. Même aux Français. Tenez, par exemple, une élection prési-dentielle (l'italienne) deux mois avant l'autre(la française) : à 80 ans, le président Mattarella a été réélu pour sept ans. Bon, des vieux présidents, c'est pas forcément original, mais là, le truc qui fait tout le charme de cette élection, c'est que Mattarella ne voulait pas être réélu. Qu'il avait déjà commencé son départ à la retraite et déménagé de sa résidence présiden-tielle. Et qu'il n'a été réelu que parce que le parlement (en Italie ce n'est pas le peuple qui élit le Chef de l'Etat) a été incapable d'élire qui que que ce soit d'autre. Même pas le Premier Mi-nistre, Mario Draghi, qui, lui, aurait bien voulu être prési-dent mais ne le sera pas. Résultat : l'Italie a un prés-ident qui ne voulait plus l'être, et un Premier ministre qui ne voulait plus l'être non plus. Forza Italia !




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