Fonds de tiroir

 On salue l'initiative attendrissante d'une dame vaudoise qu'on ne connaît pas et qui s'est payée une page entière dans la «Tribune de Genève» et sans doute aussi «24 Heures», vu qu'elle est vaudoise, pour publier un «appel à Sa Sainteté le Pape François» lui demandant de se «rendre en Ukraine pour em-pêcher le génocide d'une nation», et assurant que lui seul peut le faire «parce que le Vatican ne fait pas partie de l'OTAN» (c'est vrai que la Garde Suisse n'est pas intégrée au commandement militaire de l'al-liance) et que lui, le Pape, n'a pas «les mains liées comme les autres chefs d'Etat». La dame lui demande d'exiger d'être «à la même table que Poutine et Zelensky» et d'y rester durant toutes les négociations. Elle assure qu'en ce cas «les bombarde-ments cesseront». Un miracle, quoi. Et comme argument, celui-ci : «N'oubliez pas que 75 % des Russes se considèrent comme chrétiens». Ouais, mais pas comme catholiques. Le Pape de Rome, ils n'en ont pas grand chose à cirer. Et leur «pape» à eux, le patriarche Kirill, est plus poutinien que Poutine. Et il y a peu de chance que la présence de François en Ukraine provoque ce que la dame en attend, «une onde de choc auprès de la nation russe». Dont on se demande même si elle sait qu'une guerre a été lancée au nom de la Russie par le tsar du moment... On se moque pas, la dame fait ce qu'elle peut pour tenter quelque chose contre la folie poutinienne, mais on a seulement un gros doute sur la capacité de François à y faire quoi que ce soit...

Chauds bouillants, ils étaient les journalistes invités par le Club de la presse à débattre vendredi sur le thème (alléchant) de  «Guerre de l'informa-tion : quelle censure, quelle liberté d'expression» (en lien avec la guerre d'Ukraine). Et qui en ont bien débattu, mais ont aussi débattu d'un tas d'autres sujets, et se sont bien écharpés. A en croire la relation qu'en a fait la  «Tribune de Genève» de sa-medi, ça devait être réjouissant, on regrette de ne pas y avoir assisté. Le député Guy Mettan (ex-PDC et ancien rédac'chef de la «Tribune», s'en prend au rédac'chef de l' «Illustré» et ancien rédac'chef du «Temps», Stéphane Benoit-Godet, qui s'en prend au président du Conseil d'administration du même  «Temps», Eric Hoesli, les uns accusant les autres de complai-sance envers Poutine et les autres accusant les uns de russophobie. Tous cependant semblent avoir regretté le bannissement des bouquets télé des chaînes russes Russia Today et Spoutnik. Résultat du combat ? Apparemment, match nul. Pas de victimes, en tout cas. Ni morts, ni blessés (ou alors dans leur amour-propre). On n'est pas en Ukraine, on est à G'nêêêêve, et G'nêêêêve, c'est une ville de paix. même entre journalistes ? Même.

Le Conseiller aux Etats PLR zurichois Ruedi Noser a eu une idée  : échanger le report de deux ans de  l'âge de la retraite (qui passerait donc à 67 ans) contre deux semaines de plus de vacances par an. Bon, ça fait quand même un peu souk, marchandage pour faire passer le report de l'âge de la retraite toujours refusé jusqu'à présent par le peuple, mais y'a une piste, là. On devrait pouvoir discuter : la retraite à 67 ans ? d'accord. Mais avec la semaine de 32 heures, les six semaines de vacances, le salaire minimum à 4000 balles dans toute la Suisse  et un congé parental de huit mois (au moins). Allez, un chti effort...

Il y a neuf jours, c'étaient les élections cantonales vaudoises. Et avant-hier, c'étaient les élections bernoises. Et c'est marrant comme elles se ressemblent. Bon, le Pays de Vaud a été sous baillages bernois pendant deux siècles, ça peut expliquer... Donc, à Berne, pour l'élection du Conseil d'Etat, y'avait une alliance de droite contre une alliance de gauche et c'est l'alliance de droite qui a pris le dessus. Dans un canton très, très majoritai-rement (aux deux tiers) de droite, bourgeois et conservateur, c'est pas bouleversifiant : la gauche était mi-noritaire avant, elle le reste. D'autant plus quand elle est in-foutue de voter compact, ce qui fut le cas. Bon, bref, on prend les mêmes et on complète : les six sortantes et sortants (2 UDC, 2 PS, 1 PLR, 1 Verte) ont été réélu.e.s, et Le Centre prend le septième siège. Au Grand Conseil, le PS prend un bouillon et perd six sièges et les Verts en gagnent cinq, l'UDC et le PLR s'effritent en perdant chacun deux sièges et les Verts libéraux en gagnent cinq. Et tout ça avec une participation encore plus misérable (31 %) que celle dans le canton de Vaud il y a neuf jours (34 %). Y'a pas à dire, Berne et Vaud, c'est pas tout à fait weiße Mütze et bonnet blanc, mais presque.

A Moscou, des agents du FSB ont perquisitionné la filiale de l'horloger de luxe Audemars Piguet, et saisi des montres pour une valeur de plusieurs millions de francs (on vous épargne le change en roubles). Sans doute une mesure de rétorsion après l'adhésion de la Suisse aux sanctions européennes contre la Russie après l'invasion de l'Ukraine. La Suisse a dénoncé la saisie comme  «arbitraire ». Et elle a raison : pourquoi ils ont raflé des montres de luxe et pas des cônes de schabziger, hein ?

Le 1er mars, la Ville de Genève présentait un inventaire de ses mo-numents à l'aune de l'héritage colonial. Certes, Genève, ni la Suisse, n'avaient pas de colonies, mais des Genevois et des Suisses n'en ont pas moins été participants au commerce triangulaire  : on exporte vers l'Afrique des marchandises fabriquées en Europe, on importe d'Afrique des marchandises non fabriquées et on transfère en Amérique des Africains asservis pour travailler dans des plantations, et donc à la traite négrière, à l'esclavage. A droite, on a grommelé au wokisme, à la réécriture de l'histoire, tout ça, vous connaissez la chanson, à force de l'entendre et de la lire (sans la partition, les paroles suffisent). Or il se trouve que sur onze millions d'Africaines et d'Africains déportés vers les Amériques, 165'000 l'ont été grâce à la participation de financiers suisses au commerce «trian-gulaire». C'est pas beaucoup, direz-vous? Pour un pays officiellement «sans colonies», c'est déjà trop, en tout cas pour l'oublier. Et pour oublier que si en Suisse, on a applaudi à l'abo-lition de l'esclavage par la Grande-Bretagne en 1833, et à sa réabolition par la France après la révolution de 1848, on a applaudi à l'abolition d'un crime dont on a, quand même, été un peu complices. Et un peu bénéficiaires. Mais avec bonne conscience, quand même.

Selon un sondage Tamedia de fin mars, 78 % des Suisses et des Suissesses soutiennent l'activation pour les réfugiés et réfugiées ukrainien.nes (mais eux et elles seul.e.s) du «statut de protection S», qui leur permet d'obtenir l'asile sans avoir à subir la procédure ordinaire. Même une majorité des sympathisants UDC (52 %) y souscrivent. Mais une majorité (66%) des sondé.e.s refusent d'étendre cette mesure à d'autres populations en exode, comme les Afghan.e.s ou les Syrien.ne.s, quoique les socialistes et les Vert.e.s l'acceptent, à 59 %. Solidaires on est, en Suisse. Mais avec des pincettes. Avec des gens qui nous ressemblent, faut pas pousser...On se refait pas.





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