Refus de l'abolition du "droit de timbre" : premier round d'un long match

D'ici l'année prochaine, les Suisses se prononceront en votations sur deux enjeux décisifs, l'un fiscal et l'autre social :  l’impôt minimum décidé sous l’égide de l’OCDE et les subsides aux primes d’assurance maladie. Avant cela, dimanche, c'est sur la suppression du droit de timbre que nous nous sommes prononcés. Cette abolition n’aurait eu qu'un effet important : réduire les recettes fiscales. Et n'aurait e qu'une cinquantaine de bénéficiaires (99 % des sociétés ne paient pas ce droit perçu sur l'augmentation de leur capital, ou ne paient qu'une somme symbolique). Pendant quoi, la droite politique et patronale soutient une augmentation de la TVA, le plus "antisocial" des impôts (plus bas est votre revenu, plus importante est la part qu'y prend cet impôt, puisque plus importante est la part de ce revenu qui est consommée, et taxée de TVA), propose l'abolition de l'impôt anticipé  pour faciliter la fraude et la soustraction fiscales, prépare celles des droits de douane, de la valeur locative et des droits de timbre restant, et combat toute amélioration du droit du travail, réduit les droits aux prestations sociales (chômage, AI) ou menace les droits des locataires. 

Le rapport de force dans les urnes contre le rapport de force au parlement

La droite parlementaire, patronale, économique, avait  fait voter au parlement fédéral l'abolition du "droit de timbre", une taxe sur les apports en capitaux par émissions d'actions. Et elle clamait que cette abolition était une mesure en faveur "des entreprises" en général. Or l'écrasante majorité des entreprises ne paient rien de cette taxe parce que leur apport en capital nouveau est inférieur à un million, ou qu'il provient d'une autre source que celle d'une émission d'actions. En 2006, la franchise (la part du capital nouveau sur lequel le droit de timbre n'est pas prélevé) pour le droit d’émission a été quadruplée : elle est passée de 250 000 à un million de francs. Le droit de timbre n’est donc prélevé que sur une levée de capital propre qui dépasse le million de francs, une mesure qui en exempte les plus petites entreprises. En outre de nombreuses entreprises misent sur des prêts (non taxés) plutôt que des levées d'actions. En réalité, seules les plus grosses entreprises la payent, cette taxe, et elles ne sont qu'une cinquantaine à en payer la plus grosse partie : Il y a 600'000 entreprises en Suisse. Seules 2300 ont payé le "droit de timbre" en 2019 -autrement dit, plus de 99 % des entreprises n'y étaient pas soumises. Et d'entre les 2300 qui l'ont payé, près des deux tiers n'ont payé que moins de 10'000 francs, et les 33 plus grosse, ont payé la majorité du total du produit de cette taxe, en levant, en moyenne, plus de 100 millions de fonds chacune. Les faire passer pour des PME fragiles que la taxe étrangle, comme tente (par exemple) de le faire l'hebdo patronal "Entreprise romande", était donc assez farce. Mais faire perdre 250'000 millions de francs chaque année à la Confédération aurait fait moins rire, quand ces ressources pourraient être affectées à des causes plus utiles que la distribution d'un cadeau fiscal à de grosses entreprises qui n'en ont nul besoin...

Il y a au parlement fédéral un rapport de force lourdement favorable à la droite. Mais à ce rapport de force, il y a un contrepoids : le rapport de force dans les urnes, le vote populaire. C'est ce vote, cet autre rapport de force qui a, le référendum aidant, répondu dès dimanche prochain à la volonté obstinée de la droite et du patronat d'alléger les impôts que paient les actionnaires, les détenteurs de grosses fortunes, les bénéficiaires de hauts revenus, les rentiers (et surtout les rentières) AVS. Et de vider les caisses publiques -toutes les caisses publiques.

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