Transparence du financement des partis politiques : La transparence à petit pas...
Dans le Jura, le peuple a largement accepté (par 11'354 suffrages contre 7596) il y a deux semaines une initiative populaire socialiste prévoyant la publicité des donations aux partis politiques, et de leurs auteurs, dès un montant de 750 francs, et a refusé (par 10'179 voix contre 8256) le contre-projet moins contraignant présenté par le parlement et soutenu par la droite (PLR, PDC, UDC). Le texte adopté prévoit la publication des comptes annuels des partis, et de leurs sources de financement, ainsi que des comptes des comités de campagne de votations et d'élections cantonales et communales. L'identité des donateurs de plus de 750 francs pour les personnes physique, dès le premier franc pour les personnes morales, doit être rendue publique. Pendant ce temps là, à Genève, où une telle loi existe déjà (avec quelques différences), la majorité de droite de la commission du règlement du Conseil municipal a refusé la proposition socialiste de conditionner le subventionnement des groupes parlementaires du Conseil au respect de la loi. On dit que Genève fait partie de l'Arc jurassien ? la corde de l'arc semble un peu distendue.
Savoir qui paie un parti, et combien, permet tout de même d'en savoir un peu plus sur ce qu'il est, et qui il sert
Le succès (devant le peuple, à défaut des
cantons) de l'initiative pour des multinationales responsables
de leurs actes a converti la droite à la transparence du
financement des campagnes électorales et référendaires qu'elle
perd et l'engagement des ONG aux côtés de l'initiative de la
nécessité pour la Suisse de cesser d'être le seul Etat membre du
Conseil de l'Europe à n'avoir pas légiféré en la matière. Et une
initiative populaire "Pour plus de transparence dans le
financement de la vie politique", qui a abouti, rencontre une
forte sympathie dans l'opinion publique. Elle exige que les partis et comités rendent
leur financement public et transmettent leurs comptes à la
Chancellerie fédérale, que les dons soient déclarés, les dons
anonymes (dès 10'000 francs) interdits et que les chiffres
ainsi obtenus soient publiés avant les scrutins qu'ils
concernent. L'initiative répond à une
requête réitérée du Groupe d'Etats contre la corruption
(Greco) du Conseil de l'Europe (dont la Suisse est membre),
qui relève que la Suisse est l'un des rares Etats européens à
ne pas réglementer au niveau national et demande
l'introduction en Suisse d'une obligation faite aux partis
politiques et aux candidats à des élections de communiquer les
dons qu'ils reçoivent, y compris ceux sous forme non
monétaire, à partir d'un certain montant, ainsi que l'identité
des donateurs, les dons anonymes devant être interdits. Il
demande également que les partis politiques soient tenus de
présenter leurs comptes.
Il aura donc fallu que les "milieux de
l'économie" s'aperçoivent que d'autres qu'eux pouvaient engager
des centaines de milliers de francs dans des campagnes
nationales pour convaincre la droite fédérale de se rallier à
quelques mesures qui devraient être d'évidence. Le Conseil des
Etats a donc fixé une obligation de déclaration des soutiens dès
qu'ils dépassent 50'000 francs, en ressources financières ou en
services (secrétariat de campagne, par exemple), mais seuls les
donateurs de plus de 25'000 francs devront être dévoilée (la
gauche, par la voix de la Genevoise Lisa Mazzone, plaidait pour
un plancher de 10'000 francs). Il faudra certes aussi soumettre
aux mesures de transparence les partis politiques, pas seulement
les comités de campagne référendaires et électorales. On n'en
est pas encore là, mais il faudra bien qu'on y arrive.
Cela dit, le résultat des dernières élections cantonales genevoises a prouvé qu'il ne dépendait pas vraiment de ses moyens financiers qu'un parti soit vainqueur ou défait : lors des dernières élections cantonales genevoises, les deux partis qui ont dépensé le plus sont les deux grands perdants des élections : le MCG a été réduit de moitié, et "Genève en Marche" n'a même pas atteint le quorum... Même politiquement, l'argent ne ferait pas le bonheur ? Mettons-le au conditionnel, dans un "paysage politique" que certains voudraient pouvoir transformer en un marché, sur lequel règneraient, évidemment, ceux qui disposent des plus gros moyens. On n'en est pas encore là, et si la transparence du financement des partis politiques pouvait contribuer à ce qu'on y arrive jamais, cela ajouterait une utilité à sa légitimité de principe : savoir qui paie un parti, et combien, permet tout de même d'en savoir un peu plus sur ce qu'il est, et qui il sert.
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